Ce devait être l'année du divorce entre Londres et Bruxelles. Mais 2019 fut celle de batailles acharnées au Parlement britannique, de la démission de Theresa May et de l'avènement de Boris Johnson. Retour en cinq dates clefs sur cette année de rebondissements outre-Manche où le Brexit a, par trois fois, échoué. Ce devait être l'année du Brexit. Trois ans après avoir été votée par une majorité de Britanniques, la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne (UE) devait avoir lieu le 29 mars 2019. Mais rien, ou presque, ne s'est passé comme prévu. Les longues négociations entre Londres et Bruxelles, qui ont abouti à un accord de divorce fin 2018, ont laissé place, en 2019, à un interminable feuilleton politique outre-Manche, dont l'action principale se jouait dans un Parlement britannique en surchauffe. La guérilla entre les branches exécutive et législative du pouvoir a rythmé cette année mouvementée. Alors que les 10 voix du DUP, le parti unioniste irlandais, étaient essentielles pour valider le texte, certaines négociations ont tourné au casse-tête, en particulier sur la frontière entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande. Comment en faire une nouvelle frontière de l'UE alors que l'accord de 1998, signé après huit décennies de conflit meurtrier sur l'île, recommande de ne pas la matérialiser ? L'agenda du Brexit s'en est trouvé bouleversé. Prévu initialement le 29 mars, puis le 12 avril ou le 22 mai, et enfin le 31 octobre, le retrait du Royaume-Uni de l'UE n'a cessé d'être reporté. Contre toute attente, ce ne sont donc aucune de ces dates que l'histoire retiendra. Retour sur cette folle année outre-Manche.
15 janvier : premier rejet de l'accord de May L'année commence très mal pour Theresa May. L'accord qu'elle a âprement négocié avec Bruxelles est massivement rejeté par la Chambre des communes , avec 230 voix d'écart. C'est la plus lourde défaite essuyée par un gouvernement britannique en cent ans. Parmi les sujets qui fâchent les députés, la facture du divorce, la clause de " backstop ", qui doit garantir la fluidité des échanges à la frontière irlandaise, et un Brexit jugé trop " doux " par les " hard Brexiters ". Tandis que la Première ministre s'évertue à convaincre que son accord est la seule alternative à un " no deal " - un Brexit sans accord redouté par tous -, le Parlement tente de reprendre la main. Les élus soumettent notamment au vote huit scénarios de sortie, tous rejetés. La confusion domine. Le Brexit, d'abord reporté au 12 avril ou au 22 mai en fonction des votes des députés, est finalement renvoyé au 31 octobre par les Vingt-Sept. Et le Royaume-Uni tenu de participer aux élections européennes de mai.
24 mai : les larmes de Theresa May L'image a fait le tour du monde. Devant le 10 Downing Street, tout de rouge vêtue sous un soleil éclatant, la Première ministre annonce sa démission , effective deux semaines plus tard. Sa voix se brise alors qu'elle termine son allocution, proclamant son " grand honneur et son immense gratitude d'avoir pu servir le pays qu'elle aime ". Incapable de réprimer ses larmes, elle s'éclipse aussitôt. Ses concessions, au cours des semaines précédentes, pour arracher le feu vert du Parlement à son accord n'ont convaincu personne. En ouvrant la voie à un vote sur un second référendum et sur le maintien d'une union douanière avec l'UE, Theresa May a non seulement laissé de marbre les travaillistes , mais elle s'est mis à dos les tories " hard Brexiters " et le DUP. Les militants du Parti conservateur choisissent, pour lui succéder, son exact opposé : son ancien ministre des Affaires étrangères Boris Johnson. Moins appliqué qu'elle sur ses dossiers, plus instinctif, mais aussi plus charismatique et plus ambitieux, l'ex-maire de Londres affiche sa combativité dès son arrivée au pouvoir le 24 juillet. " Nous sortirons de l'UE au 31 octobre, point à la ligne ",martèle-t-il. La probabilité d'un " no deal " atteint un nouveau sommet.
9 septembre : le Parlement suspendu Coup de théâtre à la fin de l'été. Le nouveau Premier ministre annonce la suspension des travaux du Parlement jusqu'au 14 octobre . Une manoeuvre osée destinée à lui laisser les mains libres pour négocier un nouvel accord avec Bruxelles sans la pression des parlementaires. L'opposition travailliste a beau crier au " coup d'Etat ", la Chambre des communes est effectivement suspendue le 9 septembre. Les députés ont tout juste le temps de voter une loi destinée à exclure un " no deal " , ce qui vaut à 21 tories d'être exclus de leur parti. Le dernier jour des travaux de la Chambre est aussi marqué par l'annonce du départ du speaker John Bercow . Lui aussi a marqué l'année par ses tonitruants " Order ! " pour apaiser les débats enflammés de la Chambre. Mais, accusé d'avoir montré un biais anti-Brexit, il est poussé vers la sortie. La suspension du Parlement ne durera finalement que deux semaines, jusqu'à ce que la Cour suprême britannique la déclare illégale . Un camouflet pour Boris Johnson.
17 octobre : un nouvel accord de divorce " Nous avons un formidable nouvel accord ", annonce triomphalement Boris Johnson, à quelques jours de la date du Brexit. Les négociateurs européens et britanniques ont en effet trouvé un compromis, notamment sur la frontière irlandaise. Dans cette nouvelle mouture, l'Irlande du Nord continue d'appliquer les règles et tarifs douaniers de l'UE, rendant nécessaire des contrôles douaniers entre la province et le reste du Royaume-Uni. L'Assemblée d'Irlande du Nord a, par ailleurs, son mot à dire sur l'avenir de ce dispositif, mais seulement au bout de plusieurs années. Le DUP s'oppose aussitôt au nouvel accord, suivi des conservateurs " hard Brexiters ". Soumis au Parlement, le texte obtient un accord de principe, mais son examen accéléré. Impossible, dans ces conditions, d'espérer un Brexit au 31 octobre. La saga se poursuivra trois mois de plus . Convaincu qu'il faut renouveler le Parlement pour sortir de l'impasse, Boris Johnson appelle à des élections législatives anticipées, que l'opposition accepte .
12 décembre : large victoire des conservateurs aux législatives La fin d'année sourit à Boris Johnson : son parti remporte 365 des 650 sièges de la Chambre des communes , soit la majorité parlementaire qui faisait tant défaut à Theresa May. Le Premier ministre a gagné son pari. Il est libre de mener à bien sa promesse de campagne : " Get Brexit done ". Le processus parlementaire peut, en effet, repartir. Une semaine après les élections, Boris Johnson obtient ce que Theresa May a échoué à négocier pendant la première moitié de l'année : le feu vert de la Chambre des communes à son accord de retrait de l'UE. L'issue ne laisse désormais guère de place au doute : le Brexit devrait bien avoir lieu le 31 janvier prochain. Place, désormais, à d'autres interrogations pour 2020 : l'avenir du Labour, qui doit changer de dirigeant après sa lourde défaite aux législatives, celui de l'Ecosse, qui a voté massivement en faveur des indépendantistes. Celui de la relation entre Londres et Bruxelles, surtout. Si 2019 a enfin permis de s'entendre sur les termes du divorce, il reste à définir leur future relation commerciale. Le Brexit peut enfin commencer.