Rencontrée lors de la journée scientifique dédiée au cancer du sein le 4 octobre (Octobre rose 2012) à Alger, le Docteur Zineb Lounici Baba-Ahmed a bien voulu répondre à nos questions y afférentes au dipistage précoce du cancer du sein en Algerie. Les reponses apportées par la sénologue sont claires : le système de mise en place dans notre pays ne doit pas être le même qu'ailleurs pour les raisons qu'elle evoque justement. Par ailleurs, la spécialiste parle d'un autre paramètre très important qui est la lecture d'une mammographie. A ce propos, elle explique que le médecin radiologue doit être spécialisé dans le domaine de la sénologie afin de détecter le cancer et de ne pas faire un «faux positif» à la lecture d'une mammographie. Pour cela, le radiologue doit lire au moins 500 mammographies par an. Pour être 1er lecteur et 2e lecteur, il faut lire 25.000 mammographies par an pour ne pas faire de «faux positif» Entretien realisé Rencontrée lors de la journée scientifique dédiée au cancer du sein le 4 octobre (Octobre rose 2012) à Alger, le Docteur Zineb Lounici Baba-Ahmed a bien voulu répondre à nos questions y afférentes au dipistage précoce du cancer du sein en Algerie. Les reponses apportées par la sénologue sont claires : le système de mise en place dans notre pays ne doit pas être le même qu'ailleurs pour les raisons qu'elle evoque justement. Par ailleurs, la spécialiste parle d'un autre paramètre très important qui est la lecture d'une mammographie. A ce propos, elle explique que le médecin radiologue doit être spécialisé dans le domaine de la sénologie afin de détecter le cancer et de ne pas faire un «faux positif» à la lecture d'une mammographie. Pour cela, le radiologue doit lire au moins 500 mammographies par an. Pour être 1er lecteur et 2e lecteur, il faut lire 25.000 mammographies par an pour ne pas faire de «faux positif» Entretien realisé Midi Libre : Selon vous, comment doit se faire l'organisation du dépistage du sein en Algérie ? Docteur Zineb Lounici Baba-Ahmed : Il n'y a pas de bon dépistage organisé sans qu'il n'y ait en amont tout un travail pour connaître les modalités de ce dépistage. Autrement dit, un dépistage organisé en France, en Algérie, en Belgique ou en Irlande n'est pas le même, et si on doit mettre un système de dépistage dans notre pays, il ne sera pas le même que celui pratiqué ailleurs. En Algérie, justement, il y a des particularités du cancer du sein du point de vue essentiellement épidémiologique qui sont différentes des particularités du cancer du sein de la femme occidentale, donc on doit absolument en tenir compte sinon on échoue. Quelles sont ces particularités qui font que le cancer du sein de la femme algérienne soit différent de celui de la femme occidentale ? Chez nous, le cancer du sein survient chez la femme jeune. En Occident, le risque de cette pathologie augmente avec l'âge, notamment à partir de 50 ans. Deux tiers, voire plus des cancers qu'on découvre en France sont dépistésaprès la ménopause. En Algérie, ce n'est pas du tout le cas, car 2/3 sont dépistés alors que la femme est encore en période d'activité génitale, c'est-à-dire entre 35 et 45 ans. La deuxième spécificité est que ce cancer est plus agressif, plus difficile à soigner d'où l'intérêt d'un diagnostic encore plus précoce. Enfin, l'autre particularité est que la mammographie chez la jeune femme cancéreuse est plus difficile à regarder parce qu'il y a ce qu'on appelle la densité mammaire qui gêne la lecture de cette mammographie, donc le radiologue doit être encore mieux formé pour ce diagnostic et il faut qu'il ait un œil encore plus averti, parce que lire la mammographie d'une femme qui a une grosse poitrine et beaucoup plus difficile qu'une autre, donc on voit bien qu'il y a différents paramètres dont il faut tenir compte pour mettre en place un dépistage organisé en Algérie. Cela dit, le dépistage du cancer du sein doit être «sur mesure» et adapté à la situation et non pas copié ou calqué sur un autre qui existe ailleurs. Quel est le profil du radiologue pour lire convenablement une mammographie ? Les radiologues et sénologues qui font la lecture de la mammographie sont