La prévision budgétaire 2018 de la France présente selon Bruxelles un "risque de non-conformité" avec les règles européennes, une mise en garde embarrassante pour le président Emmanuel Macron qui avait promis de les respecter. La France fait partie, avec l'Italie, la Belgique, le Portugal, l'Autriche et la Slovénie, des six pays épinglés par la Commission européenne, qui publie chaque année à la même époque une évaluation des budgets européens dans le cadre du "semestre européen". Bruxelles remarque "un écart important" entre le budget qui lui a été présenté par Paris et "la trajectoire d'ajustement requise" pour atteindre son objectif d'assainissement des finances publiques. Elle souligne aussi que le niveau de la dette française -- 96,9% du PIB en 2018 -- dépasse de loin le seuil des 60% prévu dans les traités. Ce bonnet d'âne européen est susceptible de mettre à mal la crédibilité de la France vis-à-vis de ses partenaires européens, à l'heure où Emmanuel Macron les invite à réformer l'Europe en profondeur, en particulier la zone euro. Une discussion sur ces réformes est d'ailleurs à l'ordre du jour d'un prochain sommet européen mi-décembre à Bruxelles. "La marge de sécurité est faible. Il faut tenir les objectifs", a martelé le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, lors d'une discussion avec des journalistes.
'On va rassurer' En raison de ses largesses budgétaires, la France reste avec l'Espagne le seul pays de la zone euro encore sous le coup d'une "procédure pour déficit excessif", qui peut aboutir à des sanctions et des amendes -- même si cela ne s'est encore jamais produit. Pour en sortir, elle doit présenter deux années de suite un déficit public inférieur à 3% du Produit intérieur brut (PIB). Pour l'instant, la Commission anticipe un déficit à 2,9% à la fois en 2017 et en 2018. Bien qu'"un risque" demeure sur ces chiffres, Bruxelles anticipe dans son analyse de mercredi que la France sortira de cette procédure au printemps prochain, ce qui la contraint dès lors à respecter en 2018 des objectifs bien plus poussés que cette seule règle des 3%. Il lui est désormais demandé de réduire son déficit structurel (hors conjoncture économique). Bruxelles a fixé cette réduction à 0,1 point de PIB. Or, selon ses calculs, ce déficit structurel, loin de se réduire, devrait s'accroître de 0,4 point de PIB, soit un écart significatif de 0,5 point. "La différence d'appréciation avec la Commission est habituelle à ce stade de l'année et se résorbe en général" plus tard, a réagi le ministère français des Finances dans un communiqué. "Elle reflète en partie la prudence de la Commission". "On va rassurer" Bruxelles, a ensuite insisté le porte-parole du gouvernement français, Christophe Castaner, à l'issue du conseil des ministres à Paris.
Six bons élèves "Notre approche est prudente et conservatrice", a concédé M. Moscovici, soulignant que Bruxelles appréciait "les réformes faites en France". La prochaine évaluation budgétaire de la Commission est prévue au printemps prochain. Bruxelles s'est par ailleurs dite "préoccupée" par la dette publique élevée de l'Italie, qui va atteindre 130,8% du PIB en 2018, un chiffre d'autant plus inquiétant que Rome devrait enregistrer la croissance la plus faible de la zone euro. "Etant donné la taille de son économie, c'est une source d'inquiétude pour la zone euro dans son ensemble", a même affirmé l'exécutif européen dans une lettre adressée à Rome. Le Premier ministre portugais, dont le budget est également mis en cause, a pour sa part assuré qu'il irait "au-delà des objectifs" fixés. "Au fil des mois, la Commission européenne va être rassurée", a ajouté le socialiste. Seuls six pays parmi les 19 ayant adopté la monnaie unique sont en conformité totale avec les règles européennes: l'Allemagne, la Lituanie, la Lettonie, le Luxembourg, la Finlande et les Pays-Bas. Pour les autres -- Estonie, Irlande, Chypre, Malte, Slovaquie et Espagne -- les projets de budget sont jugés "globalement conformes". Bruxelles note cependant à propos de l'Espagne "une incertitude" sur l'exercice 2018 liée à la crise en Catalogne. La Grèce, toujours sous le coup d'un plan d'aide à cause de sa dette, n'est pas concernée par ces prévisions budgétaires. La Commission a par ailleurs recommandé mercredi de clore la procédure pour déficit excessif ouverte contre le Royaume-Uni, seul pays hors zone euro encore concerné par ce dispositif.
Tenir les engagements européens Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a assuré devant le Sénat que la France tiendra ses engagements européens, alors que Bruxelles avait estimé la veille qu'elle présentait "un risque de non-conformité" avec les règles communautaires. "Je veux redire ici la détermination totale du président de la République, du Premier ministre, de l'ensemble du gouvernement, à tenir nos engagements européens", a déclaré M. Le Maire en entamant l'examen du budget 2018. "Nous serons sous les 3%, limite que nous avons nous-mêmes choisi de respecter". "La France qui se moque de ses engagements européens, c'est fini. La France qui balaie les critiques de ses partenaires, c'est fini. La France qui ne se soucie pas de bien tenir ses finances publiques, c'est fini. La France qui vote des budgets insincères, c'est fini", s'est enflammé le ministre. Bruxelles a anticipé mercredi que la France sortirait de la procédure de déficit excessif au printemps, avec un déficit public inférieur à 3% du PIB. Mais la commission européenne s'est inquiétée en revanche de la dette - 96,9% du PIB en 2018 contre 60,0% demandé par les traités - et d'un déficit structurel (calculé sans effet de la conjoncture économique) qui va selon elle s'accroître. "Je le redis: un fardeau de 18 milliards pèse sur nos comptes. Malgré cela, nous respecterons nos engagements", a insisté le ministre des Finances, en rappelant que "la Commission européenne a confirmé que nous sortirons en 2018 de la procédure pour déficit excessif dans laquelle nous sommes depuis 2009". "La hausse de ce projet de loi de finances sera de 0,5%", a souligné de son côté le ministre des comptes publics Gérald Darmanin. "C'est toujours trop, c'est plus de zéro, mais c'est tout de même deux fois moins que ces deux dernières années et cela montre le courage du gouvernement", a-t-il dit. De son côté Gérard Longuet (LR) qui remplaçait au pied levé le rapporteur général Albéric de Montgolfier (LR), souffrant, a souligné que si initialement l'objectif de réduction de la dépense publique était de 20 milliards d'euros par rapport à l'évolution tendancielle, elle ne sera finalement que de 14 milliards. "C'est dire quel cas vous faites de la baisse des dépenses publiques - et vous en faites supporter le principal sur les collectivités locales", a-t-il dit. Il a aussi accusé le gouvernement de ne "faire rien de significatif sur la masse salariale des fonctionnaires, qui va continuer à progresser". Il a par ailleurs qualifié la réforme de la taxe d'habitation d'"injuste et précipitée". Pour le président de la commission des finances Vincent Eblé (PS), "le gouvernement bénéficie des efforts engagés par le précédent gouvernement pour redresser notre économie, en particulier sa compétitivité", et se contente "de surfer sur la reprise, qui facilite grandement l'objectif de 3,2 milliards d'économies". "Ce budget est moins celui du nouveau monde que celui des vieilles ficelles", a-t-il conclu. L'examen en première lecture du budget 2018 au Sénat doit s'achever le 12 décembre.