Le déploiement et l'omniprésence de l'emblème national ainsi que l'entonnement des chants patriotiques ont fortement marqué à Alger le 20ème vendredi consécutif des marches populaires, qui ont coïncidé avec la célébration du 57ème anniversaire du recouvrement de l'Indépendance nationale le 5 juillet 1962. Entonnant des chants patriotiques et brandissant les portraits de chouhada, les manifestants, plus nombreux que la semaine dernière, ont soulevé des drapeaux algériens de tous les calibres mais aussi un drapeau géant aux couleurs nationales sur lequel sont inscrits les noms des 48 wilayas du pays pour réaffirmer leur attachement inébranlable à l'unité du peuple et de la nation. Tout en scandant les slogans habituels, les manifestants ont réitéré leur attachement au départ de tous les symboles de l'ancien système, entrecoupés par des you-you qui fusaient des balcons des immeubles environnants. De vieux drapeaux algériens, datant des premières années de l'indépendance, ont été également brandis par des manifestants, au moment où des jeunes gens prenaient des selfies pour immortaliser ces moments historiques. Avec une présence féminine remarquée, les manifestants qui avaient commencé à arpenter les principales rues et artères de la capitale dans un climat serein, ont fini par se regrouper au niveau de la Grande-Poste, le Boulevard Amirouche, la rue Hassiba Benbouali et la place Maurice Audin où un dispositif sécuritaire renforcé a été déployé face à une véritable marée humaine. Aux slogans habituels réclamant le changement radical et le départ des deux B restants de l'ancien système, en référence au chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah et au Premier ministre Noureddine Bedoui, les manifestants ont réitéré les revendications exprimées dès le début du "Hirak" le 22 février dernier, à savoir "le changement radical", "la consécration de la justice et de la démocratie", ainsi que " la lutte contre la corruption" et "le jugement de tous ceux qui ont été impliqués dans la dilapidation des deniers publics". Des manifestants ont pour leur part appelé à "la libération de tous les détenus politiques", et brandi des pancartes et banderoles sur lesquelles on pouvait lire: "La souveraineté appartient au peuple", "Les Algériens khawa khawa" (Les Algériens sont frères), alors que d'autres ont réaffirmé leur "opposition à l'organisation du dialogue pour aboutir à une élection présidentielle tant que des membres de la bande ne sont pas partis". Ces marches se sont déroulées globalement dans le calme, à l'exception de quelques incidents enregistrés entre des manifestants et les forces de l'ordre. Selon une source sécuritaire, une dizaine de personnes ont été interpellées puis transférées vers la Sûreté urbaine d'Alger pour vérification d'identité avant d'être relâchées, alors que d'autres individus qui se sont rendus coupables de port d'armes blanches, ont été arrêtés et seront présentés devant la justice. Il est à signaler que l'accès au parvis de la Grande-Poste, lieu symbolique du "Hirak", est toujours bloqué, de même que le tunnel de la Faculté et les voies menant vers le Palais du gouvernement pour parer à tout dérapage. Les manifestants ont commencé à se disperser aux environs de 17h dans le calme, cédant ainsi la place aux jeunes bénévoles qui, dans un geste de civisme et de citoyenneté, ont procédé au nettoyage des lieux des manifestations. Pour rappel, les marches populaires sont intervenues ce vendredi à Alger suivies aujourd'hui de l'organisation d'un forum pour un dialogue national. Il réunira, entre autres, des partis politiques, des personnalités nationales, des élites universitaires ainsi que des associations pour promouvoir le dialogue, en vue de parvenir à une solution à la crise politique que traverse le pays depuis près de cinq mois. Ce forum "doit promouvoir le cadre du dialogue, sa conduite, ses mécanismes sous la forme d'une Instance nationale d'organisation et de supervision des élections", avait indiqué le coordinateur de l'instance de gestion du forum, Abdelaziz Rahabi, à l'APS, précisant que "l'offre comportera tous les détails et les modalités de sa création, sa composition et les garanties de son indépendance". Ces marches interviennent aussi au lendemain du discours adressé à la nation, à l'occasion de la fête de l'indépendance par le chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah qui a lancé un nouvel appel pour un dialogue national inclusif sur la prochaine élection présidentielle, précisant que ce dialogue devrait axer ses discussions sur "l'organe ou l'autorité électorale indépendante à mettre en place et qui aura pour mandat d'organiser et de contrôler le processus électoral dans toutes ses étapes". Le chef de l'Etat avait précisé qu'il s'agira "de débattre et d'arrêter la configuration de cette entité et de fixer ses missions et attributions, son mode d'organisation et de fonctionnement ainsi que sa composante, y compris, éventuellement, les personnalités consensuelles devant la diriger". De son côté, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense nationale, chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP) avait affirmé que "la justice déterminée et l'équité résolue demeurent la voie parfaite et efficace pour assainir le pays de la corruption et des corrupteurs, malgré une opposition virulente aux différentes facettes".
