Bien que le dialogue énergétique entre l'UE et la Russie se soit enlisé sur fond de la crise ukrainienne et des sanctions antirusses, les compagnies énergétiques ont trouvé une porte dérobée afin de poursuivre leur coopération. Désormais, ils se concentrent sur les énergies renouvelables. La semaine dernière, un évènement important mais peu diffusé s'est produit dans le secteur énergétique russe. La société russe NovaWind, affilié au géant nucléaire Rosatom, a fondé une entreprise conjointe avec le néerlandais Lagerwey. Cette nouvelle société, RedWind, sera chargée de la localisation de production d'éoliens et de la création de projets "prêts à l'emploi". Quelles sont les perspectives de développement de la coopération russo-européenne dans la filière de l'énergie "verte"? NovaWind, une société affiliée de Rosatom, a confié à Sputnik comment elle entend développer l'éolien en Russie.
Une stratégie ambitieuse La Russie mise sur l'énergie éolienne, qui représenterait plus de la moitié de la capacité d'installation de sources renouvelables en 2024. La corporation d'Etat Rosatom, par le biais de l'une de ses sociétés affiliées, entend construire avant 2022 des éoliens dont la puissance atteindrait 970 MWt. Cela lui permettra de devenir l'un des plus grands acteurs du marché de l'éolien en Russie avec une part de 43%. Selon le représentant de NovaWind, Rosatom a l'intention de diversifier le portefeuille de ses activités, en privilégiant l'énergie verte, ce qui s'inscrit dans la stratégie russe de passer à un modèle de développement écologiquement durable. "Le projet [de développement] d'éolien est considéré comme l'un des modes de croissance non-nucléaires les plus perspectifs", a-t-il expliqué. Le géant nucléaire russe tient compte du développement accéléré de l'énergie renouvelable dans le monde. D'où sa volonté de détacher ses activités "vertes" dans une entreprise séparée. "Cette nouvelle énergie va assurer 83% de la croissance de la capacité installée dans le monde entre 2016 et 2040", pronostique le représentant de NovaWind. Néanmoins, la société russe reste sceptique à l'égard des scénarios supposant que le monde pourra totalement se débarrasser des énergies fossiles et du nucléaire dans les décennies à venir en passant aux sources renouvelables, tout en considérant plus plausible la prévision selon laquelle elles ne devraient représenter que 5% de la consommation totale en 2040.
La première pierre de la coopération russo-européenne posée Il serait difficile de réaliser cette stratégie ambitieuse de Rosatom sans s'assurer du soutien de leaders internationaux dans les technologies "vertes". Cela explique la raison pour laquelle Rosatom, avant de se lancer dans cette "aventure", a entamé une coopération avec la société néerlandaise Lagerwey, qui fabrique des turbines éoliennes depuis la fin des années 1970. Le programme de soutien gouvernemental impose des normes de localisation sur les producteurs d'électricité à partir de sources renouvelables. Pour l'éolien, la part de l'équipement qui doit être produit en Russie s'élèvera à 55% en 2018 et à 65% en 2019. Afin de remplir ces exigences, Rosatom a lancé un vaste programme de localisation en coopération avec le néerlandais Lagerwey. En juin dernier, la société affiliée de Rosatom, OTEK, a signé un accord sur un transfert de technologies avec son partenaire néerlandais. Cette coopération permettra de mettre en route la fabrication de presque tous les composants des éoliens, la société russe ayant aussi accordé le droit de vendre des éoliens en Russie et à l'étranger, ce qui contribuera à l'apparition d'un nouveau secteur d'exportation. La création de cette entreprise conjointe a constitué un nouveau jalon dans le développement de la coopération russo-néerlandaise. "L'entreprise conjointe est la continuation logique du travail que nous réalisons en Russie afin de créer une industrie éolienne basée sur les technologies les plus modernes. Ensemble, nous posons les bases d'un nouveau marché dont le potentiel est immense. Nous sommes fiers que ce soient les technologies néerlandaises qui constituent le fondement de ce marché", a déclaré Huib Morelisse, directeur général de Lagerwey, lors de l'exposition Wind Europe qui a eu lieu fin novembre à Amsterdam. RedWind entend fabriquer 388 parcs éoliens avant l'année 2022. Pendant cette période, la société se focalisera sur la production d'éoliens de 2,5 MWt et de 4,5 MWt. Un autre exemple de la coopération fructueuse russo-européenne dans ce secteur est la création du Fonds pour le développement de l'énergie éolienne par le russe Rusnano et le finlandais Fortum en juin 2017. Ces deux compagnies ont l'intention d'investir 30 milliards de roubles (environ 630 millions d'euros) entre 2018 et 2022 dans la construction de parcs éoliens.
