Du 24 au 30 décembre s'est tenue au pavillon A de la Safex, la foire de l'artisanat algérien. “L'exigence des temps modernes impose à l'entreprise artisanale de se développer ou de disparaître. De ce fait, le produit réalisé se doit de correspondre au triangle qualité-prix-délais. Or, le premier critère, la qualité, doit être la finalité de chaque projet. Et c'est le label-qualité qui semble faire défaut, car les résultats obtenus ne sont pas à la hauteur des résultats escomptés.” (Info ayadi - bulletin n°2). Les nouveautés Première halte : nouveauté et originalité d'abord. Ces deux critères correspondent au travail de la jeune styliste Amina Youcef-Khodja, spécialisée dans le tricot. L'idée de départ est simple : réaliser des vêtements (hommes, femmes, enfants) et de la literie (couvre-lits, plaids, coussins) et jusques et y compris des vêtements traditionnels (caraco, robe kabyle, robe constantinoise) actualisés avec une touche moderne, en laine tricotée ou en coton en utilisant les “signes” propres à la culture algérienne : les graphismes, les motifs, les dessins, les tatouages sont puisés dans les peintures rupestres du Tassili, les poteries d'Akbou, les tapis de Ghardaïa, les bijoux d'Ath Yenni, les fibules targuies et la main de Fatma (khamsa). Amina Y. K. a tracé son petit bonhomme de chemin grâce à l'Ansej et à sa mère. Titulaire d'un ingéniorat en génie mécanique, décroché à l'USTHB de Bab Ezzouar, avec le chômage sévissant, sa mère Zaïneb l'initia au tricot. C'est ainsi que son talent et son esprit d'initiative, par le biais de la Chambre des arts et métiers (CAM), lui permirent d'exposer ses produits dans différentes foires artisanales en Algérie et à l'étranger (France, USA). Certaines de ses créations figurent dans le prestigieux catalogue Passap (fabricant de machines à tricoter). Il est à relever que pour Amina Y. K. la qualité, les prix et les délais font partie de la devise de son atelier. Au diapason de Skikda est, comme son nom l'indique, une petite entreprise de fabrication d'instruments de musique à cordes (lutherie), à vent (gasba et zorna en projet) et à percussion, bendir à peau synthétique car celle-ci résiste à l'humidité et à la chaleur. Les luthiers sont rares en Algérie, et seules quelques familles persévèrent dans cet art séculaire en le pérennisant par le biais de leurs descendants (2 à Tlemcen, 2 à Bougie, 2 à Oran…). M. Hafidh Mouats, propriétaire de l'entreprise est aussi musicien, mélomane, musicologue, professeur de musique et membre actif de l'association El Fen oual Assala de Skikda, qui œuvre à pratiquer et enrichir la musique andalouse de l'école… d'Alger ! (sanaâ). Pourtant Constantine et son traditionnel malouf ne sont qu'à quelques encablures ! M. Mouats, passionné de musique classique, est intarissable à ce sujet. Sa dévotion l'a poussé à créer un atelier de musique ouvert à tous, pour l'apprentissage des instruments et du solfège. Il exhibe fièrement un mandole, dont la table d'harmonie est en bois de cyprès, fabriqué dans son atelier. Redouane Ghoul représente l'une des rarissimes lutheries à Oran. Un bousq, instrument à 4 cordes doublées, turc, trône aux côtés de kouitra, mandole, s'nitra (mandoline), r'bab et banjo, fabriqués par M. Ghoul père, artisan luthier. Hêtre, sapin et acajou sont les bois nobles utilisés. Père et fils activent comme il se doit, au sein de l'association Nassim El Andalous (école de Tlemcen : gharnati), dont le siège est à Oran. Les classiques Abdelhamid Kheiri, de Messaâd (Djelfa) pérennise le vêtement-roi : le burnous du Titteri, porté par l'Algérie tout entière ; la matière est tissée par les femmes ; elle est composée soit de laine de mouton, soit de obar, le fameux poil de chameau, qui est en réalité la laine du chamelon, et c'est là que réside la différence de qualité et de prix : douze mille dinars pour un burnous en laine de mouton et cent trente mille, pour celui en laine de chamelon ! M. Boudouda expose fièrement des poteries anciennes rapportées de Jijel. Jarres immenses, semblables à celles d'Ali Baba et de ses 40 voleurs, pouvant contenir un homme, ne serait-ce l'étroitesse du goulot ! patinées par les ans (plus de cent, selon