Clap de fin pour le premier budget de la Sécu du quinquennat: le Parlement a adopté définitivement lundi ce projet de loi comprenant des mesures controversées comme la hausse de CSG, une baisse de l'allocation versée pour les jeunes enfants et l'extension des obligations vaccinales. Les députés, qui ont le dernier mot face aux sénateurs, se sont prononcés favorablement par 43 voix (LREM et MoDem) contre 13 (tous les autres groupes, de la gauche de la gauche à la droite). Ce projet de financement de la Sécurité sociale - environ 395 milliards d'euros pour régime général et Fonds de solidarité vieillesse - doit ramener, au prix de nouvelles économies dans la santé, le déficit de la Sécu à 2,2 milliards d'euros en 2018, au plus bas depuis 17 ans. La ministre de la Santé Agnès Buzyn, qui a défendu le texte depuis octobre au côté du ministre des Comptes publics Gérald Darmanin (ex-LR), a encore vanté lundi un budget "de responsabilité, de la solidarité et de la transformation". L'orateur LREM Thomas Mesnier a insisté sur "les engagements tenus", et notamment des "choix clairs en faveur des plus fragiles", avec l'augmentation de l'aide à la garde d'enfants pour les familles monoparentales ou l'augmentation du minimum vieillesse - maintenu néanmoins sous le seuil de pauvreté. Mais la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG), pour compenser la baisse de certaines cotisations sociales des salariés comme promis pendant sa campagne par Emmanuel Macron a été une nouvelle fois la cible privilégiée des critiques de droite comme de gauche. "Insécurité sociale" C'est "un impôt injuste qui accable les bas revenus et ménage les plus fortunés" pour l'Insoumis Alexis Corbière, qui va produire "une redistribution à rebours" selon l'UDI Charles de Courson. "La hausse de pouvoir d'achat sera auto-financée par les salariés", a estimé le communiste Pierre Dharréville, évoquant un "grand moment de mystification". Même le MoDem, par la voix de Nathalie Elimas, a dit ses "regrets" en l'absence de gestes en direction des retraités les plus modestes et des agriculteurs. C'est principalement cette hausse de CSG qui a empêché un accord entre Assemblée et Sénat, à majorité de droite et farouchement opposé à cette mesure pénalisant certains retraités. "Emmanuel Macron n'est pas le Père Noël, chacun en conviendra", a lâché le chef de file des députés Nouvelle gauche Olivier Faure, en listant ses nombreux points de désaccord, de la suppression du tiers payant généralisé, mesure phare du quinquennat Hollande, aux "économies sur le dos des familles". Tous les groupes, hors LREM, se sont opposés à la baisse programmée de l'allocation versée aux parents de jeunes enfants. Le MoDem a redit lundi sa volonté de garder une politique familiale "forte et ambitieuse", tandis que la ministre a renvoyé à la mission d'information sur le sujet qui doit débuter dans les prochaines semaines. Pour LR, qui a approuvé des "articles essentiels" sur notamment la transformation du CICE en allègements de charges pérennes pour les entreprises, ce budget reste une "occasion manquée de rupture avec le passé" selon les mots de Gilles Lurton. A l'inverse, il est "un budget d'insécurité sociale" pour LFI, soumis à des "coups de boutoir successifs" d'après les communistes. Au terme de plus de 50 heures de débats, le projet de loi a finalement peu évolué, malgré des débats nourris sur la hausse du prix du tabac ou le passage de 3 à 11 vaccins obligatoires pour les jeunes enfants. A l'origine d'une mesure consensuelle de taxation modulée des sodas dans un but de santé publique, le rapporteur général Olivier Véran (LREM) a plaidé après cette troisième et brève lecture pour une réforme des débats budgétaires, sur laquelle planchent des députés du groupe majoritaire.
CSG, tabac, vaccins, taxe soda Voici les principales dispositions du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2018, qui va être adopté définitivement lundi par le Parlement:
- Déficit Le déficit de la Sécu doit être réduit à 2,2 milliards d'euros en 2018, niveau inédit depuis 17 ans. Le régime général (maladie, retraites, famille, accidents du travail) serait en léger excédent de 1,2 milliard. La branche maladie notamment devra réaliser plus de 3 milliards d'euros d'économies.
