Le parlement de Catalogne dominé par les indépendantistes siège mercredi pour la première fois depuis sa tentative de rupture avec l'Espagne, en l'absence d'un acteur principal, Carles Puigdemont qui veut être investi depuis Bruxelles, ce que Madrid refuse. Deux mois après la crise politique sans précédent déclenchée par leur tentative de sécession, les séparatistes catalans avaient réussi à conserver la confiance des électeurs lors des élections régionales du 21 décembre. Ils ont obtenu 47,5% des suffrages et 70 députés sur 135. Cette majorité absolue des sièges doit désormais leur permettre en principe de désigner un président séparatiste. Le candidat naturel est Carles Puigdemont, destitué par le chef du gouvernement Mariano Rajoy avec l'ensemble de son exécutif le 27 octobre après la déclaration d'indépendance du parlement catalan. Mardi soir, les deux principales listes séparatistes, celle du président destitué "Ensemble pour la Catalogne" et celle de la "Gauche républicaine de Catalogne", ont annoncé avoir trouvé un accord pour l'investir. La première a 34 sièges et la deuxième 32. Avec les quatre voix encore à confirmer de la Candidature d'unité populaire (extrême gauche indépendantiste), l'arithmétique leur donne donc l'avantage.
Majorité virtuelle Mercredi, le nouveau parlement siégera donc et les séparatistes chercheront au cours de cette séance à poser les jalons pour permettre l'investiture de M. Puigdemont prévue en principe à la fin du mois, un parcours semé d'obstacles. En effet, leur majorité reste théorique puisque huit des 70 députés séparatistes sont en prison ou à l'étranger et ne peuvent en principe voter: trois sont en détention provisoire, inculpés pour "rébellion", "sédition" et "détournement de fonds"; les cinq autres, dont Carles Puigdemont, également visés par la justice, sont en fuite en Belgique. Leur premier objectif sera de contrôler le parlement et l'organe qui veille au respect du règlement de la chambre et à l'ordre du jour. C'est ce "bureau" qui acceptera ou non, le vote à distance des uns ou des autres. Pour les députés en prison, cela semble possible, même si le règlement parlementaire ne le prévoit pas, expliquait mardi une source gouvernementale à Madrid. "Ils n'ont pas choisi d'aller en prison et ils ont été placés en détention par un juge". Mais cela est exclu pour les élus partis à Bruxelles de leur propre chef, ajoutait-il. Le gouvernement a d'ailleurs annoncé qu'il bloquerait en justice toute tentative de Carles Puigdemont et des quatre autres députés qui se sont exilés volontairement à Bruxelles de tenter d'agir à distance, soit en votant lors de la séance de mercredi pour choisir le bureau et le président du parlement, soit plus tard en s'opposant devant la Cour constitutionnelle à la prise de fonction du président destitué. Mardi, lors d'une réception offerte à la presse au palais de la Moncloa, siège du gouvernement à Madrid, les calculs allaient donc bon train sur les voix dont disposaient - ou non - les indépendantistes compte-tenu de leur situation. Ils pourraient garder le contrôle du Parlement avec 62 députés présents dans l'hémicycle et les trois élus emprisonnés, l'opposition (parti libéral Ciudadanos, Parti socialiste et Parti populaire de Mariano Rajoy) ne comptant que 57 députés. Les huit élus du groupe Catalunya en Comun, proche de Podemos, ont décidé de s'abstenir, rendant impossible une majorité favorable au maintien en Espagne. Reste que Mariano Rajoy n'acceptera en aucun cas une présidence par internet et videoconférence de la région de 7,5 millions d'habitants où vivent 16% des Espagnols... depuis Bruxelles. "Je contesterai le premier acte administratif", qui aille en ce sens, a-t-il dit à des journalistes à la Moncloa mardi. Un tel recours entraînera la saisine de la Cour constitutionnelle, qui gèlera l'investiture et débouchera sur un nouveau scénario de blocage de la région, pendant lequel le gouvernement continuera à diriger en direct la Catalogne privée de l'autonomie à laquelle ses habitants, très partagés sur l'indépendance, tiennent tant. Selon le ministre de l'Economie Luis de Guindos cette crise politique a déjà coûté un milliard d'euros en ralentissant la croissance de la région qui fournit 19% du PIB. Plus de 3.000 entreprises inquiètes ont préféré déménager leur siège social hors de Catalogne depuis le référendum d'autodétermination interdit du 1er octobre.