L'économie mondiale va croître à un rythme soutenu cette année et l'an prochain, portée notamment par les Etats-Unis et l'Europe, mais la croissance pourrait "dérailler" sous l'effet des tensions commerciales, a prévenu mardi le Fonds monétaire international. Après avoir progressé de 3,8% en 2017, le produit intérieur brut (PIB) mondial devrait accélérer à 3,9% en 2018 et 2019, soit un rythme inchangé par rapport aux précédentes prévisions de janvier, a annoncé le FMI qui tient ses réunions de printemps cette semaine à Washington. Près de dix ans après le début de la récession mondiale, l'économie de la planète évolue dans une bonne dynamique grâce aux pays développés ainsi qu'aux pays émergents et en développement. Pour 2018, les prévisions ont même encore été relevées pour les Etats-Unis (2,9%) dopés par leur réforme fiscale, pour les pays de la zone euro (2,4%) dont la France qui a engagé des réformes, l'Italie et l'Espagne ainsi que pour le Brésil (2,3%) qui conforte sa sortie de récession. Le FMI note en outre la performance solide du Japon et de la Chine avec des prévisions de croissance respectives de 1,2% et 6,6% tandis que l'Inde va elle aussi contribuer au dynamisme mondial (+7,4%). "L'économie mondiale continue d'afficher une dynamique largement répandue", a commenté le chef économiste du FMI, Maurice Obstfeld. "Derrière cette toile de fond positive, les perspectives d'un conflit sur le commerce dénotent", a-t-il néanmoins réagi. Confiance minée? Depuis mars, les Etats-Unis ont multiplié des mesures protectionnistes. Après avoir imposé le 8 mars des droits de douane de 25% sur les importations d'acier et de 10% sur celles d'aluminium, l'administration Trump a dressé une liste provisoire de produits chinois représentant 50 milliards d'importations susceptibles d'être soumis à leur tour à de nouvelles taxes américaines pour compenser des pratiques commerciales jugées "déloyales". A Washington qui l'accuse d'imposer un "transfert forcé de technologies américaines" et de "vol de propriété intellectuelle", le géant asiatique a rétorqué avec des représailles dans des proportions identiques visant les produits américains, ce qui a poussé le président américain Donald Trump à surenchérir en menaçant de viser pour 150 milliards de dollars d'importations chinoises. Pour l'heure, les mesures n'ont été mises en œuvre ni d'un côté, ni de l'autre. Mais cette politique protectionniste risque de "miner la confiance" et "faire dérailler prématurément la croissance mondiale", estime Maurice Obstfeld. L'incertitude liée aux tensions commerciales est de nature à freiner les investissements et tirer vers le bas les marchés boursiers, a-t-il reconnu lors d'une conférence de presse. "Le fait que les principales économies flirtent avec la guerre commerciale au moment de l'expansion économique généralisée semble paradoxal", ajoute-t-il, la croissance étant intimement liée aux investissements et au commerce.
Multiples risques persistants Le libre-échange a non seulement contribué à une solide expansion des économies avancées mais encore a permis aux pays émergents et aux pays pauvres "de faire d'incroyables avancées en matière d'éradication de la pauvreté", a également argué Maurice Obstfeld, exhortant les pays à s'engager dans une voie consensuelle pour résoudre leurs différends. Le volume des échanges de biens et services à travers le monde devrait s'accroître cette année de 5,1% après 4,9% en 2017. Maurice Obstfeld a souligné qu'une guerre commerciale ne ferait que des perdants, se référant aux années 1930 lorsque le sénateur américain Reed Smoot avait relevé les barrières douanières sur des milliers de produits, provoquant une dégringolade des échanges internationaux. Ces taxes avaient non seulement effacé la plus grande partie des bénéfices tirés de la mondialisation mais encore aggravé la Grande Dépression. A court terme, les risques pour la croissance sont plutôt limités, estime néanmoins le FMI mais au-delà du commerce, une série de menaces persistent à plus long terme. "Les économies avancées se heurtent au vieillissement de la population, à la diminution du taux de participation au marché du travail et à une faible croissance de la productivité", a notamment résumé l'économiste du FMI. Aux Etats-Unis, le stimulus lié à la réforme fiscale va en outre finir par s'estomper. Le FMI note également que les pays exportateurs de matières premières doivent diversifier leurs économies s'ils veulent accroître leur expansion et leur capacité de résistance en cas de crise. Enfin, les risques géopolitiques ne devraient pas non plus être sous-estimés. "Le tableau général est actuellement lumineux. Mais nous pouvons voir des nuages plus sombres pointer à l'horizon", a elle-même résumé la directrice générale du FMI Christine Lagarde la semaine dernière.