Considéré comme faisant partie du patrimoine local et national à protéger et à préserver, le "bourabah", cette couverture traditionnelle en laine, depuis longtemps en perte de vitesse, refait surface à Tlemcen où le marché local enregistre un regain de demande sur ce vieux produit artisanal auprès des rares tisserands (derrazine) encore en activité. Ces derniers, étonnés mais contents que cette bonne vieille pièce d'artisanat renaisse ainsi de ses cendres, se disent cependant inquiets car la relève n'est guère assurée dans ce métier ancestral. Bon nombre de tisserands ne sont plus de ce monde alors que d'autres ont dû changer d'activité faute de pouvoir soutenir la concurrence farouche que leur imposaient les unités industrielles de tissage. En fait, seuls les plus passionnés continuent de perpétuer cette spécialité et à la considérer comme faisant entièrement partie du patrimoine local et national à protéger.Il fut un temps, en effet, où le trousseau de mariage c'était d'abord et avant tout le bourabah, et plus on en disposait dans son "paquetage" plus on rendait toute leur fierté à la jeune mariée et à son entourage. Mais la vedette incontestée à Tlemcen c'est le "bourabah h'chaichi". Plus prestigieux et plus cher, il se caractérise par la variété et l'intensité de ses décors et couleurs que le "derraz", usant de sa patience légendaire et déployant tout son art et son savoir-faire, ne rechignait pas à mettre en valeur, avec la recherche permanente de ce "plus" ou de ce "mieux" qui font la différence et donnent au produit final tout son éclat. A. Abdelmadjid, tisserand qualifié de la vieille médina de Tlemcen, explique que la confection d'un bourabah de type h'chaichi "nécessite au moins une semaine de travail pour deux tisserands qualifiés, qui doivent veiller au grain, à la fois pour l'harmonie des couleurs et surtout pour faire en sorte qu'aucun fil ne dépasse ou rompe".La prouesse tient au fait que d'un métier à tisser rudimentaire, constitué de deux traverses qui soutiennent les fils de chaîne entre lesquels le tisserand fait passer les fils de trame à l'aide d'une navette, naît le bourabah h'chaichi, reconnu comme étant une "vraie œuvre artistique et artisanale". Particulièrement prisé à Tlemcen, ce type de couverture vaut plus de 5.000 DA/pièce pour le plus petit modèle. Son coût relativement élevé s'explique par la cherté des matières d'œuvre, notamment la laine et par le temps mis à le fabriquer. Et puis, le bourabah est réputé pour le confort et la chaleur qu'il procure pendant les longues nuits d'hiver mais aussi pour sa longévité qui n'en altère pas forcément la qualité ou la beauté, à l'inverse des couvertures synthétiques de confection industrielle. Aujourd'hui encore, témoigne une vieille dame, le bourabah ancien est légué aux petits-enfants en guise de cadeau de mariage car à son époque, dit-elle, "il était hors de question de ne pas offrir aux jeunes filles des bourabah pour la constitution de leurs trousseaux, jamais des couvertures industrielles comme c'est souvent le cas de nos jours"."Le retour au bourabah satisfait, à plus d'un titre, les rares tisserands encore en activité, même si la relève n'existe quasiment plus dans ce métier, d'où la nécessité d'accorder plus d'intérêt et de facilités aussi bien aux jeunes artisans qu'à ceux déjà en place pour que la fabrication de ce produit ne meure jamais et ne subisse pas le triste sort d'autres créations de l'artisanat qui faisaient la fierté de Tlemcen", clame, de son côté, un tisserand de la localité de Bensekrane.