Les exportations de la Chine ont à nouveau augmenté en mai contre toute attente en dépit d'une hausse des droits de douane américains mais les importations ont accusé leur plus forte baisse depuis près de trois ans, attestant d'un affaiblissement de la demande intérieure susceptible de pousser Pékin à prendre de nouvelles mesures de soutien à l'économie. Certains analystes se demandent si les exportateurs chinois n'ont pas accéléré leurs livraisons vers les Etats-Unis pour éviter de nouveaux droits sur 300 milliards de dollars de produits que Washington menace d'imposer, nouvelle péripétie d'un conflit commercial qui va en s'envenimant. Cette statistique a donc peu de chances d'apaiser ceux qui craignent qu'un conflit commercial long et coûteux entre les Etats-Unis et la Chine soit à présent inévitable, au risque d'entraîner le monde dans la récession. Les exportations chinoises ont augmenté de 1,1% en mai par rapport au même mois de l'an dernier selon les chiffres des douanes, alors que les analystes interrogés par Reuters anticipaient une baisse de 3,8% après une contraction de 2,7% en avril. "Nous pensons que les exportations resteront orientées à la hausse en juin (...) mais elles devraient ensuite chuter au troisième trimestre, lorsque la menace de droits de douane deviendra réalité selon nos prévisions", expliquent des économistes de Nomura dans une note à la clientèle. "Nous croyons donc que la Chine prendra de nouvelles mesures de stabilisation des marchés financiers et de la croissance." Même si la Chine n'est plus aussi dépendante des exportations que par le passé, celles-ci représentent encore près de 20% de son produit intérieur brut (PIB).
L'excédent commercial avec les usa en hausse Les tensions commerciales entre Pékin et Washington ont gagné en intensité le mois dernier après que le gouvernement américain a accusé la Chine d'avoir "renié" son engagement à réformer en profondeur le fonctionnement de son économie. Le président Donald Trump a imposé le 10 mai des droits de douane pouvant atteindre 25% sur 200 milliards de dollars (177 milliards d'euros) de produits chinois importés et il menace de taxer le solde de 300 milliards de dollars des importations chinoises. Pékin a répliqué en usant aussi de droits de douane sur les produits américains. Donald Trump a dit qu'il comptait rencontrer le président chinois, Xi Jinping, lors du sommet du Groupe des Vingt (G20) à Osaka les 28 et 29 juin mais beaucoup d'observateurs s'attendent désormais à un conflit durable. L'excédent commercial de la Chine vis-à-vis des Etats-Unis, sujet d'irritation majeur pour Washington, a atteint le mois dernier 26,89 milliards de dollars (23,76 milliards d'euros) alors qu'il s'élevait à 21,01 milliards de dollars en avril. Les exportations chinoises vers les Etats-Unis ont diminué de 4,2% en mai après avoir chuté de 13,2% en avril, tandis que les importations chinoises de biens américains reculaient de 26,8% sur un an. Les importations de la Chine se sont contractées de 8,5% en mai, leur plus forte baisse en pourcentage sur un an depuis juillet 2016, permettant à la Chine d'enregistrer sur le mois un excédent commercial de 41,65 milliards de dollars. Les analystes ne projetaient qu'une baisse de 3,8% des importations après un gain de 4% en avril tenant, selon certains, à une réduction de la TVA.
Une dévaluation jugée peu probable Témoin du tassement de la demande chinoise et plus généralement de l'activité économique, les importations de cuivre, un métal largement employé dans le bâtiment et l'industrie, ont fléchi. Sur la période janvier-mai, les exportations de la Chine ont augmenté de 0,4% sur un an tandis que les importations diminuaient de 3,7%. Outre de nouvelles mesures de soutien de la part de Pékin, les investisseurs se demandent dans quelle mesure le gouvernement laissera le yuan faiblir pour compenser la hausse des droits de douane américains. La monnaie chinoise a perdu près de 3% contre le dollar depuis l'aggravation des tensions commerciales début mai et se rapproche du seuil très surveillé de sept pour un dollar. Les analystes ne voient pas la Chine opérer une dévaluation surprise comme en 2015 car cela risquerait de provoquer une fuite des capitaux et d'irriter un peu plus Washington; en revanche, une poursuite de la baisse du yuan est inévitable si la guerre commerciale traîne en longueur, disent certains. D'autres données publiées lundi ont montré une hausse inattendue des réserves de change chinoises en mai, suggérant une intervention de la Banque populaire de Chine (BPC) limitée pour amortir la baisse récente du yuan. La BPC a réduit le coefficient des réserves obligatoires à six reprises depuis le début 2018 et de plus en plus d'analystes pensent qu'elle procèdera à une baisse des taux directeurs si le conflit commercial s'enflamme, surtout si la Réserve fédérale américaine abaisse elle-même les taux. Malgré les mesures de soutien de Pékin, l'activité manufacturière s'est contractée plus que prévu en mai et le Fonds monétaire international (FMI) a réduit la semaine dernière sa prévision de croissance de la Chine cette année, à 6,2%.