En pleine tourmente, Facebook a promis vendredi de nouvelles mesures pour lutter contre la manipulation politique à quelques jours de l'audition de son patron Mark Zuckerberg par les parlementaires américains, très remontés contre le réseau social. Face à une accumulation de polémiques, Facebook multiplie ces derniers jours les excuses sur ses "erreurs passées" et les promesses de faire mieux, une manière de préparer le terrain aux questions de plusieurs commissions du Congrès prévues mardi et mercredi à Washington. Sénateurs et représentants souhaitent lui demander des comptes sur la lutte contre la manipulation politique mais aussi sur le retentissant scandale concernant la fuite de données personnelles vers la firme Cambridge Analytica, qui a mis la main sur les informations de plusieurs dizaines de millions de membres, jusqu'à 87 millions selon le réseau social, à leur insu. Après une série de prises de parole sur la question des données privées, Facebook a annoncé vendredi des mesures sur la manipulation politique, qui se répand souvent sur le réseau via des annonces publicitaires électorales ou politiques ou au travers de "Pages", consacrées à des entreprises, organisations, marques, personnalités ou causes et auxquelles on peut s'abonner.
Ingérences électorales "A l'approche d'élections importantes aux Etats-Unis, au Mexique, au Brésil, en Inde, au Pakistan (...), une de mes priorités pour 2018 est de m'assurer que nous soutenons un débat positif et parons aux ingérences dans ces élections", a écrit Mark Zuckerberg sur sa propre Page, qui est suivie par plus de 100 millions de personnes. "A partir de maintenant, chaque annonceur qui veut passer une annonce politique ou abordant un sujet important devra être vérifié. Pour être vérifié, les annonceurs devront confirmer leur identité et leur localisation", a poursuivi le jeune milliardaire. Le groupe dit travailler "avec des organisations extérieures" à une "liste" de "sujets" importants et polémiques répondant à cette définition. Il a aussi annoncé "embaucher des milliers de personnes supplémentaires" pour mettre en œuvre ces différentes mesures, promises pour être déployées immédiatement pour certaines, progressivement pour d'autres, mais à temps pour les échéances électorales de 2018, en novembre. Facebook avait déjà annoncé en octobre son intention d'authentifier les annonceurs passant des messages électoraux, c'est-à-dire, évoquant directement un candidat et diffusées peu avant un scrutin, selon la définition aux Etats-Unis. Le groupe dit cette fois aller plus loin en étendant ces vérifications aux annonceurs de messages abordant des sujets politiques importants.
Huile sur le feu En outre, les messages à caractère politique seront signalés comme tels sur le réseau, qui indiquera aussi qui les a financés. Facebook va aussi soumettre aux mêmes vérifications les administrateurs de Pages Facebook "ayant un grand nombre" d'abonnés, pour limiter l'utilisation de faux comptes, soupçonnés d'avoir été utilisés pour une vaste opération de désinformation lancée depuis la Russie pour déstabiliser la présidentielle de 2016 et favoriser l'élection de Donald Trump. Des affirmations niées par le Kremlin. La justice américaine comme le réseau social ont déterminé que cette opération consistait surtout à semer la discorde dans la société américaine en jetant de l'huile sur le feu via des messages publicitaires ou des Pages abordant des sujets polémiques, comme les armes, l'immigration, l'avortement etc... Mardi, Mark Zuckerberg avait annoncé la suppression de 270 pages et comptes Facebook et Instagram gérés par la société russe Internet Research Agency (IRA), que le renseignement américain accuse d'être un faux-nez de Moscou. Outre la question de la protection des données personnelles, le scandale Cambridge Analytica a aussi un aspect très politique puisque la firme britannique a travaillé pour la campagne de Donald Trump en 2016. Elle nie avoir usé des données Facebook dans ce cadre. Vendredi, le numéro deux de Facebook Sheryl Sandberg a répété "ne pas avoir fait assez pour protéger les données" affirmant avoir péché par "idéalisme" en sous-estimant largement les mauvais usages possibles du réseau, y compris à des fins politiques. Facebook fait déjà face à des enquêtes et plaintes tous azimuts dans plusieurs pays dans le cadre de ces différents scandales et de plus en plus de voix, des deux côtés de l'Atlantique, appellent à un plus strict encadrement des réseaux sociaux.
Les données de 2,7 millions d'Européens ont pu être concernées Les données personnelles de "jusqu'à 2,7 millions" d'utilisateurs européens de Facebook ont pu être transmises de "manière inappropriée" à la firme britannique Cambridge Analytica (CA), a annoncé vendredi la Commission européenne, citant un chiffre que lui a communiqué le réseau social. Cette évaluation concernant l'Europe est à rapporter au nombre total de 87 millions d'utilisateurs de Facebook potentiellement touchés dans le monde, révélé mercredi par le patron du réseau social, Mark Zuckerberg. Dans un courrier, "Facebook nous a confirmé que les données personnelles de jusqu'à 2,7 millions d'Européens, ou de personnes résidant dans l'UE pour être plus précis, pourraient avoir été transmises à Cambridge Analytica de manière inappropriée", a indiqué un porte-parole de l'exécutif européen, Christian Wigand. Le courrier en question était une réponse à la Commission, qui avait demandé la semaine dernière au réseau social de lui fournir rapidement des explications sur le scandale lié à la société Cambridge Analytica (CA). Facebook explique dans sa lettre "les mesures qui ont été prises depuis", a indiqué M. Wigand, ajoutant que l'exécutif européen allait "étudier dans le détail" la réponse du réseau social. "Mais il apparaît déjà que d'autres discussions seront nécessaires", a-t-il ajouté, précisant qu'il y aurait un "appel téléphonique en début de semaine prochaine" entre la Commissaire européenne chargée de la Justice, Vera Jourova, et la numéro 2 de Facebook, Sheryl Sandberg. La firme d'analyses de données CA, qui a notamment travaillé pour la campagne présidentielle de Donald Trump en 2016, avait récupéré les données personnelles d'utilisateurs de Facebook à leur insu via une application de tests psychologiques. A l'époque, le système permettait à des applications tierces d'accéder non seulement aux données des usagers ayant utilisé l'application mais aussi à celles de leurs amis, expliquant le nombre très élevé de personnes potentiellement concernées. CA, qui réfute les chiffres communiqués par Facebook, assure de son côté ne pas avoir utilisé les données récupérées dans le cadre de la campagne de M. Trump et affirme les avoir effacées lorsque Facebook l'avait informé du fait qu'elles avaient été transmises sans autorisation.