La Russie, à quel point est-elle "verte"? Le développement des énergies renouvelables en Russie n'en est qu'au stade d'amorçage. La politique d'Etat prévoit l'augmentation de la capacité de production de l'électricité à partir de sources renouvelables jusqu'à 6GWt en 2024. L'énergie renouvelable représentera donc 2,5 % de la production d'électricité, une hausse spectaculaire comparée au 1% d'aujourd'hui. Néanmoins, la Russie restera devancée par les leaders mondiaux dans cette filière. Dans l'UE, la part d'électricité produite à partir de sources renouvelables a atteint 32 % en 2015. Mais c'est la Chine, le plus grand consommateur de ressources énergétiques, qui s'affirme comme un leader mondial dans la filière "verte" en terme d'investissements et d'avancées technologiques. Ce pays entend investir 344 milliards d'euros d'ici 2020 afin d'augmenter le taux des renouvelables dans son mix énergétique jusqu'à 15%. En Russie, l'intérêt porté à l'énergie "verte" par le gouvernement et les sociétés devient de plus en plus évident. En octobre dernier, lors de la Semaine énergétique russe, les sources renouvelables ont été au cœur des discussions. Le Président russe a alors confirmé l'engagement de la Russie de stimuler les investissements dans l'énergie renouvelable.
Projet gazier Yamal Yamal, son aéroport, son port, son complexe industriel et son camp de base pouvant accueillir 32.000 personnes, le tout 600km au nord du cercle polaire. Quatre ans de travaux, des investissements colossaux: si on souligne le coup de force de ce projet hors-norme, on oublie de dire qu'il a été en partie porté et réalisé par des industriels français. Le Christophe de Margerie, premier des quinze super-méthaniers brise-glace du projet Yamal LNG est parti du port de Sabetta dans le Grand Nord russe pour l'Angleterre! Il devrait livrer le 28 décembre, au terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) de l'île de Grain, à 60 km à l'Est de Londres, la première cargaison de GNL produit par le consortium Novatek-Total-CNPC. Une première livraison que fustige le Financial Times, mais qui symbolise le parachèvement du projet Yamal, dont la première ligne de liquéfaction de gaz a été inaugurée le 8 décembre par Vladimir Poutine, en présence du PDG de Total, Patrick Pouyanné et du président de Vinci Construction, Jérôme Stubler. Yamal qui, avec ses 58 puits de gaz, produira chaque année la bagatelle de 5,5 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié. "Yamal est un projet russe, mais réalisé avec des visionnaires", déclare Hélène Clément-Pitiot, économiste du CEMI-EHESS (Centre d'études des modes d'industrialisation). Car, comme on s'en doute, le nom de baptême du premier méthanier de la flottille de Yamal LNG n'est pas anodin. Christophe de Margerie, décédé de manière tragique à l'aéroport moscovite de Vnukovo en octobre 2014, n'était pas qu'un farouche opposant aux sanctions occidentales contre la Russie, qu'il estimait "injustes et improductives", ou à la suprématie du dollar dans les échanges pétroliers et gaziers, il est celui qui a porté le projet Yamal à bout de bras. Un "des plus grand projets jamais réalisés par Total, auquel peu de monde croyait au départ", comme le rappelait encore vendredi dernier, son successeur à la tête du groupe pétrolier français, qui a fait de la Russie son principal producteur d'hydrocarbures. Yamal, un nom encore inconnu du grand public français début décembre, un projet dans la réalisation duquel des industriels français ont pourtant pris une part prépondérante. Car si la presse a mis l'accent sur le tour de force de parachever un tel projet en Russie malgré les sanctions, il ne faut pas oublier que celui-ci est en grande partie français. En plus du pétrolier d'origine française, d'autres industriels tricolores se sont joints à la réalisation de ce chantier hors-norme. Parmi eux, Vinci, qui a réalisé les trois réservoirs cryogéniques géants "pouvant contenir deux Airbus A380". Des réservoirs où seront stocké le gaz liquéfié, dont le volume est compressé jusqu'à 600 fois grâce à un refroidissement à -160 ° C. Un procédé de liquéfaction facilité par les conditions climatiques extrêmes de Yamal (les températures pouvant descendre jusqu'à -50 °C l'hiver). On compte