L'Espagne a retiré les mandats d'arrêt européens visant le président catalan destitué, Carles Puigdemont, et quatre de ses ex-ministres régionaux qui avaient fui avec lui en Belgique pour échapper aux poursuites judiciaires. Le juge du Tribunal suprême espagnol, Pablo Llarena, a retiré le mandat d'arrêt européen émis à l'encontre du président catalan déchu, Carles Puigdemont, et quatre de ses anciens ministres, Antonio Comín, Lluís Puig, Meritxell Serret et Clara Ponsatí, qui avaient fui en Belgique le 30 octobre. Tous poursuivis pour «rébellion», «sédition», «malversation», «abus de fonction» et «désobéissance», pour avoir préparé pendant deux ans la tentative de sécession de la Catalogne qui, après un referendum d'autodétermination interdit, a débouché le 27 octobre sur une proclamation unilatérale de la «République catalane» où le gouvernement espagnol avait réagi immédiatement en plaçant la région sous tutelle, destituant le gouvernement régional et dissolvant le Parlement pour convoquer un nouveau scrutin. Selon le tribunal supérieur, le fait que le président destitué de la Catalogne et les membres de son cabinet aient confirmé leur intention de rentrer en Espagne pour se présenter aux élections catalanes constitue une garantie suffisante pour retirer le mandat d'arrêt européen contre eux. «Ils semblent avoir manifesté leur intention de retourner en Espagne, pour y exercer des mandats électoraux, en se portant candidats aux élections régionales du 21 décembre», ont expliqué des sources du tribunal. Le juge de du Tribunal suprême espagnol, Pablo Llarena, a expliqué que le retrait du mandat d'arrêt européen permet d'éviter que l'affaire soit traitée simultanément en Belgique et en Espagne. Le magistrat affirme aussi vouloir éviter le risque que la justice belge ne retienne pas tous les chefs d'inculpation qui pèsent sur l'ensemble des dirigeants indépendantistes qui ont préparé la sécession manquée de la Catalogne. Le juge d'instruction de la Cour suprême a cependant maintenu le mandat d'arrêt espagnol contre les cinq prévenus et ils seraient arrêtés à leur retour en Espagne. Cette décision a créé la surprise, alors que la justice belge devait rendre sa décision le 14 décembre sur l'extradition des cinq anciens dirigeants indépendantistes catalans ou leurs avocats avaient annoncé qu'ils épuiseraient toutes les voies de recours pour rester en Belgique, au moins au-delà du 21 décembre. Et pour éviter que Puigdemont internationalise sa cause, le juge de Madrid suspend donc le mandat européen et le limite au territoire espagnol. Dès ce moment, Carles Puigdemont est libre de quitter la Belgique, mais s'il rentre en Espagne, il sera immédiatement arrêté. Ce qui le place devant un terrible dilemme. Quatre des dix «ex-dirigeant» catalans maintenus en détention La justice a refusé lundi la liberté provisoire à quatre dirigeants séparatistes, tandis que l'ancien président de la région reste, lui, exilé à Bruxelles. Les quatre dirigeants séparatistes poursuivis pour rébellion, «sédition», «malversation» et leur rôle dans la tentative de sécession de la Catalogne, restent en détention. La décision de la justice espagnole est tombée, lundi après-midi, à quelques heures du lancement officiel de la campagne pour les élections régionales du 21 décembre en Catalogne, convoquées par Madrid en réponse à la proclamation d'indépendance de cette riche région du nord-est de l'Espagne. Le juge d'instruction de la Cour suprême espagnole a décidé de maintenir en détention provisoire l´ex-vice-président catalan destitué Oriol Junqueras, ainsi que l'ex-conseiller de l'intérieur, Joaquim Forn, et les chefs des associations séparatistes Assemblée nationale catalane (ANC) et Omnium Cultural, respectivement Jordi Sanchez et Jordi Cuixart, en raison du «risque de récidive». Par contre, six autres anciens ex- conseillers «ministres» de l'exécutif catalan, notamment Raul Romeva, Jordi Turull, Josep Rull, Carles Mundo, Meritxell Borras, Dolors Bassa, peuvent être libérés contre une caution de 100 000 euros. Début de campagne électorale en Catalogne Tout en dénonçant la «répression» de l'Etat espagnol après leur tentative de sécession, les partis séparatistes catalans entrent donc en campagne. Une campagne avec leurs principaux candidats en prison ou en exil. Douze des treize membres du gouvernement déchu sont candidats aux élections, dont Carles Puigdemont et Oriol Junqueras, qui rivalisent pour la direction du camp séparatiste dans une région mise sous tutelle par Madrid depuis un peu plus d'un mois. C'est une campagne électorale marquée par des tensions politiques sans précédent qui a débuté en Catalogne en vue du scrutin régional qui s'y tiendra le 21 décembre et qui doit assurer un retour à la normale après la tentative de sécession du 27 octobre. Les derniers sondages montrent un électorat très mobilisé «la participation pourrait dépasser le seuil des 77% des dernières régionales de 2015», mais divisé en deux camps irréconciliables entre pro et anti-indépendance. Les sondages restent très serrés. D'après les estimations du Centre d'investigation sociologique de Madrid (CIS), publiées lundi, les trois listes indépendantistes recueilleraient ensemble 44,4% des voix et 66 à 67 sièges sur 135, juste en dessous de la majorité absolue de 68 (elles avaient 72 députés). Les trois partis opposés à l'indépendance, Ciudadanos (centre), le Parti socialiste catalan (PSOE) et le Parti populaire (PP), au pouvoir à Madrid rassembleraient 44,3% des votes (de 59 à 60 sièges). Les premiers meetings électoraux se sont tenus, dont l'un à Barcelone, durant lequel Carles Puigdemont, le président destitué de Catalogne, en exil à Bruxelles, s'est adressé à ses partisans via une vidéoconférence, dans un message dirigé contre Madrid. Sur son siège vide dans la salle du meeting, un ruban jaune, symbole du soutien des indépendantistes à leurs dirigeants emprisonnés. Carles Puigdemont est candidat aux élections régionales, à la tête de sa propre liste, de son parti ERC et prétend, s'il l'emporte, être rétabli comme «président légitime» du gouvernement catalan. En dissolvant l'assemblée régionale catalane après la déclaration unilatérale d'indépendance, Mariano Rajoy avait joué sa dernière carte contre le clan séparatiste catalan. Mais rien ne garantit que ces nouvelles élections permettent de résoudre le conflit. Lors de sa visite à Barcelone, alors qu'il était venu soutenir le candidat du PP qui, selon les sondages, devrait enregistrer les pires résultats de son histoire. «Le processus d'indépendance» est terminé, a martelé le Premier ministre. Par ailleurs, il y a un vrai risque de se retrouver dans une situation similaire à celle d'avant la crise. La revendication d'un référendum d'autodétermination serait alors susceptible de revenir sur la table, ramenant l'Espagne à la case départ.