Synthèse réalisée par Ammar Zitouni L'Afrique doit se nourrir, il est inconcevable qu'un continent riche en terres arables, en eau, en richesses agro-écologiques et en soleil soit une région importatrice nette de productions alimentaires. C'est dans cet espoir de renouveau, de modernisation et de transformation des économies africaines qu'est intervenue l'organisation des réunions annuelles de la Banque africaine de développement (BAD) 2018 sous le slogan : "Accélérer l'industrialisation de l'Afrique ".C'est le défi de la 53ème Réunion annuelle de la BAD, qui s'est ouverte lundi à Busan (Corée du Sud). Pour les participants africains et coréens, le développement industriel est déterminant pour créer des emplois, stimuler la productivité et soutenir la croissance, Cependant, la médiocrité des infrastructures de transport et d'énergie, associée à un accès limité aux technologies et aux compétences, a souvent limité le niveau d'investissement à travers le continent. Compte tenu des politiques, des infrastructures et des services appropriés, le développement industriel sera mieux positionné pour s'implanter en Afrique au cours des prochaines années, créant la dynamique économique nécessaire à une croissance inclusive et durable.
Pourquoi la Corée du Sud ? Le développement économique rapide en Corée du Sud est une source d'inspiration et un modèle pour les économies africaines, a déclaré le président de la BAD, Akinwumi Adessina. " Les pays africains devraient apprendre de la croissance économique rapide de la Corée, en particulier dans les domaines de l'industrialisation et de la fabrication. Je remercie le gouvernement coréen pour son soutien au développement de l'Afrique " ; a déclaré Mme Adessina .Notant que les relations de l'Afrique avec la Corée reposant sur un modèle de coopération et que " les perspectives économiques de la Corée étaient plus difficiles que celles de la plupart des pays africains ".
Le gouvernement coréen apporterait des solutions innovantes Lors de son discours de cérémonie, le vice-premier ministre et ministre de la Stratégie et des Finances de la République de Corée du Sud, M. Dong Yeon Kim a déclaré : " Dans mon dernier voyage avec un long vol à l'étranger, j'ai pris le temps de lire un livre qui m'a laissé une profonde impression. Il explique que ce livre, écrit il y a 17O ans, est largement connu dans le monde entier et a été traduit en plusieurs langues. Il partage avec l'assistance un paragraphe de ce livre qui prédit la prospérité de l'Afrique dans le futur : " Si jamais l'Afrique montre une race élevée et cultivée, et qu'elle doit, quelque temps, à son tour figurer dans le grand drame de l'amélioration humaine-la vie se réveillera là avec une splendeur et une splendeur… Comme Dieu châtie qui il aime, faire de l'Afrique le plus haut et le plus noble de ce royaume qu'il établira, quand tous les autres royaumes auront été éprouvés et auront échoué, car el premier sera le dernier et le premier ". Selon M. Dong Yeon Kim la Corée et les gouvernements africains sont déterminés à industrialiser rapidement le continent. Les gouvernements africains et la Corée du Sud se sont engagés à collaborer pour mettre les technologies intelligentes au service de l'industrialisation rapide du continent africain et en faire un acteur majeur de la "quatrième révolution industrielle ". Le gouvernement coréen apporterait ainsi des solutions innovantes, notamment grâce à des domaines spécialement conçus pour aider les pays africains à se développer plus rapidement. L'édition 2018 de la table ronde ministérielle de la KOAFEC (Forum coréen-africain sur la coopération économique), tenues à l'occasion des Assemblées annuelles de la BAD à Busan, en Corée a permis aux ministres de l'Economie et des Finances des pays africains et de Corée de discuter des propositions de politiques concrètes. Les ministres africains et leurs homologues coréens se sont ainsi mis d'accord sur un nouveau dispositif de coopération. En effet, " la coopération entre l'Afrique est la Corée n'a cessé de croitre au fil des ans ", a déclaré Dong Yeon Kim " Elle est claire et sérieuse ", a-t-il ajouté, félicitant la BAD pour la précision de ses priorités de développement ou High 5.