aussi parmi les artisans de ce projet pharaonique Technip, qui jusqu'à il y a quelques mois était encore français, et qui a coordonné la réalisation industrielle du projet. Le complexe Yamal, plus grande construction modulaire au monde, étant décomposé en 150 modules préfabriqués, construits en Chine, Philippines et Indonésie, acheminés jusqu'au site par barge lorsque les conditions climatiques le permettaient. "Le groupe a été chargé de la fabrication en Asie, de l'acheminement des modules, chacun ressemblant à une sorte de Beauboug, et de leurs installations comme des Legos", précise Hélène Clément Pitiot. Pourtant, Technip revient de loin. Compagnie d'ingénierie pétrolière et gazière, employant des dizaines de milliers de personnes, créée par l'Institut du Pétrole (IFP), elle est l'une de ces entreprises industrielles françaises touchées de plein fouet par l'extraterritorialité du droit US. Accusée de corruption par les autorités américaines sur des contrats au Nigéria, elle écope en 2010 d'une amende de 338 millions de dollars. Début 2017, elle fusionne avec la compagnie américaine, FMC Technologies, donnant naissance à Technip-FMC, dirigée par l'Américain Douglas Pferdehirt. L'entreprise, qui n'est plus contrôlée qu'à hauteur de 3,9% par l'Etat français, devrait tirer une part importante de ses revenus de l'exploitation du site de Yamal LNG. Yamal, un projet "prométhéen!", pour reprendre l'adjectif concédé par Le Monde à Jean-Pierre Chevènement, membre de la délégation française. Des mots à la hauteur du défi logistique, comme le souligne Total, qui croie au potentiel du GNL depuis près d'un demi-siècle, ce qui n'avait rien d'évident dans le cas du terminal du Grand Nord russe: "au début du projet, ce site ne disposait d'aucune voie d'accès terrestre ou maritime". "Yamal, ce symbole réel du savoir-faire français et de ses capacités d'adaptation et d'invention dans des conditions extrêmes devait être caché… comme si le gouvernement français, ses experts et ses médias en avaient honte. Des exploits ont été réalisés avec des contraintes climatiques et institutionnelles… dans le froid et le silence des sanctions," rappelle Hélène Clément-Pitiot. Pour construire cette usine de liquéfaction sur le permafrost sibérien et alimentée par le gisement de gaz de Ioujno-Tambeskoe, dont les réserves prouvées avoisinent les 1.000 milliards de mètres cubes, il a fallu bâtir un aéroport international, un port à la mesure des super-méthaniers brise-glace spécialement conçus pour le projet, planter près de 80.000 pilotis dans la toundra gelée, forer 200 puits, construire et approvisionner un camp capable d'accueillir près de 32.000 ingénieurs et ouvriers dans une région sauvage, à 600 km au nord du cercle polaire et où les températures descendent en hiver jusqu'à -50 ° C. Quatre ans de travaux et l'équivalent de 27 milliards de dollars d'investissements ont transformé un petit village Nenets d'une vingtaine d'âmes en un complexe industriel, une ville polaire, hors normes. Au-delà de Novatek, qui "été propulsé dans la cour des grands de l'énergie" pour reprendre les mots d'Hélène Clément-Pitiot, si le site de Yamal LNG renforce la position russe sur le marché mondial du gaz et du GNL, il en est de même pour le pétrolier français. Total, numéro deux mondial du GNL, derrière Shell, est actionnaire direct à 20% du projet et possède également près de 19% de Novatek, l'entreprise russe détenant 50,1% des participations dans Yamal. Avec la mise en service en 2018 et 2019 des deux autres chaînes de liquéfaction, portant la production du site à 16,5 millions de tonnes de GNL, les retombées pour le groupe seront conséquentes. D'autant plus que Total ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. "Cette production devait représenter environ 10% des exportations mondiales de GNL vers 2019 ou 2020," insiste Hélène Clément-Pitiot. Toujours dans l'estuaire de l'Ob, mais en face de Yamal LNG et en partenariat avec Novatek, le pétrolier français songe à un autre projet géant, Artic-2. Un projet qui dont la première tranche est attendue d'ici 2022-2023 et qui devrait produire à terme autant que Yamal. "La Russie et Novatek fourniront au total près de 70 millions de tonnes de GNL, de quoi rivaliser