d'abord des radiologues qui ont un cursus de radiologie générale bien évidemment, c'est-à-dire cinq années de spécialité, mais ce n'est pas suffisant car durant ces cinq années de spécialité on ne fait que 3 à 6 mois de radiologie sénologie, et là je dirais que ce n'est pas assez. Ainsi, si un radiologue veut se spécialiser en sénologie, il faut qu'il fasse l'effort de se former dans ce domaine bien précis. En France, pour lire une mammographie du dépistage organisé, il faut au moins lire 500 mammographies par an. Pour être 1er lecteur et 2e lecteur, il faut lire 25.000 par an, Donc, vous voyez bien où se situe la différence ; c'est l'entraînement et l'expérience qui font que les radiologues ne vont pas manquer des cancers et ne vont pas faire de «faux positif», c'est-à-dire voir une image et croire que c'est un cancer alors que ce n'en est pas un. Donc, c'est tout ce caractère discriminatif que le radiologue doit avoir pour lire la mammographie à grande échelle. Je travaille au CHU de Bordeaux, je suis première lectrice et deuxième lectrice du dépistage national français du cancer du sein. Là, les choses sont bien encadrées, bien organisées et j'exerce aussi à temps partiel dans le secteur privé à la clinique El-Azhar de Dély Ibrahim où j'ai une activité de sénologie pure, c'est-à-dire je fais des consultations de sénologie, d'échographie mammaire et de biopsies du sein. Selon vous, quel est l'état des lieux de cette maladie chez nous ? La situation est un peu désolante en Algérie, car les femmes qui viennent dans le secteur privé sont des femmes jeunes qui ont les moyens de se payer une mammographie. Par contre les autres, même si elles doivent se soumettre à cet examen, elles ne peuvent pas le faire chez un privé, car elles ne sont pas à l'aise financièrement, donc on rencontre de graves inégalités d'accéder aux soins dans notre pays. En outre, il y a un problème de communication et d'information. Justement, que pensez-vous de l'information relative au cancer du sein en Algérie ? La communication sur le cancer du sein en Algérie est nécessaire, mais elle se fait d'une manière trop angoissante au point où la femme redoute aller se faire dépister, donc c'est une communication qui va avoir l'effet inverse que celui souhaité. Car normalement, le but est d'informer pour que les femmes adhèrent et viennent se faire dépister, mais la communication telle qu'elle est faite en Algérie fait peur. En effet, les femmes lorsqu'elles viennent pour une mammographie elles tremblent, et lorsqu'on leur annonce que leur examen est normal, elles vous embrassent et vous interrogent à nouveau pour voir si le diagnostic est le bon. A mon avis, il faut revoir ce genre d'information car il faut la faire d'une façon plus apaisée et moins angoissante pour que les femmes adhèrent et qu'une culture de depistage se mette en place. Avez-vous un message à transmettre aux femmes ? Oui, les femmes doivent prendre soin de leur santé car en plus d'être des femmes, ce sont aussi des épouses, des mères de famille, des femmes actives.Le cancer du sein reste une maladie grave, donc elles doivent être attentives à cette problématique et au moindre doute qu'elles n'hésitent pas à consulter leur généraliste ou gynécologue qui les orientera. Pour celles qui veulent tout simplement être rassurées, je tiens à leur dire que dans 95% des cas où l'on fait une mammographie, il n'y a rien à signaler, donc ce n'est pas la peine de s'angoisser inutilement. Midi Libre : Selon vous, comment doit se faire l'organisation du dépistage du sein en Algérie ? Docteur Zineb Lounici Baba-Ahmed : Il n'y a pas de bon dépistage organisé sans qu'il n'y ait en amont tout un travail pour connaître les modalités de ce dépistage. Autrement dit, un dépistage organisé en France, en Algérie, en Belgique ou en Irlande n'est pas le même, et si on doit mettre un système de dépistage dans notre pays, il ne sera pas le même que celui pratiqué ailleurs. En Algérie, justement, il y a des particularités du cancer du sein du point de vue essentiellement épidémiologique qui sont différentes des particularités du cancer du sein de la femme occidentale, donc on doit