Et si la zone Euro éclatait, quelles en seraient les conséquences pour la Russie ? C'est la question que s'est posé le professeur Jacques Sapir, économiste français spécialiste des problèmes de la transition en Russie, et à laquelle il tente de répondre avec une analyse financière précise. Pour lui la question ne peut plus aujourd'hui être éludée. Le «sauvetage» de la Grèce, ou ce qui en a l'apparence, rencontre aujourd'hui difficulté sur difficulté et menace de plonger ce malheureux pays dans la guerre civile. Au-delà, les nuages s'amoncèlent, que ce soit au-dessus du Portugal ou de l'Espagne. Et si la zone Euro éclatait, quelles en seraient les conséquences pour la Russie ? C'est la question que s'est posé le professeur Jacques Sapir, économiste français spécialiste des problèmes de la transition en Russie, et à laquelle il tente de répondre avec une analyse financière précise. Pour lui la question ne peut plus aujourd'hui être éludée. Le «sauvetage» de la Grèce, ou ce qui en a l'apparence, rencontre aujourd'hui difficulté sur difficulté et menace de plonger ce malheureux pays dans la guerre civile. Au-delà, les nuages s'amoncèlent, que ce soit au-dessus du Portugal ou de l'Espagne. Dans ces deux pays, l'explosion du chômage va de pair avec une dérive des finances publiques qui est causée par l'effondrement des recettes bien plus que par la poussée des dépenses. La Russie a d'ailleurs, en son temps, connu cet enchaînement fatal où, pour réduire le déficit du budget, l'Etat ne payait pas ce qu'il devait provoquant ainsi des impayés publics, qui donnait alors naissance à des chaînes d'impayés privés, et qui conduisait à la fin des fins, à un effondrement des recettes fiscales reproduisant le déficit initial. Il est à cet égard tragique que l'expérience de la Russie ne serve pas de leçon aux penseurs des plans d'austérité appliqués en Grèce, au Portugal et en Espagne… Selon Jacques Sapir, les conséquences d'un éclatement de la zone euro pour la Russie seraient de deux ordres. Il y a tout d'abord la dimension financière. Elle inclut la question des réserves de change de la Banque centrale de Russie mais aussi d'une partie de l'épargne des ménages, conservée en euros. Ces réserves se montent actuellement à environ 40% du total des réserves en devises. Le problème alors se pose de savoir si l'éclatement sera total ou si survivrait une zone euro résiduelle, par exemple l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Autriche et la Finlande. Il explique que dans le premier scénario, il est clair que l'euro cessant d'exister, les avoirs détenus par la Banque centrale comme par les acteurs privés, banques ou entreprises, seraient convertis en bons du Trésor de chaque pays, et libellés dans la monnaie de ces derniers. Dans un certain nombre de cas (Italie, Espagne, France) on aurait des dévaluations plus ou moins importantes, et donc une perte de valeur. Par contre, dans d'autres cas (Allemagne, Pays-Bas) la conversion des titres de l'euro vers les monnaies nationales ne s'accompagnerait pas d'une dévaluation. Il n'est pas impossible qu'en fait le «nouveau» deutsch mark connaisse une réévaluation. Cet effet pourrait compenser les pertes subies en raison des dévaluations des monnaies «faibles», mais à la condition que la Banque centrale ait optimisé son portefeuille pour détenir en priorité des bons du Trésor allemands ou néerlandais. Pour ce qui est du deuxième scénario, la question de la transformation des titres issus des pays sortis de la zone euro se poserait tandis que pour les titres des pays conservant l'euro, elle ne se poserait pas. Ceci pourrait créer des difficultés juridiques importantes entre la Russie et les pays sortis de l'euro, dont on comprend bien qu'ils seraient réticents à honorer leurs bons du Trésor à leurs valeurs en euro. Ici encore, l'ampleur du problème serait à proportion des titres des pays de la zone euro «maintenue» face aux titres des autres pays. On voit donc se dessiner un double conseil pour la Banque centrale de Russie : limiter la part de ses réserves en euro au profit non pas tant du dollar américain mais des monnaies de certains pays émergents (dollar australien, canadien et singapourien) et, dans le même temps, augmenter la part des pays qui comme l'Allemagne et les Pays-Bas semblent aujourd'hui présenter le moindre risque. À cette dimension financière, il faut rajouter le cas des dettes souscrites en euro par les entreprises et les banques russes. Il faut savoir que ceci ne constitue qu'une part relativement faible de l'endettement «privé» de la Russie. Mais, une dette libellée en euros se transformera directement en dette du pays où réside le créancier (ou bien où a été établi légalement l'acte de dette) en