La colère contre la politique de Trump grandit aux Etats-Unis et dans le monde Portés par des sondages montrant un soutien majoritaire à sa fermeté chez les électeurs républicains, Trump et son gouvernement assument la nouvelle politique pour lutter contre l'immigration illégale: tous les clandestins franchissant la frontière sont poursuivis au pénal. Tenant le cap malgré le déluge de critiques, Donald Trump revendique sa politique de «tolérance zéro» aux frontières, appelant les républicains à avancer sur une vaste réforme de l'immigration qui mettrait fin aux séparations des familles de clandestins tout en finançant son mur.»Vous avez pourtant des enfants M. le président. Est-ce que vous aimeriez qu'on sépare vos enfants?», lui a crié un élu démocrate à sa sortie d'une rencontre mardi sur ce sujet brûlant avec sa majorité républicaine. Une interpellation virulente rarissime de la part de parlementaires dans les couloirs du Capitole, qui témoigne bien de l'indignation provoquée par l'affaire des plus de 2.300 enfants séparés de leurs familles depuis début mai. Sans leur répondre, le président a salué les caméras avant de s'éloigner. Se réjouissant d'avoir eu une «excellente réunion» de 45 minutes, il a déclaré aux journalistes que les lois sur l'immigration en vigueur sont «violées depuis des années, des décennies». Pendant la réunion, le président a assuré qu'il soutiendrait tout projet républicain de loi qui réglerait «la crise à la frontière et le problème des séparations de familles en permettant la rétention et l'expulsion des familles» sans les séparer, à condition qu'il inclue ses autres exigences: «construire le mur» à la frontière mexicaine et limiter l'immigration légale, selon son porte-parole, Raj Shah. Parmi ces «piliers» réclamés par Donald Trump figurait également jusque-là une solution pour les centaines de milliers de jeunes arrivés sans papiers aux Etats-Unis, les «Dreamers», qui ne sont pas mentionnés ici. «Nous avons une seule occasion de faire ça bien», avait-il lancé avant la réunion, mettant la pression sur ses troupes républicaines qui peinent depuis des mois à trouver un consensus entre conservateurs et modérés. «Il nous a juste dit de boucler ça et de nous y mettre sans attendre», a déclaré aux journalistes un élu du puissant groupe ultra-conservateur (Freedom Caucus), Mark Meadows, se disant satisfait de la réunion. Si Donald Trump s'est dit attristé par la situation, plusieurs hauts responsables de la Maison Blanche ont eux ouvertement salué son effet dissuasif. Signe de la polémique qui fait rage, la ministre américaine à la Sécurité intérieure Kirstjen Nielsen, qui se retrouve en première ligne, a été prise à partie mardi dans un restaurant mexicain. «Ministre Nielsen (...), comment pouvez-vous prendre plaisir à manger mexicain alors que vous déportez et emprisonnez des dizaines de milliers de personnes venues demander l'asile aux Etats-Unis?», lui lance un homme dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux par une organisation socialiste. «Honte à vous», scandent des militants de Metro DC Democratic Socialists of America. Images de petits en pleurs, enregistrements de leurs voix angoissées: les séparations systématisées à la frontière depuis début mai hérissent jusqu'au sein même de son parti républicain, qui jouera sa majorité au Congrès lors des élections de mi-mandat en novembre. Mais porté par des sondages montrant un soutien majoritaire à sa fermeté chez les électeurs républicains, Donald Trump et son gouvernement assument la logique derrière la nouvelle politique annoncée début mai: pour lutter contre l'immigration illégale, tous les clandestins franchissant la frontière sont désormais poursuivis au pénal. Puisque les mineurs ne peuvent pas être incarcérés avec leurs proches, il faut donc «séparer les enfants» jusqu'à ce qu'on change la loi, a-t-il encore martelé mardi. Démocrates comme républicains, les précédents présidents américains avaient privilégié des poursuites au civil, ce qui évitait ces situations. Donald Trump les accuse d'avoir laissé la situation se détériorer, de cibler sans relâche l'opposition. «Les démocrates sont le problème. Ils se fichent de la criminalité et veulent que les immigrés illégaux, peu importe à quel point ils sont dangereux, déferlent et infestent notre pays», a-t-il tweeté. «Le président continue d'utiliser ces familles séparées comme des otages» pour obtenir sa réforme de l'immigration, a rétorqué mardi le chef des sénateurs démocrates, Chuck Schumer. Et de lancer: «Monsieur le président, vous seul pouvez régler» le problème des séparations. Affichant leur malaise face au sort des enfants soumis à une «souffrance inutile», mais sans remettre en cause la politique de Donald Trump, des sénateurs républicains ont eux assuré mardi vouloir voter sans plus attendre une loi «d'urgence» qui permettrait aux familles de rester ensemble. D'autres exprimaient clairement leur dégoût face à cette pratique «cruelle», comme le sénateur républicain John McCain, critique habituel du président, qui a dénoncé «un affront» aux valeurs américaines. Pour protester contre une politique qu'ils ne veulent pas endosser, deux gouverneurs républicains et deux démocrates ont refusé d'envoyer leur Garde nationale pour contrôler la frontière avec le Mexique, tandis que le dirigeant démocrate de la Virginie a rappelé mardi ses troupes déjà déployées. Depuis l'annonce de la politique américaine de «tolérance zéro» début mai, 2.342 enfants et jeunes migrants ont été séparés de leurs familles (du 5 mai au 9 juin), fuyant pour la plupart la violence qui ronge l'Amérique centrale. Une pratique «inadmissible» pour l'ONU, «cruelle et inhumaine» aux yeux du Mexique, également critiquée par d'influents dirigeants religieux et de grandes entreprises américaines. Thorbjørn Jagland, membre du comité Nobel de la paix «Trump n'est plus le leader moral du monde libre» Donald Trump n'est plus le «leader moral» de la planète et «ne peut plus parler au nom du monde libre», a estimé hier le secrétaire général du Conseil de l'Europe, en réaction à la séparation des enfants de migrants du reste de leurs familles. «Ce qui se passe à la frontière (américano-mexicaine) où il sépare les enfants de leurs parents est un signe qu'il n'est plus le leader moral de son pays ou de la planète», a déclaré Thorbjørn Jagland à la chaîne norvégienne TV2 à l'occasion d'un déplacement à Moscou. «Tout ce qu'il fait l'exclut du rôle que les présidents américains ont toujours eu», a-t-il ajouté. «Il ne peut plus parler au nom de ce qu'on appelle le monde libre». M. Jagland est aussi l'un des cinq membres du comité Nobel norvégien qui attribue chaque année le prix Nobel de la paix, une récompense que certains voudraient voir décernée à Donald Trump pour ses efforts de dénucléarisation de la péninsule coréenne. La séparation des enfants de leurs parents sans-papiers, pour beaucoup fuyant la violence en Amérique centrale, fait scandale aux Etats-Unis, et a déclenché une pluie de critiques à l'encontre de Donald Trump. La Première ministre britannique, Theresa May a également jugé hier «les images d'enfants détenus dans ce qui semble être des cages (...) profondément choquantes». Interrogé sur le retrait américain du Conseil des droits de l'homme de l'ONU (CDH), M. Jagland a aussi affirmé que «ce n'était pas inattendu».»Ce n'est qu'un exemple supplémentaire qui montre qu'il ne veut pas de traités internationaux ni d'organisations internationales basées sur la coopération». Les Etats-Unis ont annoncé mardi qu'ils se retiraient de l'organisation basée à Genève, qu'ils accusent d'»hypocrisie» et de parti pris contre Israël.