"Forte mobilisation" à travers les wilayas Les manifestations hebdomadaires se sont poursuivies avec "une forte mobilisation" à travers plusieurs wilayas du pays pour le 20ème vendredi consécutif. Dans le centre du pays, la mobilisation des citoyens a été "plus forte" que les vendredis précédents, notamment dans les villes de Tizi-Ouzou, Bouira, Béjaia, Médéa, Boumerdes, Tipasa, Blida, Chlef et Ain Defla. Les manifestants ont sillonné les principales artères des villes, entonnant l'hymne national, des chants patriotiques et des chansons engagées, et en scandant les traditionnels slogans du Hirak pour "un changement du système de gouvernance et le départ de tous ses représentants", pour "une Algérie libre et démocratique". Les manifestants qui ont brandi l'emblème national et le drapeau culturel amazigh, ont aussi exigé le ''jugement des responsables impliqués dans des affaires de corruption et de détournement de deniers publics", "la libération des détenus d'opinion", et ont exprimé leur attachement à l'unité nationale. Dans les wilayas de Blida, Médéa et Tizi-Ouzou, un hommage a été également rendu aux martyrs et moudjahidine qui ont libéré le pays du joug colonial français. Dans l'est du pays, ils étaient des dizaines de milliers de citoyens à sortir pour exiger "le respect de la volonté du peuple", scandant : "le peuple est source de tout pouvoir", "rupture immédiate et totale avec le système" et "partez tous". A Mila et Oum El Bouaghi, sur les banderoles des marcheurs, on pouvait notamment lire : "Nous poursuivons notre mouvement jusqu'à l'édification d'un Etat de compétences", "Pour une période de transition menée par des personnes intègres". A Annaba, les centaines de citoyens qui se sont rassemblés ont brandi plusieurs portraits des martyrs de la Guerre de libération et une banderole sur laquelle était écrit, "Nous vous restons fidèles". Dans la capitale des Aurès, à Batna, les quelques milliers de marcheurs qui ont bravé la canicule, enveloppés dans l'emblème national, ont sillonné le centre-ville entonnant des chants patriotiques, et exigeant le départ de la "Iissaba (mafia ndlr)" et revendiquant "un Etat civil". Les mêmes revendications ont été réitérées par les manifestants à Skikda. A M'sila, les manifestations ont été distinguées par un appel au respect des symboles de la Révolution. "Non au dénigrement des symboles de la Révolution", scandait la foule. Dans l'ouest du pays, les mêmes slogans ont été affichés par les marcheurs dans les artères principales des villes d'Oran, Mostaghanem, Naama et autres. Sur les banderoles, on pouvait constater les revendications pour "davantage de liberté d'expression", "l'institution d'un Etat de droit", et pour "l'unité nationale". Les manifestants ont également exprimé leur détermination à poursuivre leur mouvement jusqu'à la satisfaction des revendications du Hirak, dont "la garantie de conditions optimales pour organiser les élections présidentielles en toute transparence", appelant et à "la poursuite de la lutte contre la corruption". Dans les régions du Sud, de petits groupes de manifestants se sont rassemblés après la prière du vendredi à Ouargla et à Laghouat pour appeler au changement politique. Une trentaine de manifestants ont marché à travers les principales artères de la ville d'Ouargla, et une vingtaine d'autres se sont regroupés à la place de la résistance à Laghouat avant de se disperser, dissuadés par la chaleur caniculaire qui sévit dans la région. Dans d'autres wilayas du Sud, les manifestations étaient attendues après la prière d'El-Asr, en fin d'après-midi, à l'exemple de Tindouf et Ghardaïa. A noter que ces marches se sont déroulées dans le calme au milieu de dispositifs sécuritaires déployés à différents points sensibles des villes afin d'éviter tout éventuel dérapage.