La tendance au retour flagrant de la médecine alternative est constatée dans la wilaya de Saida, suscitant un débat sur les perspectives et les limites de ce créneau thérapeutique. Communément appelée phytothérapie, cette “médecine” repose sur une connaissance séculaire des plantes endémiques de la région qui s'étend de Saida à Naâma et d'El-Bayadh à Béchar, mais aussi de celles originaires d'Afrique Noire, introduites par des vendeurs ambulants, installés dans plusieurs localités de la wilaya de Saida, des Maliens et des Nigériens en majorité. Cette connaissance ancestrale des propriétés thérapeutiques des plantes tient, selon l'anthropologue Saddek Mokhtar, au contact continuel des nomades avec la nature, à la recherche de pâturages et de points d'eau pour leur bétail. Il faut dire que la quête d'espaces verdoyants est généralement couronnée par la découverte de diverses plantes aux vertus aromatiques, thérapeutiques et aphrodisiaques. Ces incessantes découvertes s'ajoutent, selon M. Saddek, à l'immense héritage culturel et scientifique légué par les Musulmans présents au nord de l'Afrique depuis le 7ème siècle grégorien. La rencontre avec la civilisation musulmane a en effet permis d'introduire un patrimoine scientifique riche et varié, puisé au contact des civilisations persane, pharaonique et mésopotamienne. Le même anthropologue insiste, à l'occasion, sur la nécessité et l'urgence d'expliquer ce qui motive véritablement le recours à cette médecine traditionnelle, sachant que les nomades étaient autrefois motivés surtout par l'instinct de survie et le besoin d'apaiser la souffrance que provoquaient les innombrables maladies et autres épidémies touchant, alors, de vastes contrées, souvent éparses et éloignées. Des citoyens rencontrés aux marchés hebdomadaires, qui se tiennent à Saida tous les dimanches et mercredis, expliquent cette tendance par le coût relativement bas de ces remèdes présumés, par rapport aux prix parfois “exorbitants” de certains médicaments en pharmacie, nonobstant le coût de la consultation médicale souvent considéré comme élevé. D'autre “patients” mettent en relief les propriétés naturelles de ces plantes supposées “bénéfiques et sans effets secondaires” contrairement, croit-on, aux composants chimiques et synthétiques des médicaments qui peuvent être nocifs, notamment en cas d'automédication. Mais à en croire tous les médecins rencontrés, à l'instar du Dr Mohamed Ammer, les plantes utilisées dans la médecine dite traditionnelle “contiennent, elles aussi, autant de substances chimiques que les produits pharmaceutiques et peuvent, en conséquence, être à l'origine de sérieuses complications pouvant même causer la mort de celui qui les ingurgite”. La motivation économique expliquant le recours à la médecine alternative est catégoriquement désapprouvée par un vendeur de plantes médicinales, installé dans la ville. Ce quinquagénaire, qui exerce cette activité depuis une quinzaine d'années, affirme que sa clientèle couvre un large éventail social, du simple agriculteur au cadre dirigeant en passant par les plus nantis. De son côté, le professeur Abdellah Moussa, enseignant au centre universitaire “Docteur Moulay Tahar”, met en garde contre “certains charlatans” qui écument les marchés hebdomadaires et profitent de l'aubaine des fêtes populaires comme les “waadate”, pour professer leur “savoir-faire” et abuser ainsi de la crédulité des malades ou de leur détresse. Pour lui, comme pour beaucoup d'autres âmes éclairées, il faut vite organiser et réglementer cette activité afin de parer à toute récupération malveillante et, finalement, mettre les populations à l'abri de drames sanitaires.