directement avec le Qatar, surtout sur l'Asie", ajoute l'économiste. Une production record qui profitera largement au groupe français qui est actionnaire direct à hauteur dans le projet 20%, auxquels s'ajoutent les 18,9% de Total dans Novatek, devenant ainsi le plus gros site contributeur à la production de GNL du groupe. Pourtant, cette expertise, cette excellence française, ne trouve pas un grand écho dans la presse nationale. Une discrétion qui pourrait s'expliquer tant par le manque relatif de soutien politique des autorités françaises face aux pressions des pays concurrents que par une couverture négative que pourraient offrir les médias nationaux. "Le projet était ambitieux et risqué, le contexte des sanctions et les agitations médiatiques visaient à le détruire." regrette Hélène Clément-Pitiot, qui fustige "en France la mode est encore à l'esprit "Mistral", l'inflexibilité jusqu'au bout…" Les banques françaises sont en effet les grandes absentes de cette réalisation, principalement financée par des fonds russes et chinois. Ce sont ainsi 27 milliards d'équivalents dollars -en roubles et yuans- qui ont été investis dans ce projet, perçu comme "stratégique" par Moscou. Un mode de financement révolutionnaire, qui plus est dans le monde des hydrocarbures où le dollar reste le roi, en tout cas en matière de transactions, comme le regrettait d'ailleurs l'ex-PDG de Total. "L'entreprise affirme avec le succès de Yamal qu'elle est pour longtemps incontournable sur le marché de l'énergie et de GNL. C'est l'acteur majeur du XXIe siècle pour approvisionner l'Asie. Un pari technologique, un pari de coopération avec les tenants de la Route de la Soie, Russie et Chine et des réalisations sans précédent. Total fait entrer la France dans le XXIe siècle multipolaire, que l'Europe, que certains de ses partenaires le veuillent ou non."
Yamal, le gaz russe à l'épreuve des intérêts américains Avec le parachèvement de Yamal, la Russie devrait doper ses exportations de gaz vers les marchés européens et asiatiques. Un terminal gazier financé sans un seul dollar, car si Bruxelles a ménagé le secteur des hydrocarbures russes en matière de sanctions, ce ne fut pas le cas des autorités américaines, qui ont ciblé le projet franco-russe. "Malgré les sanctions", voilà une réplique récurrente dans les articles de presse sur l'inauguration en grande pompe du premier train de liquéfaction de gaz naturel du site Yamal-LNG, vendredi 8 décembre, en présence de Vladimir Poutine et de Patrick Pouyanné, PDG du groupe Total (actionnaire direct à hauteur de 20%). Yamal-LNG, un complexe industriel, ou plutôt une ville polaire, dotée d'un aéroport et d'un port, bâti en un temps record dans le Grand Nord russe et d'où le gaz naturel liquéfié (GNL) est directement expédié par méthaniers vers l'Asie et l'Europe. Pourtant, si le projet a bien essuyé le feu des sanctions, comme d'autres pans de l'économie russe, y compris bien sûr le pétrole et le gaz, dans le cas du mégaprojet entre le Russe Novatek, le Français Total (qui détient 19% du capital de Novatek) et le Chinois CNPC, les sanctions les plus lourdes n'ont pas été d'origines européennes. "La Russie est un enjeu capital pour Total et ceci est bien connu à Paris et à Bruxelles et cela ne pose pas de problème particulier ni à la France ni à l'Union européenne. Cela en pose plus du côté des Etats-Unis, qui évidemment ne voient pas d'un très bon œil la coopération de groupes européens dans des projets énergétiques russes, car ces projets ont évidemment une valeur stratégique évidente: le pétrole et le gaz sont les premières sources de devise pour la Russie. C'est une réalité depuis plusieurs années et quelques décennies," explique Francis Perrin, président de Stratégies et politiques énergétiques (SPE) et directeur de recherche à l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS). Selon ce spécialiste des problématiques énergétiques, les autorités européennes auraient donc tenu compte de l'antériorité à la crise ukrainienne des accords passés autour de Yamal. Les Américains de leur côté ne se sont pas embarrassés de ces subtilités de calendrier pour contraindre leurs entreprises à renoncer à leurs partenariats avec les compagnies pétrolières et gazières russes, ceci ayant