La crise des plus de 2.000 mineurs sans-papiers séparés de leurs parents aux Etats-Unis a pris un virage inattendu avec la visite d'une Melania Trump souriante et chaleureuse dans un refuge pour enfants clandestins, sur fond de déluge de critiques contre son époux, accusé d'avoir provoqué cette situation "cruelle". Tentant d'agir jeudi de son côté sur ce sujet brûlant, la Chambre des représentants a reporté à la semaine prochaine le vote d'une réforme de l'immigration, censée mettre un terme définitif aux séparations de ces familles interpellées pour avoir franchi illégalement la frontière avec le Mexique. "Ils ont peur sans leurs familles", a souligné jeudi la Première dame après avoir rencontré les enfants d'un refuge de McAllen, grande ville texane, qui lui avaient écrit "Bienvenue" sur un drapeau américain. "Et je vous remercie pour votre dur travail, la compassion et la gentillesse que vous leur donnez en ce moment difficile", a dit au personnel Melania Trump, qui a passé plus d'une heure à rencontrer les élèves. Une scène inimaginable encore mercredi, avant que Donald Trump ne signe, dans un revirement fracassant, un décret mettant fin aux séparations qu'il avait lui-même encouragées avec sa politique de "tolérance zéro" face aux clandestins.
"Enfants prostrés" De l'aveu-même du milliardaire, la discrète Melania Trump a joué un rôle dans l'adoption de ce décret, qui ne règle toutefois pas la question des plus de 2.300 mineurs arrachés à leurs parents depuis la mise en oeuvre de sa politique début mai. Quand retrouveront-ils leurs familles? Débordées, plusieurs associations qui tentent de les réunir ont dénoncé jeudi le "chaos" causé par l'administration Trump. Les enfants attendent dans des conditions déplorables, a souligné Alan Shapiro, un pédiatre qui s'est rendu dans plusieurs centres pour l'Académie américaine de pédiatrie. Il dit avoir vu des enfants "qui n'arrivent plus à parler", d'autres devenus incontinents ou prostrés. Le Pentagone a lui reçu l'ordre de se préparer à héberger sur des bases militaires 20.000 mineurs migrants entrés sur le territoire américain non-accompagnés par des adultes. Comment puis-je "aider à réunir ces enfants avec leurs familles aussi vite que possible?", a demandé Melania Trump au personnel du refuge. Le centre accueille une soixantaine de mineurs âgés de 5 à 17 ans, originaires du Honduras et du Salvador. La plupart sont des adolescents qui ont fait le voyage seuls depuis ces pays rongés par la violence. Six ont été séparés de leurs parents. L'idée du voyage est venue "à 100%" de Melania Trump, a précisé sa porte-parole, Stephanie Grisham. Si l'opération préparée dans le plus grand secret a réussi son effet choc, elle a été perturbée par les images de la Première dame vêtue d'une veste sur le dos de laquelle étaient imprimés ces mots: "Je m'en fiche complètement, et vous?" Les réseaux sociaux se sont immédiatement enflammés, ce qui ne l'a cependant pas empêchée de porter la même veste devant les photographes à son retour à Washington. Sa porte-parole a assuré qu'"il n'y avait pas de message caché" derrière cette inscription. Mais Donald Trump est lui-même venu la contredire, affirmant dans un tweet que sa femme avait en fait voulu parler "des médias +Fake News+".
Politique "cruelle" Pleurs déchirants, images poignantes d'enfants dévastés: la politique fermement revendiquée dans un premier temps par la Maison Blanche n'a pas tenu face à la tempête dans l'opinion publique. Une dizaine d'Etats américains ont annoncé jeudi qu'ils allaient poursuivre l'administration Trump pour cette politique migratoire "cruelle". Et malgré son décret mettant fin aux séparations, associations de défense des droits de l'homme et opposition démocrate dénoncent la solution apportée: maintenir désormais les mineurs en centre de rétention avec leurs parents pendant la durée des poursuites pénales.
