Pays consommateurs et compagnies pétrolières internationales ont admis leur perte d'influence hier lors d'une conférence à Rome, les premiers impuissants face à la flambée des cours de l'or noir, les seconds confrontés au nationalisme pétrolier des pays producteurs. "Dans les années 1970, les compagnies pétrolières internationales contrôlaient près de 75% des réserves pétrolières mondiales et 80% de la production", a constaté le P-DG du groupe italien Eni, Paolo Scaroni, à l'ouverture du Forum international de l'Energie. "Aujourd'hui, elles contrôlent seulement 6% des réserves pétrolières (...) et 24% de la production", le reste étant "aux mains des compagnies nationales", a-t-il ajouté, devant des représentants des pays producteurs ou consommateurs d'énergie, et de multinationales du secteur, estimant que les compagnies pétrolières internationales doivent "profondément repenser leur métier" pour "survivre" dans le nouveau paysage pétrolier mondial, a estimé dimanche le P-DG du groupe pétrolier italien Eni, Paolo Scaroni, lors d'une rencontre sur l'énergie à Rome. Un avis partagé par le P-DG de la compagnie anglo-néerlandaise Royal Dutch Shell, Jeroen van der Veer, qui a affirmé que les compagnies pétrolières devaient inventer un "nouveau modèle", basé sur "la technologie" et "la capacité de gérer des projets de grande taille". Le patron du groupe énergétique italien Enel, Fulvio Conti, a suggéré que le marché donne un "signal clair" de "prix stable de long terme" aux investisseurs, pour pouvoir développer ces gisements difficiles et "réduire la volatilité des prix" du brut. Un message qui va dans le sens des prix du pétrole durablement élevés. Le patron de Total, Christophe de Margerie, présent à Rome a estimé récemment qu'il fallait un baril entre 70 et 80 dollars "minimum" pour couvrir les coûts élevés des nouveaux projets. Les pays consommateurs doivent également "donner assez de visibilité sur l'évolution de la demande d'ici 15 ans", a estimé le ministre italien de l'Industrie, Pier Luigi Bersani. Mais M. Bersani n'a pas voulu dire si l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) devait augmenter sa production pour calmer les prix, se contentant d'appeler à une plus ample "coopération" entre producteurs et consommateurs. Même si le numéro deux de l'Agence internationale de l'énergie, William Ramsey, a lui affirmé qu'il n'était "pas raisonnable" de la part de l'Opep de demander de "sécuriser la demande à un horizon de 30 ans". Pour sa part, le ministre koweïtien du Pétrole par intérim, Mohammad al-Olaim, a estimé que le rapport entre l'offre et la demande n'affecte pas les prix du brut. "S'il y a besoin d'augmenter" la production de pétrole, les ministres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), dont le Koweït est membre, "prendront une décision", a-t-il toutefois ajouté. Son homologue qatari, Abdallah al-Attiyah, s'est, lui, dit "confiant dans le fait qu'il n'y a pas de déficit d'approvisionnement sur le marché". Il a également indiqué que les ministres des pays membres de l'Opep présents à Rome ne devraient pas se réunir en marge de la conférence, malgré la flambée des cours, réitérant les propos tenus par le secrétaire général de l'Opep, Abdallah el-Badri, la veille, à son arrivée à Rome. Par ailleurs, M. al-Attiyah a nié le rôle des prix élevés du pétrole dans la crise alimentaire qui a provoqué ces derniers jours des émeutes dans plusieurs pays: "ce n'est pas notre responsabilité", a-t-il affirmé. "Il ne faut pas mettre en cause le pétrole mais les biocarburants, qui sont à l'origine d'une grande partie du problème", a-t-il jugé. Le monde doit décider "ce qui doit être la priorité: conduire ou manger", a-t-il dit. Il a fait valoir que "le monde est confronté à une pénurie de nourriture. Même les grands exportateurs de riz comme l'Inde, le Bangladesh, la Thaïlande, sont en train de réduire leurs exportations". "C'est la différence entre des prix élevés et une pénurie", a-t-il insisté, allusion à la position de l'Opep, qui affirme que le marché est suffisamment approvisionné et rejette la faute des prix élevés sur les spéculateurs et les tensions géopolitiques.