Le général Abdul Rashid Dostum, chef de guerre redouté du nord de l'Afghanistan et premier vice-président de retour dimanche à Kaboul après un an d'exil en Turquie, a été accueilli par un attentat suicide dès l'aéroport, revendiqué par le groupe Etat islamique (EI). L'explosion due à un kamikaze a fait au moins "quatorze morts et soixante blessés", selon un dernier bilan du porte-parole de la police de Kaboul, Hashmat Stanikzai. "Neuf membres des forces de sécurité et de la police font partie des tués", a-t-il précisé. L'attentat a frappé aux portes de l'aéroport alors que le convoi officiel quittait les lieux au milieu d'une foule dense. Selon son porte-parole, le général ouzbek est "indemne", en revanche des victimes sont à déplorer parmi les spectateurs, a indiqué Najib Danish, porte-parole du ministère, sans autres détails. De très nombreuses ambulances se sont aussitôt ruées sur place. Cet attentat a été revendiqué dans un communiqué par les jihadistes de l'EI via leur organe de propagande Amaq, selon le SITE Intelligence Group, spécialisé dans la surveillance des sites internet islamistes. Accusé de viol sur un rival fin 2016, Dostum, qui avait quitté le pays en mai 2017 pour échapper à la justice, a été accueilli en héros par une délégation d'officiels afghans et des dizaines de partisans, principalement des membres de la communauté ouzbèke. L'avion spécialement affrété par le gouvernement afghan pour le ramener d'Ankara s'est posé à 16H30 (midi GMT), attendu sur le tapis rouge par une haie d'officiels et de partisans enthousiastes. Dostum, qui doit reprendre ses fonctions de vice-président malgré l'enquête à son encontre, est apparu sur la passerelle en costume de ville, chemise blanche et cravate rouge, entouré de sa garde personnelle. Il a aussitôt gagné ses bureaux de vice-président, devant lesquels de nouveau des centaines de partisans l'attendaient. Parmi les officiels venus le fêter, l'ex vice-président Ahmad Zia Massoud, frère du défunt commandant Ahmad Shah Massoud, plusieurs fois trahi par Dostum, était présent ainsi que l'autre figure du nord, Atta Mohammad Noor, et le leader de la communauté hazara chiite, Mohammad Mohaqiq. Atta, Massoud et Mohaqiq sont des figures de proue de l'opposition au président Ashraf Ghani.
Impunité pour le "boucher de Kaboul" Dimanche matin des portraits de Dostum avaient fleuri dans les rues de Kaboul, le long de la route de l'aéroport et autour du palais présidentiel, accompagnés de "Welcome" en dari et en anglais. D'ethnie ouzbèke, âgé d'une soixantaine d'années, Dostum collectionne depuis des décennies les faits de guerre et les pires exactions - comme la mort de 2.000 talibans enfermés dans des conteneurs. Une enquête a été ouverte en janvier 2017 par la justice afghane sous pression des Occidentaux après qu'il eut ordonné à sa garde personnelle de capturer son rival Ahmad Ishchi, un ancien gouverneur sexagénaire, de l'avoir séquestré, fait torturer et sodomiser avec un fusil d'assaut AK-47. Embarrassé, car Dostum est vice-président d'un pouvoir aux équilibres délicats, Ashraf Ghani avait dû se résoudre à cette enquête après l'indignation de responsables des Etats-Unis, de l'Union européenne et du Canada. Dostum est le deuxième chef de guerre afghan à regagner la capitale avec les honneurs. En mai 2017, Gulbuddin Hekmatyar, surnommé par la presse "le boucher de Kaboul" pour l'avoir martyrisée par des bombardements sans merci dans les années 90, était rentré après 20 ans d'absence au terme d'un accord avec le gouvernement lui garantissant l'impunité. Le gouvernement afghan se trouve dans une situation fragile au nord avec la poussée de l'EI dans la province de Jawzjan, le fief de Dostum, et celle des talibans dans la province de Faryab. Des troubles civils ont en outre récemment éclaté, faisant plusieurs morts, après l'arrestation début juillet d'un proche de Dostum, Nizamuddin Qaisari, commandant de la police locale également à la tête d'une milice de plusieurs milliers d'hommes. Il est accusé d'insultes et menaces de mort envers les autorités. Depuis la Turquie, le général Dostum avait dénoncé l'arrestation de son allié et prévenu que la défense du nord "risquait de s'effondrer" face aux talibans et au groupe Etat islamique. A l'approche des élections législatives d'octobre et présidentielle prévues en 2019, Ashraf Ghani a besoin de ramener un minimum de stabilité dans le pays mais ses offres de paix aux talibans sont restées jusqu'à présent sans effet.