Il y a de multiples raisons qui expliquent la profondeur de la crise actuelle que traverse le pays et compte tenu des événements intervenus depuis le 22 février dernier et dont le mécontentement populaire généralisé n'en est certainement pas le moindre puisque celui-ci à l'avantage de relancer les principes démocratiques autour des grandes préoccupations nationales. Pour le mouvement citoyen, la démission du président Abdelaziz Bouteflika ne suffit pas, il exige au septième vendredi un changement en profondeur du système et le départ de celui-ci et surtout à ce que la parole revienne au peuple. Les slogans, les exigences soulevés par la rue à travers tout le pays, est-ce la fin du cauchemar ? Oui, si les résidus du pouvoir comme le demande la rue partent et qu'ils ne s'opposent pas à la remise sur pied du pays, de cette crise. L'état-major de l'ANP totalement acquise aux revendications populaires, a depuis le début de cette crise, donné la preuve de son sens républicain, patriotique et démocratique. C'est dire que sans les épreuves qui attendent la nation il y a ce besoin de solidarité pour panser les blessures d'un peuple meurtri politiquement et lui rendre sa dignité démocratique. Il est évident que, dans de telles conditions de recherche d'une solide stabilité de tout l'édifice républicain de définir un cadre qui tienne compte avant tout de l'intérêt suprême du pays, qui reflète des intérêts politiques et démocratiques communs, qui reflète aussi une base consensuelle qui soit suffisamment constitutionnelle pour s'accommoder de divergences dans les conceptions politiques de la prochaine étape de redressement sans pour autant compromettre l'objectif plus vaste qu'est l'avènement d'une deuxième République en Algérie et un climat socio-politique permettant la justice sociale, économique et politique. L'opposition réelle au pouvoir en place depuis avril 1999 est aujourd'hui, le peuple, continuateur du message de Novembre 54 et précurseur de cette vague de luttes et de revendications qui a pris, depuis le 22 février dernier, les allures d'une " lame de fond " et qui a produit le " Hirak " politique bien organisé, pacifique, exprimant la feuille de route qui guiderait la marche vers une Algérie où régneraient la démocratie et la justice sociale. Ces deux majeures revendications populaires auparavant dispersées ont-elles aussi une leçon à tirer des échéances politiques sur mesure ? Nul doute que les marcheurs contre le pouvoir en place ont su répondre au mépris avec lequel les citoyens algériens dans les consultations électorales et politiques dont les résultats sont décidés à la veille de chaque scrutin. Le pouvoir a, durant ces dernières années, donné à tous, les preuves de son refus de concevoir le pluralisme démocratique. La voie des urnes lui est apparue comme un non-sens afin de se maintenir au détriment de la volonté du peuple. L'administration est passée maître dans l'art du truquage des élections, du bourrage des urnes, du matraquage, des arrestations, du vote des morts que l'on " oublie " de rayer des listes électorales, etc. Ce n'est pas une innovation en Algérie. L'innovation est dans le fait qu'au début de la crise, le peuple s'est rendu compte que le report de l'élection présidentielle et l'instauration d'une période de transition avec comme toile de fond la continuité du pouvoir n'était pas légale et anticonstitutionnelle pour mieux tromper le peuple. Trop tard, ce même peuple s'est réveillé : nul n'empêchera le peuple et sa jeunesse, galvanisés par ces forces unifiées, et par le soutien de l'armée, d'envisager d'autres solutions. Rien n'exclut que la situation n'évolue, à terme vers une perspective de solution de la crise actuelle avec le retour à la souveraineté du peuple, seule façon de débloquer les mécanismes répressifs de la démocratie pratiqués depuis bien longtemps. Aujourd'hui, c'est une affaire de survie de la Nation, de la République et de la démocratie ; la dureté de la crise impose désormais de recourir au peuple pour construire la future ère républicaine plus sûre et plus efficace. Une démarche à première vue d'une ambition mesurée. Mais l'important, pour l'heure, tient en ce qu'elle impose une ligne commune à toute la société et contraigne la classe politique à concentrer ses efforts pour assurer ses positions saines en rapport avec la période de transition. Cette prise de conscience commune imposée par le " Hirak " et par les nécessités politiques du moment constitue déjà en soi un progrès et porte en elle les indices d'un véritable changement. Avec l'appui de l'ANP à une transformation politique radicale, désormais, le peuple le sait : son état d'infériorité par rapport à l'acte démocratique qui est son droit n'est plus une fatalité. Il a conquis l'espoir de surmonter la crise actuelle que traverse le pays. Si les revendications populaires passent à mesure dans l'application, elles auront sans aucun doute une portée historique. Car elles pourront de la sorte fortement contribuer à la mise en valeur des articles 7 et 8 de la Constitution.