Report d'un vote clé Sur la colline du Capitole, à Washington, les chefs de la majorité républicaine ont pendant ce temps essuyé un échec embarrassant, avec le report d'une réforme sur l'immigration censée réconcilier les ailes conservatrice et modérée du parti autour de "piliers" exigés par Donald Trump. Ils se sont finalement donnés quelques jours de plus pour tenter de rallier plus de voix républicaines. Le parti détient non seulement la majorité à la Chambre mais aussi au Sénat et compte sur un président républicain à la Maison Blanche qui s'est engagé à promulguer cette loi. Mais les démocrates disposent d'un certain pouvoir de blocage au Sénat, où les républicains n'ont qu'une mince avance. "On ne peut passer aucune loi sur l'immigration, que ce soit pour renforcer la sécurité ou toute autre raison, y compris +avoir du coeur+, sans avoir les voix des démocrates", s'est indigné Donald Trump sur Twitter.
La semaine prochaine Un vote clé sur une réforme de l'immigration aux Etats-Unis, censée mettre un terme définitif aux séparations controversées de familles de migrants sans-papiers, a été reporté à la semaine prochaine, signe des divergences persistant jeudi dans la majorité républicaine. Après un premier report annoncé pour vendredi à la Chambre des représentants, les chefs du parti républicain ont annoncé à la sortie d'une longue réunion à huis clos qu'ils ne soumettraient finalement le texte au vote que la semaine prochaine. Un échec embarrassant pour ce parti qui détient non seulement la majorité à la Chambre mais aussi au Sénat et compte sur un président républicain qui s'est engagé à promulgué cette loi. "Nous allons continuer à travailler" a expliqué à la chaîne CBS Steve Scalise, numéro trois du parti. Les chefs républicains ont la tâche difficile de réconcilier leurs ailes dures et modérées autour d'un texte beaucoup plus vaste que la seule résolution, plus consensuelle, de la crise des enfants séparés de leurs parents migrants. Un premier projet de loi, reflétant les positions les plus dures du parti, a été rejeté comme attendu en début d'après-midi, mais en ralliant toutefois plus de suffrages que prévu (193 voix contre 231). En plein scandale sur la séparation de plus de 2.300 mineurs de leurs parents interpellés pour avoir franchi la frontière sans papiers, les deux lois cherchaient à inscrire dans le marbre législatif l'interdiction de cette pratique. Les plans républicains collent au décret Trump signé mercredi: si les enfants ne seront plus séparés de leur famille, c'est parce qu'ils resteront désormais en centre de rétention avec leurs parents pendant la durée des poursuites pénales. La proposition de loi qui sera finalement soumise au vote la semaine prochaine va cependant bien au-delà, en incluant les "piliers" exigés par Donald Trump pour toute promulgation: le financement du mur à la frontière mexicaine, une solution pour les jeunes dits "Rêveurs" --arrivés sans papiers aux Etats-Unis lorsqu'ils étaient enfants-- et une nette réduction de l'immigration légale. Elle prévoit un permis de travail et de résidence pour les "Rêveurs", renouvelable tous les six ans et qui les autorise à tenter de décrocher ensuite un statut de résident permanent. Les négociations de dernière minute se centrent autour de deux nouveaux volets cherchant à séduire, d'un côté, les plus conservateurs et, de l'autre, les partisans de moins de restrictions à l'immigration légale, selon un assistant parlementaire. Il s'agirait d'obliger les entreprises à vérifier, en ligne, le statut de leurs employés à travers les services d'immigration et également d'aider les régions agricoles à garder leurs employés immigrés, au statut légal. Pas de suspense du côté des démocrates, qui ont promis de voter contre toute proposition républicaine autour de ces "piliers". "Les républicains continuent d'être complices des atrocités" de Donald Trump, a asséné leur cheffe à la Chambre, Nancy Pelosi. S'ils sont loin de la majorité à la Chambre, la mince avance des républicains au Sénat (51-49) leur donne un certain pouvoir de blocage. "On ne peut passer aucune loi sur l'immigration, que ce soit pour renforcer la sécurité ou toute autre raison, y compris +avoir du coeur+, sans avoir les voix des démocrates", a souligné Donald Trump dans la soirée. "Le problème c'est qu'ils s'en fichent de la sécurité alors que les républicains, non", a-t-il poursuivi sur Twitter, apparemment exaspéré. "Ils ne voteront pour rien!"