Aidés par une économie en pleine forme, les républicains ont limité les pertes mardi aux élections de mi-mandat, consolidant leur emprise sur le Sénat mais perdant la majorité à la Chambre des représentants, ce qui va compliquer, modérément, les projets économiques du président Donald Trump. Ces nuages n'ont en tout cas pas assombri la Bourse new-yorkaise qui a démarré mercredi sur les chapeaux de roue, visiblement soulagée de tourner la page des élections. Elle avait connu un mois d'octobre des plus chahutés "Les marchés financiers vont trouver un réconfort dans un Congrès divisé", assure Mickey Levy, de Berenberg Economics, dans une note faisant écho au sentiment général. "Ce Congrès partagé donne un peu plus de contrôle sur les initiatives de Trump tout en autorisant la continuation de sa politique de relance et de dérégulation qui a porté la croissance ces deux dernières années", explique-t-il. Curieusement, l'histoire montre que Wall Street, depuis 1946, a de façon constante toujours signé une très bonne année après le scrutin de mi-mandat quels qu'en soient les résultats. Sur le front budgétaire en revanche, l'administration Trump aura désormais du mal à faire avaliser une nouvelle baisse d'impôts qui creuse le déficit budgétaire, gonfle la dette et met en danger les dépenses de l'Etat dans les programmes sociaux. Le président Trump assurait récemment pouvoir encore offrir 10% de réduction d'impôt sur le revenu. Mais les économistes "ne s'attendent à aucune initiative sur les impôts car il sera difficile de trouver un compromis acceptable pour les deux camps", affirment des analystes de Goldman Sachs dans une note. Les démocrates voudraient en effet taxer davantage les plus riches et les entreprises, un renversement de la politique de l'administration Trump qui aboutira dans une impasse au Sénat. Sur le front commercial, la victoire en demi-teinte des démocrates à la Chambre ne va pas changer la stratégie musclée de la Maison Blanche vis-à-vis de la Chine et des partenaires commerciaux. Paradoxalement, les démocrates sont moins opposés aux tarifs douaniers que les républicains, chantres traditionnels du libéralisme économique. "Sur le commerce, Trump aura encore pas mal de pouvoir", résume Nancy Vanden Houten d'Oxford Economics, rappelant que le président peut agir par décret notamment dans ce domaine. Sans compter que "les démocrates soutiennent plutôt ce qu'a fait le président Trump" en la matière, renchérit Edward Alden du Council of Foreign Relations, qui assure que l'hôte de la Maison Blanche a "encore les mains libres" pour imposer par exemple des droits de douane supplémentaires sur les produits chinois.
Jeu de blâme en perspective Des blocages sont en revanche prévisibles sur les adoptions du budget et le relèvement du plafond de la dette qui pourraient conduire à de nouvelles fermetures de l'administration fédérale ("shutdown"), toujours mal vues par l'opinion publique quel que soit le parti responsable. "Il y a désormais un plus grand risque de fermeture des services administratifs alors que Trump a brandi de nombreuses menaces afin d'obtenir le financement de son mur" anti-immigration à la frontière avec le Mexique, anticipe Andrew Hunter, de Capital Economics. "Les chances sont maintenant bien plus grandes" d'un blocage administratif "alors que le président peut blâmer les démocrates" majoritaires à la Chambre, résume cet analyste. Globalement, les résultats électoraux ne devraient pas changer la cadence de l'économie, estiment les spécialistes qui s'attendent de toute façon à un ralentissement de la croissance sur les deux prochaines années. Ce tassement de l'expansion (2,5% prévus en 2019 par la banque centrale américaine) était déjà dans les tablettes, l'effet dopant des réductions d'impôts sur la consommation devant logiquement se dissiper. En revanche, le contrôle de la Chambre par l'opposition renforce l'outil favori de Donald Trump: le jeu du blâme. Outre les démocrates, la Fed risque plus que jamais d'être dans le collimateur du bouillant président qui voit dans les hausses de taux d'intérêt de la Banque centrale la cause de tout ce qui peut faire dérailler l'économie. "Il pourrait ne pas y avoir de récession mais bien un ralentissement économique" et le résultat électoral "va permettre à Trump de rejeter la responsabilité sur les démocrates, la Réserve fédérale ou autres", conclut Edward Alden. "D'une certaine manière, c'est un cadeau pour Trump, car si les républicains avaient maintenu le contrôle des deux chambres, il n'aurait eu aucune cible évidente à stigmatiser", ajoute-t-il.