Le Mondial de l'Auto, salon automobile le plus fréquenté au monde, fête ses 120 ans du 4 au 14 octobre à Paris avec un feu d'artifice d'innovations pour tenter de reconquérir des constructeurs de plus en plus nombreux à bouder ce type d'événements. Les grands salons automobiles occidentaux ne font plus le plein de marques, alors qu'ils étaient autrefois les vitrines incontournables des nouveautés du secteur. Le phénomène touche aussi bien Detroit que Francfort ou Genève. Mais le salon de la capitale française sera particulièrement affecté cette année. Volkswagen, Opel, Fiat, Jeep, Alfa Romeo, Ford, Nissan, Volvo, Mazda, Mitsubishi ont notamment renoncé à tenir un stand cette année à la Porte de Versailles, des absents qui pèsent ensemble près de 40% du marché automobile européen. Le doyen des salons automobiles, qui attire tous les deux ans plus d'un million de visiteurs et 10.000 journalistes internationaux, espère pourtant marquer les esprits avec un fourmillement de nouveautés. "On fête les 120 ans et on fête l'année une du renouveau du Mondial", résume son commissaire général, Jean-Claude Girot. Au cœur de la transformation, l'ouverture aux services de mobilité et aux entreprises de technologie qui bouleversent l'industrie. L'automobile de demain sera électrique, autonome, connectée, et de plus en plus partagée. Cette année, les deux roues seront exposés en même temps que les voitures, renouant avec la tradition des premières années. Outre le renfort du Mondial de la moto, le salon lance un nouvel événement grand public, le Mondial de la mobilité et simultanément un nouveau salon professionnel, Mondial.Tech, qui permettra notamment à 64 startups du monde entier de présenter leurs innovations. Une piste d'essais sera ouverte aux visiteurs pour tester des vélos et trottinettes électriques. "Les transports en commun seront aussi présents. On remet la voiture au milieu de la ville et du transport", explique M. Girot. "On va avoir une population de visiteurs et une presse beaucoup plus larges. Ce n'est plus un simple salon de l'auto où on expose des voitures". Il se réjouit tout particulièrement du partenariat noué avec le CES de Las Vegas, premier salon mondial de l'électronique grand public, qui organise sa déclinaison française à la Porte de Versailles, pendant le salon.
Marques de luxe Les fondamentaux restent cependant assurés. Le Mondial se félicite de continuer à attirer des marques de luxe. Aston Martin, Jaguar, Ferrari, Lamborghini, Maserati seront bien au rendez-vous. Tout comme le constructeur californien de voitures électriques, Tesla, dont la nouvelle Model 3 devrait attirer les foules. Le Mondial reste "une institution", estime M. Girot. De nombreux visiteurs, de toute la France, viennent "pour rêver", une partie d'entre eux "venaient avec leurs parents quand ils étaient petits et maintenant ils emmènent leurs enfants". Certains viennent aussi "pour renouveler leur voiture", profiter de la possibilité de voir et essayer de nombreux modèles en une seule journée. Des milliers de commandes sont enregistrées à chaque édition.
Alors, pourquoi des constructeurs font-ils l'impasse ? La présence au salon est "un investissement coûteux et les constructeurs font des arbitrages", relève Flavien Neuvy, directeur de l'Observatoire Cetelem de l'automobile. Les salons historiques, en Amérique du nord et en Europe, sont concurrencés par d'autres modes de communication, notamment numériques, et par les salons des pays émergents, Chine en tête. "Le concept est à repenser complètement. Jusqu'ici les salons consistaient à placer des produits à côté de jeunes filles. C'est le monde d'avant-hier", estime Ferdinand Dudenhöffer, directeur de l'institut allemand Center Automotive Research. Selon lui, les salons qui fonctionnent ne se contentent pas d'exposer des produits mais proposent "des expériences". M. Girot reconnaît que le Mondial aurait dû innover plus tôt. Pour cette édition, la durée a été raccourcie à 11 jours au lieu de 16, afin de réduire les coûts pour les constructeurs. Le Mondial sort aussi des murs et proposera au public d'essayer des voitures électriques sur la Place de la Concorde. Il espère convaincre visiteurs, journalistes et constructeurs, que l'événement a de l'avenir, malgré ses 120 ans. Pour 2020, Volkswagen a déjà acté son retour.