- CSG Le taux normal de la contribution sociale généralisée (CSG), utilisée pour financer la protection sociale, augmentera de 1,7 point, mettant davantage à contribution des retraités et fonctionnaires. Cela compensera la suppression des cotisations chômage et maladie pour les salariés du secteur privé, qui représentent 3,15% du salaire.
- Tabac Via une hausse de la fiscalité, le prix du paquet de cigarettes va progressivement atteindre 10 euros d'ici à fin 2020: + 1 euro en mars 2018, +50 centimes en avril et novembre 2019, +50 centimes en avril 2020 et +40 centimes en novembre 2020. La fiscalité sur les produits de tabac vendus en Corse sera relevée, en vue d'une convergence avec le continent en 2021.
- Vaccins Onze vaccins, contre trois actuellement, seront obligatoires pour les enfants qui naîtront à partir du 1er janvier. À la diphtérie, au tétanos et à la poliomyélite, vont s'ajouter coqueluche, rougeole-oreillons-rubéole (ROR), hépatite B, bactérie Haemophilus influenzae, pneumocoque et méningocoque C.
- Tiers payant L'obligation de généralisation prévue au 30 novembre a été supprimée. Le gouvernement remettra un rapport avant le 31 mars sur un calendrier de "mise en œuvre opérationnelle du tiers payant intégral".
- Retraites La revalorisation annuelle des pensions, indexée sur l'évolution des prix hors tabac, sera reportée d'octobre 2018 à janvier 2019. Inchangées depuis 2013 en raison de l'inflation quasi nulle, les retraites ont toutefois augmenté de 0,8% ce 1er octobre.
- Minimum vieillesse L'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa, environ 550.000 bénéficiaires), qui est de 803 euros par mois pour une personne seule, sera augmentée de 100 euros par mois en trois fois: +30 euros en avril, +35 euros au 1er janvier 2019 et +35 euros en janvier 2020. La revalorisation annuelle selon l'inflation sera avancée à janvier au lieu d'avril à partir de 2019.
- Prestations familiales Le plafond du complément libre choix du mode de garde (CMG), aide à la garde d'enfants, sera revalorisé de 30% au 1er octobre pour les familles monoparentales. L'allocation de soutien familial (ASF), qui complète le revenu des parents isolés ne percevant pas de pension alimentaire, sera revalorisée de 6 euros le 1er avril. Le complément familial majoré, versé aux familles nombreuses modestes, augmentera de 16,80 euros par mois au 1er avril. Les primes de naissance et d'adoption vont être "dégelées" en 2018 pour suivre l'inflation. Pour les enfants nés ou adoptés à partir du 1er avril, les conditions de ressources et montants de l'allocation de base de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje), soit 184 euros/mois versés aux parents d'enfants de moins de trois ans, seront alignés sur ceux, plus bas, du complément familial.
- Forfait hospitalier Inchangé depuis 2010, le forfait hospitalier augmentera de deux euros par jour pour passer à 20 euros (15 euros en psychiatrie). Cette dépense sera prise en charge par les complémentaires santé pour les patients qui en disposent.
- Tarification des hôpitaux Des expérimentations seront menées pour changer le financement des hôpitaux, aujourd'hui payés à l'activité, avec la mise en place de forfaits qui prendront en compte le parcours du patient.
- Indépendants Le régime social des indépendants (RSI) sera progressivement supprimé pour être confié au régime général, "avec une phase transitoire de l'ordre de deux ans". Les indépendants bénéficieront de deux baisses de cotisations sociales. À compter du 1er janvier 2019, les créateurs et repreneurs d'entreprises bénéficieront, sous conditions de ressources, d'une "année blanche" de cotisations sociales pour leur première année d'activité.
- Associations Le remplacement du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires (CITS) par une réduction de cotisations patronales permettra au secteur non lucratif "d'économiser 1,4 milliard d'euros chaque année à partir de 2019".
