L'homme fort du gouvernement italien, Matteo Salvini, a rencontré mardi à Milan le Premier ministre national-conservateur hongrois Viktor Orban, point d'orgue d'une série de signaux que certains interprètent avec inquiétude comme un changement de cap de l'Italie en Europe. Matteo Salvini est "mon héros", a lancé le dirigeant hongrois, qui a aussi désigné son principal adversaire en Europe: le président français Emmanuel Macron, leader du "camp favorable à l'immigration". Les deux hommes, partisans d'une ligne dure contre les migrants arrivant en Europe, ont confirmé mardi devant la presse leur accord sur la nécessité de "défendre les frontières" contre l'immigration. "Notre objectif est d'aider là où il y a des problèmes", en Afrique notamment, "pas d'apporter les problèmes chez nous", a déclaré M. Orban. Ce positionnement n'est pas au goût de tous. L'Italie a choisi d'être "le strapontin du sud" des pays membres du groupe de Visegrad (République tchèque, Hongrie, Pologne et Slovaquie), hostiles à l'immigration, déplore ainsi l'ancien Premier ministre italien et commissaire européen Mario Monti, dans une tribune parue lundi dans le Corriere della sera. "L'Italie brûle les ponts avec ses alliés traditionnels, menace d'une défection improbable, alimente la défiance et frappe à la porte des ennemis au nom d'une affinité idéologique anti-immigration, qui ne correspond pas aux vrais intérêts nationaux", s'alarme mardi ce même journal. Trois mois après l'arrivée au pouvoir du premier gouvernement populiste dans un pays fondateur de l'Union européenne, Matteo Salvini continue de tirer à boulets rouges sur cette Europe, coupable selon lui, d'avoir abandonné l'Italie, contrainte de gérer seule les quelque 700.000 migrants arrivés sur ses côtes en quatre ans. Depuis qu'il a pris ses fonctions à la tête du ministère de l'Intérieur, il est parvenu à imposer sa "ligne dure" contre l'immigration. Il l'a prouvé en empêchant d'abord le débarquement de migrants recueillis par des navires d'ONG, puis en contraignant plusieurs pays européens, dont la France, l'Allemagne et l'Espagne, à trouver un accord entre eux pour accueillir d'autres migrants bloqués par l'Italie en Méditerranée. L'Italie ne sera pas le "camp de réfugiés" de l'Europe, martèle sans relâche le vice-Premier ministre et patron de la Ligue (extrême droite).
Ennemie ou bouc émissaire Cette fermeté est officiellement partagée par l'autre principale composante du gouvernement, le Mouvement Cinq Etoiles (M5S), et son chef de file, le vice-Premier ministre Luigi Di Maio. Plus largement, les deux hommes mènent depuis trois mois une offensive souverainiste face à une Union européenne, tantôt ennemie, tantôt bouc émissaire. L'Italie n'acceptera plus d'être "humiliée", a lancé la semaine dernière M. Di Maio, agitant la menace d'une réduction draconienne de la contribution de l'Italie au budget de l'UE. Et si l'Europe continue à "nous tourner le dos" sur l'immigration, Rome mettra son veto au budget pluriannuel de l'UE, a-t-il renchéri. L'Europe est un "formidable ciment pour s'assurer le consensus d'un peuple en colère à la recherche de boucs émissaires", juge mardi l'éditorialiste du quotidien La Repubblica. Mais Matteo Salvini semble vouloir aller plus loin et prendre avec Viktor Orban la tête d'un front souverainiste en vue des élections européennes du printemps 2019. "Nous misons sur un axe, nous verrons ce qu'il sera possible de faire ensemble. Nous travaillons tous à la construction d'une autre Europe", a-t-il déclaré. Sur ce point, son alter ego Luigi Di Maio semble plus hésitant. "La Hongrie d'Orban dresse des murs de barbelés et refuse la répartition" des migrants. "En ce qui me concerne, les pays qui refusent la répartition n'ont pas le droit aux financements européens", a lâché M. Di Maio dans un entretien lundi avec le journal La Stampa. Le prochain test en Italie sera le vote du budget qui pourrait aggraver le déficit et mettre ce pays en infraction avec les règles communautaires si le gouvernement confirme ses coûteuses promesses électorales.