pour effet de geler les projets d'exploitation russes, voire de laisser la place aux Chinois. "Yamal-LNG est hors sanctions, pour l'instant en tout cas, des autorités françaises et européennes," souligne encore Francis Perrin. Bien sûr, Bruxelles a appliqué dès 2014, dans la foulée de Washington, des sanctions à l'encontre de ce secteur stratégique, mais ces sanctions furent principalement concentrées sur l'exploitation des pétroles non conventionnels (matériel pour l'extraction en eau profonde ou de sables bitumineux), alors que les Américains ont frappé la quasi-totalité du secteur des hydrocarbures russes ainsi que ses acteurs (compagnies et dirigeants). Une différence de sévérité qui ne s'explique pas par un élan de bienveillance particulier à l'encontre des compagnies européennes ou encore du degré de dépendance des Européens aux approvisionnements énergétiques russes (en 2013, 39% du gaz consommé par les Européens était importé de Russie). Comme le souligne Francis Perrin, l'Union européenne a de quoi se satisfaire de l'accroissement de l'offre de gaz naturel sur son marché intérieur et face à une offre pléthorique, ne se prive pas de regarder ailleurs dans le cadre de l'Union énergétique, programme lancé par la Commission début 2015. "Cette stratégie de l'Union européenne de diversification des approvisionnements gaziers est facilitée par le fait que l'offre gazière est très abondante et cela veut dire que le rapport de force sur le marché est largement en faveur des acheteurs de gaz." Francis Perrin évoque ainsi -en plus de l'offre notamment algérienne, libyenne, nigériane, qatarie ou norvégienne, l'entrée récente des Etats-Unis dans le club des exportateurs nets de gaz, ainsi que des projets au Mozambique et en Tanzanie, "même si ces pays seront plus tournés vers le marché asiatique" tempère-t-il "et du côté de l'Afrique de l'Ouest, le Sénégal et la Mauritanie", sans oublier les importantes réserves de gaz découvertes en Méditerranée à proximité de Chypre ainsi que d'Israël. Des découvertes qui font l'objet d'un projet de gazoduc sous-marin, devant relier en 2025 Israël, Chypre, à la Grèce et l'Italie. "L'Union européenne est dans une bonne position pour satisfaire l'une de ses priorités, de ce projet de l'union énergétique, et on aura donc sur le marché européen une concurrence plus rude que par le passé, mais cela sera aussi le cas sur le marché asiatique: aucun grand marché gazier n'échappera à une dynamique croissante de cette concurrence, du fait de cette offre gazière abondante -peut-être même surabondante- dans le monde, aujourd'hui et dans les années qui viennent." Pour en revenir à l'embargo des Etats-Unis, celui-ci n'a eu de cesse de se renforcer, si bien qu'en août 2015, une nouvelle volée de sanctions de Washington a notamment visé le co-directeur du projet Yamal-LNG, l'homme d'affaires russo-finnois Gennady Timchenko. S'il était alors devenu "impossible de faire participer des entités américaines, personnes, sociétés et même monnaie", comme le souligne Hélène Clément-Pitiot, économiste au CEMI-EHESS, au risque de se voir lourdement sanctionner au nom de l'extraterritorialité du droit US, les partenaires du projet Yamal-LNG se sont ainsi tournés vers d'autres sources de financement, "des fonds souverains et des banques russes, chinoises et européennes ont été sollicités". "Ont répondu présents: Le fonds souverain russe (Russian Welfare Fund) avec 2,4 milliards de dollars, les banques russes Sberbank et Gazprombank pour 4 milliards de dollars. Au moins 12 milliards de dollars ont été fournis par les institutions chinoises Bank of China et China Development Bank… et un peu des banques italiennes," détaille l'économiste, regrettant l'absence des grandes banques européennes, sur un projet qui pourtant repose sur l'économie réelle. La problématique des sanctions financières américaines était d'autant plus épineuse pour le consortium que les besoins de financement étaient colossaux: le projet est chiffré, pour l'heure, à "27 milliards de dollars" ou plutôt équivalents (roubles et yuans), comme le souligne Hélène Clément-Pitiot: "Il faut révéler à cette étape un point déterminant… dans Yamal, il n'y a pas un dollar de financement… et bien peu d'euros effectifs. Le