La rapporteuse spéciale de l'ONU sur l'Erythrée, Sheila Keetharuth, a salué jeudi le "rapprochement" en cours entre l'Ethiopie et l'Erythrée, appelant les parties à ne pas oublier dans leurs discussions "le caractère central" des droits de l'Homme. "Si un changement se produit sur le terrain, je l'encourage mais avec une mise en garde: les droits de l'Homme doivent être au centre des discussions", a déclaré Sheila Keetharuth à l'issue de son mandat qui a duré six ans. "Alors que la paix est en train d'être négociée, alors qu'un rapprochement se produit, il faut s'assurer que le caractère central des droits de l'Homme n'est pas ignoré", a-t-elle insisté. Cet appel intervient alors que l'Ethiopie et l'Erythrée ont vanté les mérites de la paix mardi à Addis-Abeba, à l'occasion de la visite historique d'une délégation gouvernementale érythréenne destinée à mettre terme à la guerre et à des décennies d'hostilité entre les deux voisins de la Corne de l'Afrique. L'envoi de cette délégation a été décidé par le président érythréen Issaias Afeworki à la suite d'une ouverture du gouvernement éthiopien. Le chef d'Etat éthiopien a pris ses fonctions en avril et a depuis amorcé un train de réformes sans précédent depuis plus de 25 ans dans le deuxième pays le plus peuplé d'Afrique. Au nombre de ces bouleversements, l'annonce début juin de son intention d'appliquer l'accord de paix signé en 2000 avec l'Erythrée et les conclusions de la commission internationale indépendante sur la démarcation de la frontière. La rapporteuse spéciale, qui a présenté son dernier rapport au Conseil des droits de l'Homme car les experts ne peuvent pas travailler plus de six ans pour le même mandat, a assuré qu'"il n'y a pas eu d'évolution positive" ans ce domaine en Erythrée au cours de son mandat, citant notamment la pratique des détentions au secret, les détentions arbitraires ou l'absence de libertés d'expression et de religion. Elle a appelé le Conseil des droits de l'Homme à renouveler le mandat de rapporteur spécial sur l'Erythrée, question qui sera discutée le 5 ou 6 juillet, et a également demandé à la communauté internationale de ne pas renvoyer les réfugiés érythréens dans leur pays, où ils sont considérés comme des "traitres". La délégation officielle érythréenne est arrivée mardi à Addis-Abeba pour engager des négociations de paix avec le gouvernement éthiopien afin de mettre un terme au conflit qui oppose les deux pays. Conduite par le ministre érythréen des Affaires étrangères Osman Saleh et le conseiller spécial du président Issaias, Yemane Gebreab, cette délégation est arrivée à l'aéroport international d'Addis Abeba peu avant 14H00 (11H00 GMT) à bord d'un vol de la compagnie Emirates. Elle a été accueillie par le Premier ministre Ahmed Abiy et des personnalités éthiopiennes du monde de la culture et du sport, comme le légendaire coureur éthiopien Haile Gebreselassie. La visite de la délégation de responsables érythréens, considérée "historique", fait suite à l'annonce récente par le Premier éthiopien Abiy Ahmed de mettre fin au conflit qui ont opposé les deux pays. Répondant à la main tendue du gouvernement éthiopien, le président érythréen Issaias Afeworki avait annoncé la semaine dernière l'envoi de cette délégation. L'Ethiopie et l'Erythrée se sont livrés de 1998 à 2000 un conflit armé qui a fait quelque 80.000 morts, notamment en raison d'un désaccord sur leur frontière commune. En décembre 2000, un accord de paix avait été signé entre les deux parties à Alger. En raison de nombreux différends ayant surgis entre les deux parties, l'application de cet accord n'avait pas été totalement concrétisée. Il y a deux ans à peine, en juin 2016, un conflit avait opposé les deux armées à la frontière. Mais le nouveau Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a amorcé début juin un profond changement de politique, en annonçant son intention d'appliquer pleinement l'accord de paix signé à Alger avec l'Erythrée et les conclusions de la commission internationale indépendante sur la démarcation de la frontière.