L'Afrique et la 4ème révolution industrielle Le gouvernement coréen a choisi un thème très important et opportun. " L'Afrique et la 4ème révolution industrielle des opportunités pour faire des bonds ". Le thème de cette année se découpe clairement sur tous les high 5 de la BAD. Le pouvoir de l'Afrique : Nourrir l'Afrique-Industrialiser l'Afrique-Intégrer l'Afrique, et Améliorer la qualité de vie des peuples d'Afrique ". Ainsi, près de 27 millions d'Africains devraient rapidement être touchés par la priorité " Eclairer l'Afrique et l'alimenter en énergie " tandis que 23 autres millions pourraient, quant à eux, être concernés par l'initiative " Nourrir l'Afrique ". Au moins 10 millions de femmes pourraient rapidement bénéficier de la mise en œuvre des High 5, précise le président de la BAD qui a également insisté sur les dimensions environnementales et sociales dans les opérations de la Banque ; Il est à rappeler que depuis la sixième augmentation du capital, les prêts de la BAD aux Etats éligibles aux Fonds africains de développement (FAD) ont été multipliés par 17 alors que le niveau d'approbation s'élevait à environ 8,7 milliards de dollars en 2016, un niveau jamais atteint auparavant. " En 2017, nous avons décaissé au profit de nos pays membres régionaux plus de 7 milliards de dollars. Nous comptons poursuivre dans cette voie, notamment, en continuant à renforcer le secteur privé et à procéder à des recrutements adéquats de personnel ", a précisé le président de la BAD.
L'expérience de l'Algérie partagée Sur le même chapitre, le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya qui a participé à plusieurs réunions à Busan, a estimé qu'il était important de poursuivre dans la voie empruntée par la Banque africaine de développement tout en augmentant ses ressources afin de permettre aux pays africains de mieux résister aux chocs extérieurs. " L'augmentation générale du capital de la Banque est une initiative que nous soutenons à 100 %, parce que nous estimons qu'il faut consolider les progrès réalisés et qu'il faut créer des emplois pour les jeunes Africains. La place de notre jeunesse et son avenir se trouvent ici en Afrique ", a-t-il assuré. M. Raouya qui a participé en tant que panéliste à un atelier consacré à "L'amélioration de la mobilisation des ressources intérieures pour financier l'industrialisation " est intervenu pour partager l'expérience algérienne en matière de mobilisation internes des ressources, à travers un programme rigoureux visant, entre autres, l'assainissement des finances publiques, la mise en œuvre de réformes structurelles et la mobilisation de l'épargne. Il a, à cet égard, expliqué l'implication du système fiscal adopté et la mise en place des nouvelles technologies, pour " une meilleure mobilisation des recettes ". Il a dans le même sens rappelé que " l'inclusion financière en Algérie est au centre des préoccupations des pouvoirs publics, et ce, compte tenu de son impact indéniable tant sur le plan économique que social ".