cas de disparition de l'euro. Ceci peut avantager les entreprises endettées en euros dans des pays où l'on peut supposer que la monnaie sera faible, et les désavantager dans le cas d'un endettement face à un créancier allemand ou néerlandais. En fait, ce sont les détenteurs individuels d'euros en Russie (les ménages) qui sont les plus exposés au risque d'un éclatement dans la mesure où ils détiennent des billets. La prise de conscience du risque d'un éclatement devrait accélérer le mouvement de transfert de l'épargne en devises vers le rouble. Mais il y a un second ordre de conséquences, qui concerne l'économie «réelle». Tout d'abord, on voit bien aujourd'hui que la défense à tout prix de l'euro engage l'Europe dans une spirale déflationniste inquiétante, qui menace de déboucher sur une dépression de longue durée. Ceci concerne non seulement les pays dits «périphériques» (Grèce, Portugal, Irlande) mais des pays du noyau directeur de la zone euro (Espagne, Italie et – dans une moindre mesure – France et Belgique). La contraction de la demande européenne a déjà des conséquences importantes sur les exportateurs russes. En cas d'explosion de la zone euro, et quel qu'en soit le scénario, la Russie sera confrontée à des dévaluations plus ou moins importantes de la part de nombreux pays. Certains sont des exportateurs vers la Russie (Italie, Espagne et France). Il serait important d'éviter que les gains de compétitivité, acquis par ces dévaluations, ne se transforment en une poussée massive d'importations. Plus généralement, la Russie ne peut continuer à se reposer principalement sur l'Europe pour ses exportations, comme elle doit aussi trouver, sur son propre marché intérieur, les ressorts d'une forte croissance. Ceci passe par une politique de développement des infrastructures de transport afin de mieux pouvoir desservir les marchés asiatiques. Le développement du marché intérieur implique une meilleure répartition des revenus en Russie mais aussi une politique d'investissements industriels combinant le secteur privé au secteur public. À cet égard, et compte tenu des inévitables turbulences monétaires que l'on connaîtra en 2012 et 2013 à la suite de la crise de la zone euro, la Russie doit maîtriser son taux de change par l'introduction de contrôles de capitaux afin d'éviter une réévaluation trop brutale. Il est particulièrement important d'éviter une entrée massive de capitaux spéculatifs, comme ceci s'est déjà produit à l'hiver 2007-2008. À cette époque le ministre des Finances était M. Koudrine, et il s'était très malencontreusement vanté que la Russie soit devenue un «havre de stabilité». Le pays a payé assez cher cette illusion et la hausse du rouble à laquelle on a assisté dans cette période. La crise de l'euro aura certainement un impact sur la Russie. Elle peut cependant tirer son épingle du jeu si elle se recentre sur son marché intérieur et développe une véritable politique de la demande et de l'investissement. Dans ces deux pays, l'explosion du chômage va de pair avec une dérive des finances publiques qui est causée par l'effondrement des recettes bien plus que par la poussée des dépenses. La Russie a d'ailleurs, en son temps, connu cet enchaînement fatal où, pour réduire le déficit du budget, l'Etat ne payait pas ce qu'il devait provoquant ainsi des impayés publics, qui donnait alors naissance à des chaînes d'impayés privés, et qui conduisait à la fin des fins, à un effondrement des recettes fiscales reproduisant le déficit initial. Il est à cet égard tragique que l'expérience de la Russie ne serve pas de leçon aux penseurs des plans d'austérité appliqués en Grèce, au Portugal et en Espagne… Selon Jacques Sapir, les conséquences d'un éclatement de la zone euro pour la Russie seraient de deux ordres. Il y a tout d'abord la dimension financière. Elle inclut la question des réserves de change de la Banque centrale de Russie mais aussi d'une partie de l'épargne des ménages, conservée en euros. Ces réserves se montent actuellement à environ 40% du total des réserves en devises. Le problème alors se pose de savoir si l'éclatement sera total ou si survivrait une zone euro résiduelle, par exemple l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Autriche et la Finlande. Il explique que dans le premier scénario, il est clair que l'euro cessant d'exister, les avoirs détenus par la Banque centrale comme par les acteurs privés, banques ou entreprises, seraient convertis en bons du Trésor de chaque pays, et libellés dans la monnaie de ces derniers. Dans un certain nombre de cas (Italie, Espagne, France) on aurait des dévaluations plus ou moins importantes, et donc une perte de valeur. Par contre, dans d'autres cas (Allemagne, Pays-Bas) la conversion