Le chahid Mostefa Benboulaïd a fait de la réconciliation entre les tribus de la région des Aurès une "plateforme solide" pour assurer le succès du déclenchement de la Révolution libératrice, a affirmé Mohamed-Chérif Abdeslam, un des moudjahidine ayant pris part aux attaques menées la nuit du 1er novembre 1954 à Biskra. Rencontré par l'APS au musée du Moudjahid en marge d'une semaine de la Mémoire récemment organisée par l'association Machaâl chahid, Abdeslam a souligné que Benboulaïd avait conscience que la politique de "diviser pour régner" dont s'en servait l'administration coloniale pour dompter les tribus devait être contrée par une stratégie de réconciliation rassembleuse pour éviter toute entrave au déclenchement de la Révolution. Ce moudjahid qui conserve une bonne mémoire en dépit du poids de ses 82 ans, a déclaré que l'unification des deux grandes tribus de la région en l'occurrence les Béni Bouslimane à qui appartient Abdeslam et les Touaba dont faisait partie Benboulaïd, a contribué à "assurer le secret des préparatifs de la Révolution impératif pour la réussite de son déclenchement". "Un des succès fulgurant de Benboulaïd dans cette démarche fut de parvenir à rallier les bandits d'honneur appartenant aux deux tribus au mouvement nationaliste", note Abdeslam qui cite notamment les noms de Sadek Chebchoub, Hocine Berahaïl, Grine Belgacem et Mekki Aïssi. Un mois avant le jour "J", un lot de 18 pièces d'armes a été acheminé par Mostefa Bousseta au groupe du Djebel H'mar Khedou composé des cellules de M'chounech et Baniane via la montagne El Harra, se remémore le moudjahid. Auparavant, des consignes avaient été données par Benboulaïd pour limiter l'utilisation des armes à feu durant les fêtes de mariage et d'en acheter de nouvelles à chaque fois que l'occasion s'offre. Les membres de la cellule de Baniane menaient des entraînements au tir un mois avant la Révolution, note Abdeslam qui relève qu'en dépit du bruit que cela faisait, nul n'en a averti l'administration coloniale, la population étant acquise à Benboulaïd. ''Les réunions de notre cellule étaient tenues au domicile de notre chef Abdeslam El Hocine Abdelbaki'', se rappelle ce moudjahid qui a fait savoir que des inspecteurs venaient, de temps à autres, leur rendre visite dont Ahmed Nouaoura, Messaoud Belagoune et Hamouda Ben Abderazak qui se fera appeler plus tard Si El Houas. Ce moudjahid, aujourd'hui octogénaire, se souvient que c'est le chef de cellule El Hocine Abdeslam qui les a informés de la date du déclenchement de la Révolution en leur demandant de réunir des provisions pour se diriger vers Biskra.
Seul mot d'ordre, la victoire ou le martyr Quelques jours auparavant, les membres de la cellule de Ghassira s'étaient réunis dans la maison d'El Hocine Abdeslam et avaient prêté serment sur le Saint Coran de demeurer fidèles à leur engagement jusqu'à la victoire ou la chahada (le martyr), affirme Abdeslam qui précise que, c'est durant cette rencontre, qu'ils reçurent le mot de passe entre combattants qui fut "Khaled-Okba". A midi, le groupe se dirigea vers sa cible emportant sur deux mulets ses provisions dont 6 bombes. L'une de ces bombes, assure Abdeslam, pesait 5 kg et avait été fabriquée par Ali Baâzi et son frère puis envoyée par Benboulaïd. Les groupes de Khenchela et de Djebel H'mar Khadou à qui appartenait Abdeslam furent informés du moment précis du déclenchement quelques heures seulement avant son avènement du fait de leur éloignement de la dechrat Ouled Moussa. Sur leur route, ils avaient rencontré les membres de la cellule de M'chounech qui les attendaient sous le commandement de Hocine Berahaïl qui dirigea les deux cellules. Empruntant à pied un sentier très rude, ils parvinrent à la région Lagraf près d'El Allia dans la ville de Biskra où ils s'étaient divisés en 5 sous-groupes qui donnèrent l'assaut contre la caserne, le siège de la police, la gare ferroviaire, le bureau de poste et le poste électrique. Mohamed-Chérif Abdeslam affirme que 15 moudjahidine, dont lui-même alors âgé de 19 ans, avaient déclenché la Révolution à Biskra. Tous partageaient, affirme-t-il, le rêve de voir l'Algérie indépendante.