A l'instar de tous les pays du monde, l'Algérie fait face à l'escalade des prix des produits alimentaires. Cet aspect renvoie à la principale faiblesse du secteur agroalimentaire algérien mise en évidence par nombre d'études. La plupart des producteurs nationaux se sont concentrés sur la transformation de produits de base importés, tels que le sucre roux, l'huile brute ou les concentrés de fruits et de tomate, au lieu de s'appuyer sur le potentiel agricole du pays. En effet, l'Algérie présente un potentiel non négligeable pour la production de fruits, en particulier les agrumes, les tomates et les olives, ainsi que certains légumes comme les artichauts. Cette faiblesse pourrait, selon les mêmes experts, saper la compétitivité du secteur à moyen terme, avec l'avènement du libre-échange qui devrait naturellement réduire l'avantage compétitif de l'industrie nationale, et l'impact du secteur informel prêt à inonder le marché de produits illégalement commercialisés à vil prix."La raison principale du manque de développement d'industries transformant des produits locaux est à chercher du côté du secteur agricole, qui a été négligé dans les plans de développement de l'Etat pendant trop longtemps, pendant que les terres agricoles étaient bien souvent détournées par des spéculateurs. En conséquence, les cultures industrielles sont peu développées et les industries agroalimentaires sont contraintes de recourir à l'importation", explique l'une de ces études réalisées par Tiers Consult. Néanmoins, grâce à ce potentiel agricole, à ses capacités de financement, à son coût du travail peu élevé et à la proximité de débouchées intéressantes, l'Algérie a les moyens de devenir un producteur important de produits agroalimentaires. Cependant, il lui faudra pour y parvenir plus que des initiatives privées isolées. Le pays a, aujourd'hui, besoin de volonté politique, de planification bien pensée et d'une véritable politique d'incitation pour relancer son secteur agricole jadis florissant et de développer les nécessaires synergies avec le secteur agroalimentaire. Plus du tiers de la valeur ajoutée des secteurs hors hydrocarbures algériens était généré par l'agroalimentaire, l'étude publiée sur ce segment de l'industrie constitue une lecture fort intéressante. Tout en relevant certains points positifs, ce rapport souligne le manque de stratégie de développement du secteur. L'étude insiste à juste titre sur l'importance de l'agroalimentaire dans l'économie algérienne, et analyse le développement des segments les plus importants par rapport aux besoins du pays. L'agroalimentaire contribue à hauteur de plus de 40 % à la valeur ajoutée hors hydrocarbures produite par l'économie algérienne. Le secteur ne fournit pas moins de 1,8 million d'emplois, sans compter le secteur informel, très dynamique, ni les emplois saisonniers. Il a connu une croissance rapide ces dernières années, avec une forte augmentation des capacités de production dans plusieurs segments importants, avec la création de milliers d'entreprises. Les données sur l'investissement (Andi) et les banques nationales ont traité plus de 10.000 dossiers d'investissement dans l'agroalimentaire. Si ces dossiers n'ont pas tous été menés à bien, le chiffre en lui-même donne néanmoins une indication sur l'intérêt des investisseurs privés pour le marché. Alors que le secteur, de même que l'essentiel de l'économie nationale, était presque entièrement public jusqu'en 1990, la privatisation des entreprises publiques et les créations d'entreprises ont fait du privé une force dominante de l'industrie agroalimentaire algérienne, qui compte aujourd'hui plus de 8 000 entreprises, parmi lesquelles 95% sont pour la plupart des entreprises familiales. Cependant, certaines d'entre elles sont devenues des grandes entreprises capables d'être compétitives sur le marché international. L'un des meilleurs exemples est probablement celui du groupe Cevital. Créé en 1997 par Issad Rabrab, Cevital avait pour but initial de produire suffisamment de sucre raffiné et d'huile pour satisfaire les besoins du marché algérien, qui importait alors de grandes quantités de ces produits. L'entreprise a ainsi investi dans des outils de production dernier cri, dont une raffinerie de sucre d'une capacité de 600.000 tonnes/an et une usine de production d'huile d'une capacité de 570.000 tonnes/an. Cette activité s'est avérée hautement rentable, car les droits de douane et les coûts de transport élevés donnaient à Cevital un avantage compétitif décisif sur les produits importés. Ces réalisations ont permis à l'Algérie de diminuer considérablement ses importations de sucre, d'huile de margarine, renforçant ainsi la balance commerciale du pays, et Cevital a même investi dans l'export de son excédent de production. Le gouvernement s'emploie depuis des années à atteindre la sécurité alimentaire pour tous les Algériens, autrement dit à garantir que les populations aient un accès régulier à une nourriture de qualité leur permettant de mener une vie saine et active ; de fait, il convient de remettre en valeur tout le potentiel agricole du pays en pensant à l'élimination des obstacles qui entravent la production. Face à la montée en puissance des prix des produits alimentaires sur le marché international, il est désormais urgent pour les secteurs publics et privés de travailler ensemble pour instaurer des conditions d'investissement durable qui restitueront la primauté de cette richesse en tant que centre crucial de production agricole. Le moyen le plus efficace de générer l'offre face à l'augmentation de la demande nationale serait de faciliter les investissements pour la filière agricole tant le pays dépend largement des importations. Aujourd'hui, le pays fait face à une insuffisance de la production, un accroissement des importations de produits alimentaires et de facteurs de production et une incapacité du secteur agricole à contribuer à l'accumulation au profit de l'économie nationale. L'agriculture en matière d'accumulation pour les besoins du développement doit progressivement assumer sa part au même titre que les autres secteurs, pour assurer la relève des hydrocarbures. Au regard de la conjoncture internationale marquée chaque jour par la flambée des prix des produits alimentaires, un phénomène mondial causé par l'extension des cultures destinées aux biocarburants, la flambée du cours du pétrole et les spéculations, des recommandations de base s'imposent en matière de développement à moyen et long termes pour accorder la priorité nécessaire et indispensable au développement harmonieux du secteur agricole en Algérie. Un secteur qui doit donc plus que jamais être orienté en vue d'améliorer ses résultats en matière de production et de participation au développement de l'économie nationale.Dans cette perspective, une stratégie nationale doit être mise en place en Algérie pour renforcer la sécurité alimentaire du pays. "L'Algérie devrait adopter une politique efficace de développement économique notamment dans le domaine agricole pour renforcer sa sécurité alimentaire face à la flambée des prix des produits alimentaires sur le marché mondial", a souligné le président de l'Association nationale des économistes algériens (ANEA), M Hacen Bahloul. Intervenant lors du 7e colloque scientifique sur "La sécurité alimentaire et la mondialisation" organisé mercredi, M Bahloul a préconisé "l'augmentation de la productivité agricole en Algérie et la mise en valeur des terres non exploitées à travers la gestion rationnelle des eaux et l'implication du secteur privé pour se mettre à l'abri des crises alimentaires mondiales" qui pourraient devenir fréquentes dans l'avenir.