- Actions gratuites Allègement de la fiscalité sur ces actions que peut proposer une entreprise aux salariés
- Taxe soda Modulation de la "taxe soda" en fonction du taux de sucre, pour mieux lutter contre l'obésité
- Cancer Prise en charge à 100% par l'assurance maladie d'une consultation de prévention des cancers du sein et du col de l'utérus pour les assurées à 25 ans
L'Assemblée entame l'examen du budget rectificatif Nouvelle étape du marathon budgétaire: l'Assemblée s'est lancée lundi soir dans le projet de budget rectificatif, porteur de nouvelles économies pour contenir le déficit sous les 3% cette année et des modalités d'introduction du prélèvement à la source en 2019. C'est le second projet de loi de finances rectificative cet automne après celui, voté dans l'urgence mi-novembre, pour créer une surtaxe sur les sociétés et compenser partiellement la censure constitutionnelle à 10 milliards d'euros de la taxe dividendes. Ce collectif de fin d'année comprend 850 millions d'euros d'économies devant permettre de réduire le déficit à 2,9% du PIB. Ces coupes, qui s'ajoutent aux quatre milliards annoncés après la publication d'un audit de la Cour des comptes, concernent la quasi-totalité des ministères. L'objectif est de compenser le surcoût constaté pour les opérations extérieures de la Défense, mais aussi pour les dépenses salariales dans l'Education nationale. "Nous poursuivons la démarche de sincérisation des comptes entamée dès l'été", a assuré dans l'hémicycle le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin, s'engageant à ne plus recourir à ce type de rectification budgétaire l'année prochaine. En restant sur une "hypothèse prudente" de 1,7% de croissance cette année, l'exécutif entend repasser sous la barre des 3% pour la première fois depuis 2009, et sortir au printemps de la procédure de déficit excessif. Un objectif présenté comme un "signal fort de crédibilité" par le gouvernement, malgré une incertitude sur le fait de savoir si Eurostat acceptera de comptabiliser sur deux ans (et non sur un) le remboursement de la taxe sur les dividendes, comme le veut le gouvernement. Le président de la commission des Finances, Eric Woerth (LR), a jugé que ce budget "ne permettait pas de baisser les déficits suffisamment". "La France renoue avec la croissance, c'est une bonne nouvelle que vous n'utilisez pas", a-t-il déploré.
Impôt à la source en 2019 Au-delà d'un ajustement des comptes, ce budget rectificatif comprend une série de dispositifs fiscaux touchant particuliers et entreprises. Traduisant l'issue du feuilleton sur le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, il grave les nouvelles modalités de la réforme, dont le gouvernement a confirmé l'application au 1er janvier 2019. Mesure phare de la fin du quinquennat Hollande, la collecte de l'impôt au versement du salaire - et non plus un an après comme actuellement - pour ajuster automatiquement le niveau d'imposition aux variations de revenus devait initialement entrer en vigueur début 2018. Mais le gouvernement avait annoncé début juin son report, le temps de commander une série d'audits sur la "robustesse" du dispositif. Selon les audits commandés par Bercy, l'application de la réforme coûterait entre 310 et 420 millions d'euros aux entreprises concernées. Pour "alléger" les règles pour les collecteurs, le gouvernement a apporté des modifications. Ainsi, les sanctions seront allégées en cas de "défaillance déclarative" (l'amende minimale passant de 500 à 250 euros). En commission, les députés ont assoupli les sanctions pénales en cas de divulgation d'une information fiscale, ramenant les peines de cinq à un an d'emprisonnement et de 300.000 à 15.000 euros d'amende. Mais le prélèvement à la source, critiqué par le Medef et la CPME, reste vigoureusement combattu par LR. "Cela va compliquer la vie des entreprises", a dénoncé Véronique Louwagie, s'inquiétant aussi de la confidentialité du taux d'imposition du salarié. Si la réforme est soutenue par les socialistes, elle est également critiquée par le LFI Eric Coquerel comme "complexe, inutile, coûteuse et peu transparente". Le texte prévoit par ailleurs d'abaisser de 4,8% à 2,4% le taux des "intérêts de retard" dus par l'Etat en cas d'erreur fiscale de l'administration, mais aussi par les contribuables et entreprises en cas d'erreur sanctionnée par le fisc. Egalement au menu: des "mesures antiabus" contre la fraude. Les contribuables devront démontrer que la détention d'actifs dans les pays considérés comme des paradis fiscaux "n'a pas une visée fiscale", précise Bercy. Airbnb alimentera aussi les débats: un amendement, voté une première fois en commission, permet aux communes d'alourdir la taxe de séjour sur les hébergements "non classés" des plateformes de location de ce type, jusqu'à 5% du prix de la location.