des titres de l'euro vers les monnaies nationales ne s'accompagnerait pas d'une dévaluation. Il n'est pas impossible qu'en fait le «nouveau» deutsch mark connaisse une réévaluation. Cet effet pourrait compenser les pertes subies en raison des dévaluations des monnaies «faibles», mais à la condition que la Banque centrale ait optimisé son portefeuille pour détenir en priorité des bons du Trésor allemands ou néerlandais. Pour ce qui est du deuxième scénario, la question de la transformation des titres issus des pays sortis de la zone euro se poserait tandis que pour les titres des pays conservant l'euro, elle ne se poserait pas. Ceci pourrait créer des difficultés juridiques importantes entre la Russie et les pays sortis de l'euro, dont on comprend bien qu'ils seraient réticents à honorer leurs bons du Trésor à leurs valeurs en euro. Ici encore, l'ampleur du problème serait à proportion des titres des pays de la zone euro «maintenue» face aux titres des autres pays. On voit donc se dessiner un double conseil pour la Banque centrale de Russie : limiter la part de ses réserves en euro au profit non pas tant du dollar américain mais des monnaies de certains pays émergents (dollar australien, canadien et singapourien) et, dans le même temps, augmenter la part des pays qui comme l'Allemagne et les Pays-Bas semblent aujourd'hui présenter le moindre risque. À cette dimension financière, il faut rajouter le cas des dettes souscrites en euro par les entreprises et les banques russes. Il faut savoir que ceci ne constitue qu'une part relativement faible de l'endettement «privé» de la Russie. Mais, une dette libellée en euros se transformera directement en dette du pays où réside le créancier (ou bien où a été établi légalement l'acte de dette) en cas de disparition de l'euro. Ceci peut avantager les entreprises endettées en euros dans des pays où l'on peut supposer que la monnaie sera faible, et les désavantager dans le cas d'un endettement face à un créancier allemand ou néerlandais. En fait, ce sont les détenteurs individuels d'euros en Russie (les ménages) qui sont les plus exposés au risque d'un éclatement dans la mesure où ils détiennent des billets. La prise de conscience du risque d'un éclatement devrait accélérer le mouvement de transfert de l'épargne en devises vers le rouble. Mais il y a un second ordre de conséquences, qui concerne l'économie «réelle». Tout d'abord, on voit bien aujourd'hui que la défense à tout prix de l'euro engage l'Europe dans une spirale déflationniste inquiétante, qui menace de déboucher sur une dépression de longue durée. Ceci concerne non seulement les pays dits «périphériques» (Grèce, Portugal, Irlande) mais des pays du noyau directeur de la zone euro (Espagne, Italie et – dans une moindre mesure – France et Belgique). La contraction de la demande européenne a déjà des conséquences importantes sur les exportateurs russes. En cas d'explosion de la zone euro, et quel qu'en soit le scénario, la Russie sera confrontée à des dévaluations plus ou moins importantes de la part de nombreux pays. Certains sont des exportateurs vers la Russie (Italie, Espagne et France). Il serait important d'éviter que les gains de compétitivité, acquis par ces dévaluations, ne se transforment en une poussée massive d'importations. Plus généralement, la Russie ne peut continuer à se reposer principalement sur l'Europe pour ses exportations, comme elle doit aussi trouver, sur son propre marché intérieur, les ressorts d'une forte croissance. Ceci passe par une politique de développement des infrastructures de transport afin de mieux pouvoir desservir les marchés asiatiques. Le développement du marché intérieur implique une meilleure répartition des revenus en Russie mais aussi une politique d'investissements industriels combinant le secteur privé au secteur public. À cet égard, et compte tenu des inévitables turbulences monétaires que l'on connaîtra en 2012 et 2013 à la suite de la crise de la zone euro, la Russie doit maîtriser son taux de change par l'introduction de contrôles de capitaux afin d'éviter une réévaluation trop brutale. Il est particulièrement important d'éviter une entrée massive de capitaux spéculatifs, comme ceci s'est déjà produit à l'hiver 2007-2008. À cette époque le ministre des Finances était M. Koudrine, et il s'était très malencontreusement vanté que la Russie soit devenue un «havre de stabilité». Le pays a payé assez cher cette illusion et la hausse du rouble à laquelle on a assisté dans cette période. La crise de l'euro aura certainement un impact sur la Russie. Elle peut cependant tirer son épingle du jeu si elle se recentre sur son marché intérieur et développe une véritable politique de la demande et de l'investissement.