monde monétaire multipolaire est né avec Yamal. Jamais financement de projet aussi énorme dans le monde n'a été réalisé, plus de 27 milliards d'équivalents-dollar et plus de 30 si on ajoute la suite du programme. Une finance nouvelle a été inventée." Face à ces besoins de financement, c'est donc tout naturellement que Francis Perrin évoque la Chine et ses colossales réserves de change: "On sait très bien que le carnet de chèques de la Chine est un carnet de chèques absolument considérable et donc il était logique pour Novatek, pour la Russie et pour Total, en vue d'assurer la réussite du projet Yamal-LNG de faire appel à la Chine. Evidemment, un bon moyen de faire appel à la Chine est d'inclure dans le consortium Yamal-LNG des intérêts chinois pour une part significative." En plus de ces importantes lignes de crédits obtenues auprès de banques chinoises, un mois après la dernière série de sanctions américaines, Novatek cédait 9,9% de ses parts à un fonds d'investissement souverain chinois, Silk Road Fund (SRF). Un fonds souverain qui aurait par ailleurs offert à Novatek un prêt de 730 millions d'euros sur 15 ans, selon l'entreprise russe. Une opération qui renforce significativement la position chinoise dans le projet: avec les 20% détenus par CNPC dans le consortium Yamal-LNG, les entités publiques chinoises détiennent donc près de 30% des participations. Ces sanctions apparaissent, a priori, comme un beau coup de pouce des Etats-Unis à Pékin. Mais pour Francis Perrin, cette importante participation chinoise "n'est pas une surprise". Si la problématique du financement sous sanctions américaines explique ce tournant vers les capitaux chinois, la stratégie des Russes vis-à-vis du marché asiatique et de ses débouchés n'est pas à négliger… sur les 16,5 millions de tonnes de gaz liquéfié que produira annuellement le site de Yamal-LNG, près de 4 millions seront destinés au marché domestique de l'Empire du Milieu. "Depuis des années, pour la Russie et Gazprom il est évident qu'il faut se mettre en ordre de bataille- soit à travers les gazoducs, soit à travers le GNL- pour répondre aux besoins croissants du marché asiatique, qui est un marché en croissance, contrairement au marché gazier européen. […] Yamal-LNG est évidemment un élément très important dans cette stratégie qui permettra à la Russie d'exporter plus de gaz vers l'Asie. Ce qui est aussi l'un de ses objectifs stratégiques," précise Francis Perrin. Une perspective de débouchés, à n'en pas douter, alléchante pour les Russes et leurs partenaires. Si, comme insiste Francis Perrin, les exportateurs de gaz russe n'entendent aucunement délaisser le marché européen, ils tablent donc sur un marché en pleine expansion, le gaz liquéfié venant ainsi compléter leur dispositif de pipelines. En mai 2014, la Russie (Gazprom) et la Chine (CNPC), ont signé un mégacontrat d'approvisionnement gazier d'un montant record de 400 milliards de dollars. Contrat qui prévoit durant 30 ans la livraison depuis la Russie de 38 milliards de mètres cubes par an, soit l'équivalent de la consommation française. Avec le GNL et son acheminement moins contraignant -géopolitiquement parlant- que via les pipelines, la Russie dope ainsi ses exportations de gaz sur des marchés déjà soumis à une offre abondante: avec un site de Yamal tournant à plein régime, la part de la Russie sur le marché mondial du GNL devrait passer de 4,5% à plus de 8%. De fait, si le gaz naturel liquéfié devient bon marché et que, comme précise Frédéric Perrin, le marché nord-américain reste fermé au gaz russe (Etats-Unis et Canada étant déjà exportateurs), contrairement à un marché européen visiblement suffisamment grand pour tout le monde, les coûts de production, hors compétition, de Yamal LNG pourraient porter -tant que les cours resteront bas- un coup dur à la viabilité économique des exportations américaines vers l'Europe. Des exportations américaines à destination du marché européen qui ont commencé en avril 2016. Quant aux sanctions US, reste à savoir quelles pourraient être les répercussions de la fusion récente du français Technip- qui a conçu et assurera la maintenance des installations de Yamal- avec l'américain FMC Technologies, le mariage ayant tourné à l'avantage de l'américain.
