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«Si l'Europe n'arrive pas à une solution crédible, l'impact sur l'Algérie se fera sentir rapidement» L'économiste El Hachemi Aliouche à propos de la crise de la dette dans la zone euro :
Entretien réalisé par Bahia Aliouche La Tribune: Quelle lecture faites-vous de la crise de la dette dans la zone euro ? EL HACHEMI ALIOUCHE : La crise de la dette dans la zone euro s'intensifie et devient franchement dangereuse pour l'économie européenne ainsi que pour le reste du monde. Le scénario catastrophe se rapproche, car après la Grèce, l'Irlande, le Portugal, et potentiellement l'Espagne, l'Italie se retrouve au bord du défaut de paiement de sa dette publique et d'une crise politique et économique aiguë qui risque de faire imploser la zone euro. L'Italie est un pays économiquement beaucoup plus important que la Grèce, l'Irlande et le Portugal. Son économie est la 4e plus grande de la zone euro (après l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne). Son PIB est presque 7 fois celui de la Grèce. Elle a aussi une énorme dette publique de 2 600 milliards de dollars (la 4e dette la plus lourde au monde), ce qui représente 119% de son PIB. Les marchés financiers ont finalement perdu confiance cette semaine dans la capacité de l'Italie (et, par extension, de l'Europe) à résoudre ses problèmes politiques et économiques. Cela s'est clairement manifesté par l'augmentation drastique des taux d'intérêt des obligations («bonds» en Anglais) du gouvernement italien qui ont atteint un sommet de 7,2% le 9 novembre 2011, dépassant le seuil critique de 7,0% qui rend le remboursement de la dette insoutenable financièrement, et qui est un signe fort que le défaut de paiement est une possibilité réelle. Ce jour-là, les marchés financiers mondiaux ont chuté brutalement, entraînant, par exemple, une perte de 389 points pour le Dow Jones (presque 3,2% de sa valeur). Cette crise pourrait-elle toucher d'autres régions dans le monde ? De par l'importance de la zone euro dans l'économie mondiale, cette crise touchera inévitablement d'autres régions dans le monde. Comme on l'a constaté le 9 novembre 2011, tous les indices financiers internationaux importants (Dow Jones, FTSE 100, CAC 40, Dax, Nikkei, Hang Seng, etc.) ont chuté brutalement. Cette crise risque de ralentir encore davantage l'économie mondiale. Selon un rapport de la Banque mondiale, les pays en développement et les régions qui ont des liens commerciaux et financiers étroits avec les pays européens à revenus élevés surendettés pourraient subir de graves répercussions. Selon vous, quel serait l'impact de cette crise sur les économies des pays en développement et sur l'économie algérienne en particulier ? La crise actuelle de la dette peut entraîner un ralentissement brutal de la croissance économique en zone euro (possiblement même une récession aiguë), la chute de la valeur de l'euro ainsi que l'instabilité économique, politique et sociale en Europe. Due à l'importance économique de l'Europe, cela entraînera des conséquences néfastes pour nombre de pays, surtout ceux qui ont des liens étroits avec l'Europe, comme l'Algérie. Un ralentissement (ou une récession) de l'économie dans la zone euro se traduira par une réduction des importations européennes (et donc des exportations des pays fournisseurs). Cela réduira la croissance économique des pays qui dépendent des exportations vers l'Europe. Quoique ne dépendant pas exclusivement de l'Europe pour ses exportations, l'Algérie sera aussi touchée. Par exemple, la demande européenne pour les hydrocarbures algériennes se retrouvera réduite, entraînant une pression vers le bas sur les prix des hydrocarbures, surtout si la crise en Europe entraîne un ralentissement de l'économie mondiale. L'instabilité en Europe exacerbera les problèmes sociaux en Europe et la situation des émigrés se retrouvera encore plus fragilisée socialement et économiquement. Les répercussions ne seront pas toutes négatives. Par exemple, une chute de la valeur de l'euro réduira le coût des importations algériennes en produits et services européens. L'impact de la crise de la dette dans la zone euro sur l'économie algérienne serait-il ressenti à cours ou à moyen terme ? Cela dépend de la manière avec laquelle la crise est gérée en Europe. Si l'Italie et l'Europe n'arrivent pas à une solution crédible de sortie de crise, l'impact se fera sentir rapidement. Selon vous, la méthode prônée par les dirigeants de l'Europe est-elle fiable pour atténuer les risques qui pèsent sur la stabilité de l'euro et la pérennité de l'Union européenne ? Jusqu'à maintenant, les dirigeants européens (surtout France et Allemagne) ont essayé d'éviter un défaut de paiement de la part de la Grèce (le pays de la zone euro le plus sévèrement touché par la crise de la dette) en lui prêtant encore plus d'argent, en essayant de réduire sa dette publique et en l'obligeant à effectuer des réductions drastiques de ses dépenses budgétaires. Mon opinion est que ces mesures ne résoudront pas durablement les problèmes structurels de l'économie grecque et des autres pays surendettés de l'Union européenne, et donc, elles ne garantiront pas la stabilité de l'euro et la pérennité de l'Union européenne dans sa composition actuelle. Il semble inévitable que certains pays (la Grèce notamment, et peut-être d'autres aussi) doivent quitter la zone euro s'ils veulent résoudre leurs problèmes durablement et conserver une Union européenne plus restreinte. L'adoption de l'euro en tant que monnaie commune favorise les pays à forte productivité tels que l'Allemagne qui peuvent exporter une grande partie de leur production nationale sans risque d'appréciation de leur monnaie nationale qui réduira leur compétitivité internationale. Par contre, les pays à productivité faible (tels que la Grèce) ont perdu un atout majeur en adoptant l'euro: c'est la possibilité de dévaluer leur monnaie nationale et donc rendre leurs produits et services plus compétitifs à l'exportation. Les mesures prônées par les dirigeants européens ne résoudront pas durablement les problèmes structurels des pays surendettés. La Grèce, par exemple, a besoin d'une solution plus radicale. Le gouvernement grec doit admettre qu'il n'est pas solvable, doit arrêter de payer ses dettes et doit sortir de la zone euro et retourner à la drachme, la monnaie nationale grecque avant l'euro. Cela forcera les Grecs à des changements douloureux à court terme, mais leur donnera une chance à moyen terme de sortir de la crise. Au lieu de continuer à payer leurs dettes sans fin et à affamer sa population et son économie, la Grèce pourra commencer à reconstruire son économie en comptant sur ses propres ressources. Elle sera forcée à réapprendre la discipline fiscale et à vivre avec ses moyens propres parce que l'une des conséquences du défaut de paiement est qu'elle n'aura plus accès aux marchés financiers internationaux. Avec la drachme comme monnaie nationale indépendante, la Grèce pourra adopter un taux de change bas, ce qui rendra ses produits et services (dont le tourisme) beaucoup plus compétitifs internationalement et boostera son économie. D'autres pays (l'Argentine, la Russie, etc.) sont déjà passés par là et leurs économies se portent beaucoup mieux maintenant.