La Corée a pu rapidement moderniser sa base industrielle Au préalable, les échanges riches et fructueux d'il y a deux ans et le travail effectué ensemble (entre le gouvernement coréen et les Etats africains) pour transformer l'agriculture africaine par l'industrialisation ont préparé le terrain pour le thème de la conférence de cette année sur " comment l'Afrique " peut tirer le meilleur parti de la 4ème révolution industrielle qui sont déjà apparents et bénéfiques à Busan. La Corée du Sud est la seule économie du monde qui a connu une croissance annuelle moyenne de 5 % pendant 50 années consécutives de l'après-guerre, ce qui en fait la 11ème économie mondiale du moment. Le parcours ou l'aventure de l'industrialisation de la Corée du Sud démarre en 1965 par la construction d'une sidérurgie géante, un projet que la Banque Mondiale refusera de financer, Posco, la plus grande sidérurgie au monde, importait ses minerais de l'Australie à 9 000 km. Les privés n'étaient pas prêts à le faire. Le projet a vu, le jour grâce à un prêt du Japon. Le dragon a tenu la tête à la doxa dominante des institutions de Bretton Woods, et a pu, à partir de l'acier, amorcer son décollage. Mais la Corée et l'Afrique subsaharienne avaient exactement le même niveau de PIB par habitant en 1967, ce qui équivaut à une maigre valeur de production de 156 dollars par personne. La Corée n'avait de ressources naturelles que le génie, la créativité et le travail acharné de son peuple, aucun avantage géographique particulier, peu de capital humain et une infrastructure qui avait subi des dommages apparemment irréparables à cause de la guerre. Contrairement à d'autres pays prospères dont les industries sont encore souvent dominées par la fabrication à bas prix, la Corée a pu rapidement moderniser sa base industrielle, passant rapidement de la transformation agricole aux secteurs de basse et haute technologie et se repliant dans l'économie postindustrielle.
Grande attention mondiale au vaste potentiel de l'Afrique S'exprimant à la cérémonie d'ouverture, Young-Ju Kim, président de l'Association coréenne du commerce international (KITA), a déclaré pour sa part que l'économie mondiale continuait de se redresser et que de nombreux pays du monde entier prêtaient une grande attention au vaste potentiel de l'Afrique. " Si nous pouvions combiner le savoir-faire de la Corée avec l'immense potentiel de croissance de l'Afrique, nous pourrions devenir des partenaires importants dans la création de résultats gagnant--gagnant pour la prospérité future', a-t-il ajouté. Il a également déclaré : " J'espère que les réunions annuelles de 2018 seront l'occasion pour les chefs d'entreprise africains et coréens de renforcer leur confiance et leur compréhension mutuelle ".Il a également souligne que la Corée sera " toujours un ami fiable pour les pays d'Afrique " et un " véritable compagnon dans le voyage de l'Afrique vers un plus grand développement économique et d'industrialisation ". Il s'est dit avoir bon espoir que la KOAFEC constituera un lieu d'échanges favorable à une plus grande collaboration. " Ensemble, nous pouvons sortir des sentiers battus et avancer rapidement sur la voie du développement de l'Afrique ", a-t-il souhaité.
Attention aux fausses promesses Le président de la BAD ; Akinwumi Adessina, a souligné que, comme l'Afrique elle-même, le reste de la planète aura tout à gagner de son industrialisation. " Cela permettra d'augmenter la productivité, de créer des emplois plus qualifiés dans le secteur formel dans les économies développées ", a-t-il déclaré et d'ajouter que le Corée est un partenaire de choix pour le continent et pour la BAD. Ensemble, je suis certain que nous aiderons le continent à sortir de la pauvreté, contribuant ainsi à la paix et à la prospérité mondiales ". Il notera que le partenariat de l'Afrique avec la Corée à travers KOAFEC, " est un partenariat riche d'enseignements, moteur de création de prospérité commune et de maintien de la paix sociale entre les nations du monde ". Certes, la tâche s'annonce difficile pour l'Afrique qui devra construire ses modèles dans une marge de manœuvre contrainte par l'OMC et les différents traités multilatéraux et bilatéraux et dans un contexte de dépendance accrue des bailleurs de fonds étrangers. " Attention encore aux fausses promesses. L'idée d'une ère post-industrielle, voire post-connaissance, rendue forte par le basculement de l'économie mondiale vers le numérique, pousse certains économistes à préconiser un raccourci pour les pays africains. Certes, mais celui-ci, s'il est défendable du point de vue théorique, ne peut ignorer la réalité d'un continent qui, à bientôt 6O ans après les indépendances, brade encore ses matières premières pour importer des produits de plus en plus chers ? Le modèle coréen a eu pour point de départ et point d'arrivée la volonté politique. Tous les autres paramètres ont été négociés et le sont encore ".