Gazprom bat son propre record d'exportation de gaz en Europe Le géant gazier russe Gazprom a battu le record d'exportation de gaz en Europe qu'il avait établi en 2016. Depuis le début de l'année, il a exporté près 180 milliards de mètres cubes, a déclaré le président du conseil d'administration de l'entreprise, Alexeï Miller. Durant la période allant du début de l'année jusqu'au 8 décembre 2017, les livraisons de gaz effectuées par Gazprom en Europe ont dépassé le record établi l'année précédente. Les exportations ont atteint les 179,8 milliards de mètres cubes, a annoncé aujourd'hui aux journalistes Alexeï Miller, président du conseil d'administration de la société russe d'extraction et de traitement de gaz. "C'est la dernière ligne droite vers le record absolu des exportations annuelles dans des pays étrangers non limitrophes [de la Russie - ndrl] depuis la création de Gazprom et de l'industrie gazière du pays. A en juger par la demande au 8 décembre, le volume des exportations de gaz sur ce marché depuis le début de l'année dépasse les 179,8 milliards de mètres cubes. Ce qui est plus que les chiffres pour toute l'année précédente." Le record précédent était de 179,3 milliards de mètres cubes. M.Miller a souligné que les consommateurs européens préféraient un partenaire de confiance qui prend en compte leurs intérêts économiques: "Aujourd'hui Gazprom réalise des projets de construction de nouveaux gazoducs, modernes et très fiables pour satisfaire dans l'avenir les besoins importants de l'Europe de gaz russe", a-t-il résumé. Selon les données préliminaires pour la période janvier-novembre 2017, la société russe Gazprom a extrait 426,4 milliards de mètres cubes, soit une hausse de 14,6% par rapport à l'année 2016. Les exportations de gaz russe ont augmenté de 8,3% et atteignent 175 milliards de mètres cubes.
Gazprom et Eni vont collaborer Gazprom et Eni seront en mesure de mettre en œuvre des projets communs malgré les sanctions occidentales, a déclaré le vice-Premier ministre Arkadi Dvorkovitch, sur la base des résultats du Conseil russo-italien sur la coopération économique, industrielle, monétaire et financière. Suite à la publication du rapport d'activités du Conseil russo-italien sur la coopération économique, industrielle, monétaire et financière, le vice-Premier ministre Arkadi Dvorkovitch a confirmé les perspectives à long terme du partenariat des deux entreprises russe et italienne: "La coopération dans le secteur gazier est un partenariat stratégiquement important et mutuellement bénéfique. Je suis sûr que notre coopération sera à long terme, et en aucun cas ne sera interrompue. Gazprom et Eni sont très actifs dans les consultations sur de nouveaux partenariats tant en ce qui concerne l'approvisionnement en gaz que la mise en œuvre de projets communs. Les sanctions compliquent un peu le processus, mais en tout cas, nous sommes convaincus qu'une solution sera trouvée, nous ne voyons pas de difficultés significatives à poursuivre cette coopération". Commentant les résultats du conseil, Dvorkovitch a noté que les parties avaient discuté de projets dans l'agriculture, l'industrie, le tourisme et la culture. En ce qui concerne l'agriculture, ils ont convenu de travailler sur la culture du raisin en Russie en utilisant des vignes italiennes, a-t-il conclu. Le Président américain Donald Trump a signé le 2 août la loi introduisant de nouvelles sanctions contre l'Iran, la Russie et la Corée du Nord. Le document prévoyait notamment que l'administration américaine dresse avant novembre la liste des personnes physiques et morales dans le domaine de la défense et des renseignements russes avec lesquelles les transactions pourraient être frappées de sanctions. La liste, révélée le 26 octobre, comprend des organisations comme le Service fédéral de sécurité (FSB) et 33 entreprises, dont l'agence russe en charge des exportations d'armement Rosoboronexport, Hélicoptères de Russie, Tupolev, MiG et Soukhoi.