La lutte est engagée entre le Mouvement 5 étoiles (M5S, populiste) et la Ligue (extrême droite), devenus majoritaires depuis les législatives de dimanche en Italie et qui revendiquent chacun le pouvoir, tout en excluant une alliance "eurosceptique" entre eux. Aucun des trois blocs n'ayant obtenu une majorité absolue au Parlement, ce choc électoral pour l'Italie comme pour l'Europe ouvre une phase d'incertitude politique qui pourrait durer des mois dans la troisième économie de la zone euro. Il appartiendra au président italien, Sergio Mattarella, de trouver une issue. Mais ses consultations politiques officielles ne s'ouvriront qu'après l'élection des présidents des deux chambres, en principe le 23 mars. Avec un vote marqué à la fois par le rejet des partis traditionnels, l'exaspération face au marasme économique et les tensions autour des migrants et de l'Union européenne, l'Italie s'inscrit dans la lignée du Brexit, de la victoire de Donald Trump aux Etats-Unis et de la poussée de l'extrême droite ailleurs en Europe. "Pour la première fois en Europe, les forces antisystème l'emportent", a résumé l'éditorialiste du quotidien La Stampa. Un vote anti-élite qui a éjecté quelques ténors dont la présidente de la Chambre des députés, Laura Boldrini (gauche), le ministre de l'Intérieur Marco Minniti ou celle de la Défense Roberta Pinotti. La coalition de droite est arrivée en tête avec 37% des voix, selon des résultats portant sur la quasi-totalité des bureaux de vote. Mais en son sein, c'est la Ligue, formation eurosceptique et anti-immigration de Matteo Salvini, proche du Front national (FN) français, qui a largement devancé le parti de Silvio Berlusconi (17,4% contre 14%) et revendique désormais la direction du gouvernement.
'Droit et devoir de gouverner' "L'engagement a été pris au sein de la coalition: qui l'emporte peut gouverner", a lancé M. Salvini, avant de se rendre dans l'après-midi chez le magnat des médias de 81 ans. La coalition "est le vainqueur politique de ces élections. Après cinq ans, elle représente la première force politique du pays" et doit pouvoir appliquer son programme, des baisses d'impôts à la lutte contre l'immigration, a ensuite fait valoir M. Berlusconi dans un communiqué. Mais le milliardaire ne s'est pas explicitement rangé derrière M. Salvini, appelant seulement à "renforcer la coalition qui devra obtenir le mandat de gouverner l'Italie". Cette perspective est cependant mise à mal par la percée historique du Mouvement 5 Etoiles (M5S), qui devient le premier parti du pays avec un score de 32,6%, après une campagne dirigée contre la corruption et la "caste" politique italienne. "Nous avons la responsabilité de donner un gouvernement" à l'Italie, a assuré à la presse son chef de file, Luigi Di Maio, 31 ans. "Nous sommes une force politique qui représente toute la nation, du Val d'Aoste à la Sicile". Alors que le M5S a toujours refusé toute alliance, il s'est dit prêt "à discuter avec toutes les forces politiques" sur les thèmes de son programme: pauvreté et gaspillage, immigration et sécurité, emploi et développement. M. Salvini a lui aussi assuré qu'il parlerait "avec tout le monde" mais exclu toute "majorité étrange" avec le M5S. A l'étranger, Marine Le Pen, présidente du FN, a adressé ses "chaleureuses félicitations" à M. Salvini, tandis que le porte-drapeau du Brexit Nigel Farage a félicité ses "collègues" du M5S. Le président français Emmanuel Macron a pour sa part expliqué ce résultat par la "forte pression migratoire" pesant sur l'Italie, qui s'est sentie seule face aux près de 700.000 migrants débarqués depuis 2013. La chancelière allemande Angela Merkel, elle-même fragilisée en partie par cette pression, a appelé à la formation rapide d'une équipe dirigeante "pour le bien de l'Italie mais aussi de notre Europe commune". A Bruxelles, la Commission européenne s'est dite "confiante" dans la possibilité de former un gouvernement stable. Mais la possibilité d'une éventuelle grande coalition à l'Allemande, sur laquelle misaient les responsables européens, s'éloigne avec la déroute du Parti démocrate (PD, centre gauche) de Matteo Renzi, qui recueille juste 18,7% des voix, très loin des 40% obtenus aux élections européennes de 2014. C'est d'ailleurs l'ensemble de la gauche qui boit la tasse: les frondeurs de Liberi e uguali (libres et égaux) sont à peine au-dessus de 3%. Lundi soir, M. Renzi a annoncé qu'il quittait la direction du PD après cette défaite "claire et évidente" et a convoqué un congrès dans les prochaines semaines pour élire une nouvelle direction. Il a promis que le PD ne s'allierait avec "aucune forme d'extrémisme" et ne serait pas "la béquille d'un gouvernement antisystème". Lui-même préfère être dans l'opposition et promet de se contenter de son nouveau rôle de sénateur de Florence. A la Bourse de Milan, les marchés financiers ont gardé une relative sérénité et clôturé sur un léger recul de 0,4%, même si les valeurs bancaires et Mediaset, l'empire médiatique de M. Berlusconi, ont passé une mauvaise journée.