Les voitures neuves n'ont plus la cote Les Français, comme les Européens, parcourent de moins en moins de kilomètres avec leur voiture individuelle et achètent moins de véhicules neufs, privilégiant le marché de l'occasion, la conséquence d'un manque de pouvoir d'achat mais aussi d'un rapport plus utilitaire à l'automobile. Au début des années 1990, les ventes aux particuliers représentaient les trois quarts du marché automobile français, aujourd'hui on est à moins de la moitié, constate Flavien Neuvy, directeur de l'Observatoire Cetelem de l'automobile. "Ce qui est frappant, c'est que la baisse est constante sur les 25 dernières années" et elle est générale en Europe, explique-t-il. Si les ventes neuves se maintiennent globalement sur ces marchés matures, c'est grâce aux achats des entreprises, y compris pour les véhicules de fonction. La voiture, célébrée la semaine prochaine au Mondial de l'Auto à Paris, reste un moyen de déplacement incontournable pour beaucoup, mais sa place est remise en cause dans les grandes agglomérations, avec la multiplication des encombrements et une pollution de l'air de moins en moins tolérée. "Il y a bien sûr un problème de pouvoir d'achat, les automobiles sont de plus en plus chères", estime M. Neuvy. "Les jeunes n'achètent pas de voitures neuves, mais ce n'est pas qu'ils les rejettent ou n'en ont pas besoin. C'est simplement qu'elles sont financièrement hors de portée". "Le gros de la population se tourne vers les véhicules d'occasion", explique Jean-François Doulet, spécialiste des mobilités et auteur de l'Atlas de l'automobile. Il souligne que le taux d'équipement ne cesse en fait d'augmenter et qu'il faut considérer le marché dans sa globalité. Le marché de l'occasion progresse et représente plus de deux fois les volumes du neuf. Au début des années 1990, chaque année, environ 7% des ménages achetaient une voiture neuve. Aujourd'hui c'est deux fois moins, et les véhicules achetés sont aussi moins utilisés. Le kilométrage parcouru baisse en moyenne de 100 km par an. Résultat: la voiture s'use moins et on la garde plus longtemps... Ce vieillissement du parc n'est pas sans effet pervers. Les voitures anciennes polluent plus que les modèles récents. Elles émettent en moyenne plus de gaz à effets de serre, d'oxydes d'azote et de particules fines dans l'air que nous respirons.
Le phénomène Dacia Désormais, "les acheteurs de véhicules neufs ont un profil très particulier, plus masculin, plus senior. L'âge moyen des acheteurs est autour de 55 ans", poursuit M. Doulet. Les voitures, toujours plus perfectionnées, mieux équipées, ne cessent de voir leurs prix enfler plus vite que l'inflation. En France, le tarif moyen des modèles neufs atteignait cette année près de 27.000 euros. En Allemagne, il est même supérieur à 30.000 euros. "Mécaniquement, cela a sorti du marché du neuf une partie de la population. Il y a une partie de la clientèle qui ne peut pas ou ne veut pas mettre autant d'argent dans une voiture", constate M. Neuvy. Cette tendance est une aubaine pour la marque Dacia (groupe Renault), spécialiste de la voiture à bas coût et quasiment sans concurrence sur ce créneau. Sa citadine Sandero a été le modèle le plus vendu en Europe auprès des particuliers au cours du premier semestre, d'après les données de Jato Dynamics. Son Duster est aussi le 4x4 de loisir (SUV) le plus vendu du continent, toujours si on exclut la clientèle d'entreprises. "Pour une grande partie de la population, celle qui ne peut pas se passer de la voiture, l'usage est prédominant", estime Guillaume Crunelle, responsable automobile chez Deloitte. "L'émergence de nouvelles solutions de mobilité", comme l'auto-partage ou le covoiturage, pose, selon lui, de plus en plus la question de l'achat ou non du véhicule. "Il est devenu plus facile de conduire une automobile sans la posséder". Pour beaucoup de gens, "elle n'est plus un produit de luxe mais un bien de consommation courante", un simple moyen de transport, assure Felipe Munoz, analyste automobile chez Jato.