Désigné comme centre Covid-19, l'EHU "1er novembre" d'Oran a mis en place pour l'accueil et la prise en charge des cas de Coronavirus, un circuit isolant qui se veut "à toute épreuve" et "sans lacunes" en matière d'isolation, d'orientation et de prise en charge, expliquent ses concepteurs. Cinq espaces ont été aménagés dans le circuit, de façon à accueillir les malades pour ensuite les prendre en charge par catégories: à commencer par les cas suspects pour aboutir en dernier lieu à la réanimation pour les cas les plus critiques. La visite de cet endroit commence au centre de tri où les médecins questionnent les patients, remplissent des formulaires et orientent les patients vers le service retenu pour leur prise en charge. Durant cette phase, ces derniers demeurent à l'extérieur et le médecin communique avec eux à travers une petite ouverture. Une atmosphère particulière règne à l'EHU. Il y a moins d'affluence de malades et d'accompagnateurs que d'habitude. Une ambulance vient d'évacuer un malade venu de Mascara. Le visage blafard et les yeux creux, le malade, un sexagénaire, semble plus angoissé par cette ambiance lourde qui pèse sur les lieux, que par son propre état. Son accompagnateur, un jeune homme, scrute l'équipe de l'APS, portant des tenues d'isolement réservées aux médecins. "Où va-t-on l'emmener ?", questionne-t-il, le regard plein d'inquiétude. La réponse ne tardera pas à venir de l'intérieur de la salle : "Au service de cardiologie", lance le médecin. Les cas présentant des symptômes d'infection au Coronavirus et ceux qui déclarent avoir eu un contact avec une personne contaminée avérée sont orientés, pour leur part, vers l'ancienne crèche. C'est au niveau de ce bâtiment de deux étages que sont accueillis, en premier lieu, les cas suspects. A l'entrée du bâtiment, un petit nombre de personnes occupe la salle d'attente. Un couple affirme être là depuis plus de trois heures. Assis sur un banc, l'homme, un trentenaire, est secoué d'une toux sèche. Son épouse, agrippée à son bras, semble accablée par l'inquiétude. Son regard furtif exprime toute sa détresse et son désarroi. Médecins et infirmiers vont et viennent. La mine grave. Le pas rapide. Le couple attend avec impatience le résultat. Le trentenaire est un chauffeur de taxi. Souffrant de fièvre et de toux depuis la veille, il a décidé de se présenter à l'hôpital pour un dépistage. Le Pr. Tayeb, infectiologue et chef du centre, a décidé de lui faire un scanner pour vérifier si les poumons du malade ne présentent pas des lésions indiquant une infection au Covid-19. Les résultats du scanner tardent à arriver. Un médecin vient expliquer au couple que l'opération risque de prendre encore un peu de temps. Résignées, les deux personnes prennent leur mal en patience. "Nous recourons au scanner pour les cas infectés depuis un certain temps et présentant des symptômes liés à la toux ou à la respiration", explique le Pr Tayeb. Le jeune homme aurait contracté le virus avant l'entrée en vigueur de la mesure d'interdiction des transports publics prise à la mi-mars. Une raison de plus pour utiliser le scanner comme moyen de dépistage. "Nous n'avons pas les moyens de dépister toutes les personnes qui viennent à l'hôpital, soit une trentaine en moyenne par jour. Nous faisons des tests aux seules personnes présentant de forts symptômes ou de forts risques de contamination", souligne le Pr Tayeb. Les autres sont priés de rester en confinement chez elles ou confinées au niveau de la crèche qui dispose de 10 chambres. Pour le jeune chauffeur de taxi, le scanner a été fait au niveau de l'EHU. Le résultat de cet examen déterminera s'il doit rentrer chez lui, une ordonnance de traitement à la main, soit est admis, lui et sa compagne, à l'hôpital pour une durée indéterminée, a-t-on expliqué.
Ambiance particulière C'est d'ailleurs le cas d'une jeune fille et de sa mère qui viennent d'être orientées au service de pneumologie, aménagé comme espace d'accueil des malades asymptomatiques. Les deux femmes semblent bien portantes et ne présentent aucun symptôme. Elles seront pourtant confinées, avec un couple -des parents testés positifs- avec qui elles ont séjourné pendant quelques jours. C'est le Pr Salah Lellou, chef du service de pneumologie qui gère l'espace des covid19 asymptomatiques. Ils restent sur place tant qu'ils ne présentent pas de problèmes respiratoires. Le Pr. Lellou les surveille de très près. Au moindre signe de complication, les malades sont transférés un étage plus bas, au service ORL qui accueille les malades en difficulté respiratoire. "Le service ORL est tout près de celui de la réanimation, et dans les cas de complications graves, le patient sera rapidement transféré à la réanimation", explique le spécialiste. Au service pneumologie, une ambiance "moins pesante" règne dans les couloirs et les chambres. Il est difficile de réaliser la gravité de la maladie lorsqu'on se retrouve face à des personnes bien portantes, comme ce couple, qui a contracté la maladie lors d'un séjour en Espagne. Le couple a accepté de partager un moment de cette période particulière de sa vie, accueillant la journaliste de l'APS dans l'intimité de leur chambre d'hôpital. Le couple est convivial et communicatif. Le moment est presque ordinaire si ce n'est ces masques qui cachent leur bouche et viennent vous rappeler à l'ordre.
Scène surréaliste L'homme et la femme sont sous chloroquine depuis la veille. Ils ont interrompu leur vie professionnelle et familiale depuis leur retour d'Espagne il y a plus de 3 semaines. Ils se disent très conscients de la situation. Ils avaient opté pour une quarantaine bien avant la décision de confiner tout voyageur rentrant de l'étranger. L'ambiance est beaucoup plus lourde au service de réanimation. Sept malades sont intubés. Ils se trouvent dans un état grave. Pour accéder à leur chambre, le " visiteur " doit franchir cinq portes. Il doit porter une tenue et un équipement de protection particulier, encore plus isolant pour passer d'une partie du service à une autre. La scène est surréaliste. Elle semble sortir tout droit d'un film de science-fiction. Médecins et infirmiers, portant des tenues d'isolation. L'atmosphère est feutrée. Pas un bruit ne vient troubler ce silence pesant. "Le risque d'infection est multiplié par 150 dans les chambres", explique le Pr Khemliche Belarbi, le chef de service réanimation. La protection des équipes médicales est le cheval de bataille du patron de la Réanimation. Intransigeant, il estime qu'il est de son devoir d'assurer les moyens pour que ses équipes exercent leurs missions tout en étant protégés. "Pour l'instant, les moyens de protection sont disponibles", assure-t-il. Le service dispose de 14 lits de réanimation. "La capacité peut être étendue jusqu'à 35 places", a-t-il indiqué, tout en reconnaissant que la prise en charge d'un patient intubé est lourde aussi bien sur le plan humain que matériel. Le Pr. Khemliche ne peut pas se prononcer sur l'évolution de l'état sanitaire des malades. Il espère voir le nombre de cas Covid19 baisser. "Le confinement et les gestes barrières sont les seuls moyens pour y arriver", estime-t-il.