L'Ethiopie ne peut plus se contenter de se défendre «passivement face aux agressions» de l'Erythrée et va désormais aider le peuple érythréen à se débarrasser du «régime dictatorial» en place à Asmara, a prévenu hier le Premier ministre éthiopien Meles Zenawi. L'Erythrée continue ses tentatives pour «déstabiliser» l'Ethiopie, en soutenant, notamment les insurgés islamistes shebab en Somalie, et les groupes rebelles éthiopiens de l'OLF (Front de libération oromo) et Onlf (Front national de libération de l'Ogaden), a accusé M.Zenawi, lors d'un discours devant le Parlement. «Jusqu'à présent, notre stratégie a été de défendre notre souveraineté en accélérant notre développement», a-t-il affirmé. «Nous estimons aujourd'hui que nous ne pouvons plus nous contenter de cette défense passive», qui n'est pas «l'unique alternative», a prévenu le Premier ministre. «Nous devons aider le peuple érythréen à renverser le régime dictatorial» d'Issaias Afeworki, a-t-il lancé, précisant: «Nous n'avons pas l'intention d'envahir ce pays, mais nous devons y étendre notre influence.» «Et si le gouvernement érythréen essaie de nous attaquer, nous riposterons proportionnellement», a mis en garde M.Zenawi. Une guerre frontalière a opposé l'Erythrée et l'Ethiopie de 1998 à 2000: 80.000 personnes sont mortes dans ce conflit sanglant, avec tranchées, vastes offensives d'engins blindés et vagues d'assauts de fantassins. Malgré un accord de paix signé en 2000 à Alger, la tension reste grande entre les deux voisins de la Corne de l'Afrique. Le Premier ministre Meles Zenawi accuse régulièrement le régime d'Issaias Afeworki (au pouvoir depuis l'indépendance érythréenne en 1993) de soutenir des membres de l'opposition et des groupes rebelles éthiopiens. Les autorités ont à plusieurs reprises affirmé que l'Erythrée était impliquée dans des attentats commis à Addis-Abeba ces dernières années. Asmara porte régulièrement des accusations similaires, dénonçant le soutien présumé d'Addis-Abeba à des groupes rebelles érythréens. «L'Erythrée entraîne et déploie des shebab et des forces de destruction locales (rebelles éthiopiens, Ndlr) pour terroriser notre pays. Mais c'est l'Egypte qui est directement derrière et soutient ces éléments destructeurs», a par ailleurs accusé M.Zenawi. L'Egypte et l'Ethiopie se disputent sur le partage des eaux du Nil, après la signature en mai par plusieurs pays en amont du fleuve, à l'initiative d'Addis-Abeba, d'un accord redéfinissant l'utilisation de ses eaux. Boycotté par l'Egypte et le Soudan, cet accord remet en cause un traité remontant à 1929, entre Le Caire et la Grande-Bretagne, puissance coloniale de l'époque, et qui accordait près de 87% du débit du fleuve à l'Egypte et au Soudan. «L'une des stratégies de l'Egypte est de nous menacer en utilisant sa puissance militaire», a affirmé le Premier ministre éthiopien. «Mais nous ne craignons pas cette puissance. Cela peut créer un certain danger, un danger limité. (...) Mais cela ne signifie pas qu'il nous est impossible de nous défendre», a-t-il mis en garde, ajoutant: «Les Egyptiens doivent comprendre que nous ne leur voulons aucun mal.»