le vendeur) leur âge canonique se devine à leur aspect. Abdelkrim Hamad, sous le label “Lalla Maghnia” offre du couscous d'orge et de blé ; à côté, la maison Lahlou de Frikat présente une palette de couscous de blé, d'orge, du son de blé, du blé bio, du berkoukess, du frik d'orge et de blé et une nouveauté : de la tchekhtchoukha à base d'orge. Mme Boukerdouss élabore des pâtisseries “nouvelle génération” où la recherche artistique et esthétique prime : les gâteaux colorés, fruités, fleuris et pailletés attirent les dames qui admirent ces chefs-d'œuvre. Mme Bouras, de Souk Ahras, se spécialise dans l'habit traditionnel d'apparat, tout en diversifiant ses créations par des apports empruntés aux pays arabes (Liban,Tunisie). Fouzia Boucif exerce son talent dans la peinture sur tissu et Hanya Baouïa, de Ouargla, dans la broderie du Sud. Naïma Ouazani, quant à elle, peint sur des écharpes en chèche des tableaux sahariens. L'actualité La céramique, dans le prolongement de la poterie de nos ancêtres, utilise l'argile blanche, et le kaolin (El Milia) présents en quantité sur notre bonne vieille terre algérienne. Pourtant, la poudre de céramique est importée, nous dira M. Brahimi, de l'association Ayadi (Association des potiers et céramistes d'Alger). Celle-ci regroupe 29 artistes céramistes, et, comme l'union fait la force, cette association, dans le but de valoriser la céramique algérienne, a réussi à lancer un programme de foires et d'expositions en Espagne sur une durée de près de 2 ans ; s'ensuivra, après juin 2006, un autre projet basé sur la formation et la création d'un centre à Sidi Fredj, où des experts espagnols viendraient former des formateurs. Cette association a eu le privilège de recevoir, en février 2005, la visite de Son Altesse royale, la reine Sophie d'Espagne, nous dira M. Brahimi, devant la photo immortalisant l'événement. En céramique toujours, Mme N. Saoûd (ancienne élève de l'Ecole des beaux-arts) crée des modèles nouveaux ; une remarque récurrente chez elle ainsi que chez M. Mustapha Jabani (céramiste à froid et cuivre repoussé) : comment écouler sa marchandise lorsque l'on n'a pas son propre local ? Une “maison de l'artisanat” s'impose : l'appel est unanime. Patrimoine en péril : les absents Ils sont absents de La Casbah d'Alger ; ils ont baissé rideau depuis si longtemps que la mémoire ne garde plus que les quelques objets qui ornent encore certains intérieurs algériens. Eux, ce sont les dinandiers. Ils faisaient la fierté de toutes les casbahs du pays. Constantine a sans doute été épargnée, mais ailleurs ? Que sont-ils devenus ? Le cuivre est un patrimoine dans la tradition nationale algérienne. Il se lègue de mère en fille, de père en fils, comme un bijou ou une maison. Il est présent depuis la nuit des temps dans le trousseau de la mariée à travers le “liène et la cafatira” qui servent aux ablutions, ainsi que le “mahbess” pour le remplissage de l'eau au bain maure, et qui accompagne la mariée chez son époux, recouvert d'un napperon brodé en Richelieu, rempli de makroute. Les dames au bain emportaient l'argile (t'fall) dans un boîtier en cuivre, et pour le café du ‘assar, on briquait le plus grand “s-ni”. Pas l'ombre d'un dinandier à la foire… Assis en tailleur, devant une meïda, dans une petite échoppe de La Casbah, marteau et ciseaux en main, ciselant par à-coups un plateau rutilant… tap, tap, tap... Vous venez de voir le dernier dinandier algérois… Et pourtant, les magasins de cuivres regorgent de produits : Inde, Pakistan, Turquie et nos voisins du Maghreb. Tout y est. À vot'bon cœur, messieurs-dames ! Les oubliés Peinture sur verre et verre soufflé ne figurent qu'à l'état embryonnaire ; pas de tisserands, quoique un métier à tisser soit présenté. Ni Hambal, ni bourabah, ni b'sat, ni tapis ; la mosaïque est inexistante dans le paysage artisanal algérien ; les Romains furent les derniers à en décorer leurs demeures à Cherchell il y a deux mille ans. La vannerie (un artisan), les vitraux (un artisan), la broderie traditionnelle (nabeul - Richelieu - berbère - chbika - mesloul ? ) personne. “Je meurs, je suis mort, je suis enterré” M. Molière, souffrez que l'on vous cite ! N. S.