absolument en tenir compte sinon on échoue. Quelles sont ces particularités qui font que le cancer du sein de la femme algérienne soit différent de celui de la femme occidentale ? Chez nous, le cancer du sein survient chez la femme jeune. En Occident, le risque de cette pathologie augmente avec l'âge, notamment à partir de 50 ans. Deux tiers, voire plus des cancers qu'on découvre en France sont dépistésaprès la ménopause. En Algérie, ce n'est pas du tout le cas, car 2/3 sont dépistés alors que la femme est encore en période d'activité génitale, c'est-à-dire entre 35 et 45 ans. La deuxième spécificité est que ce cancer est plus agressif, plus difficile à soigner d'où l'intérêt d'un diagnostic encore plus précoce. Enfin, l'autre particularité est que la mammographie chez la jeune femme cancéreuse est plus difficile à regarder parce qu'il y a ce qu'on appelle la densité mammaire qui gêne la lecture de cette mammographie, donc le radiologue doit être encore mieux formé pour ce diagnostic et il faut qu'il ait un œil encore plus averti, parce que lire la mammographie d'une femme qui a une grosse poitrine et beaucoup plus difficile qu'une autre, donc on voit bien qu'il y a différents paramètres dont il faut tenir compte pour mettre en place un dépistage organisé en Algérie. Cela dit, le dépistage du cancer du sein doit être «sur mesure» et adapté à la situation et non pas copié ou calqué sur un autre qui existe ailleurs. Quel est le profil du radiologue pour lire convenablement une mammographie ? Les radiologues et sénologues qui font la lecture de la mammographie sont d'abord des radiologues qui ont un cursus de radiologie générale bien évidemment, c'est-à-dire cinq années de spécialité, mais ce n'est pas suffisant car durant ces cinq années de spécialité on ne fait que 3 à 6 mois de radiologie sénologie, et là je dirais que ce n'est pas assez. Ainsi, si un radiologue veut se spécialiser en sénologie, il faut qu'il fasse l'effort de se former dans ce domaine bien précis. En France, pour lire une mammographie du dépistage organisé, il faut au moins lire 500 mammographies par an. Pour être 1er lecteur et 2e lecteur, il faut lire 25.000 par an, Donc, vous voyez bien où se situe la différence ; c'est l'entraînement et l'expérience qui font que les radiologues ne vont pas manquer des cancers et ne vont pas faire de «faux positif», c'est-à-dire voir une image et croire que c'est un cancer alors que ce n'en est pas un. Donc, c'est tout ce caractère discriminatif que le radiologue doit avoir pour lire la mammographie à grande échelle. Je travaille au CHU de Bordeaux, je suis première lectrice et deuxième lectrice du dépistage national français du cancer du sein. Là, les choses sont bien encadrées, bien organisées et j'exerce aussi à temps partiel dans le secteur privé à la clinique El-Azhar de Dély Ibrahim où j'ai une activité de sénologie pure, c'est-à-dire je fais des consultations de sénologie, d'échographie mammaire et de biopsies du sein. Selon vous, quel est l'état des lieux de cette maladie chez nous ? La situation est un peu désolante en Algérie, car les femmes qui viennent dans le secteur privé sont des femmes jeunes qui ont les moyens de se payer une mammographie. Par contre les autres, même si elles doivent se soumettre à cet examen, elles ne peuvent pas le faire chez un privé, car elles ne sont pas à l'aise financièrement, donc on rencontre de graves inégalités d'accéder aux soins dans notre pays. En outre, il y a un problème de communication et d'information. Justement, que pensez-vous de l'information relative au cancer du sein en Algérie ? La communication sur le cancer du sein en Algérie est nécessaire, mais elle se fait d'une manière trop angoissante au point où la femme redoute aller se faire dépister, donc c'est une communication qui va avoir l'effet inverse que celui souhaité. Car normalement, le but est d'informer pour que les femmes adhèrent et viennent se faire dépister, mais la communication telle qu'elle est faite en Algérie fait peur. En effet, les femmes lorsqu'elles viennent pour une mammographie elles tremblent, et lorsqu'on leur annonce que leur examen est normal, elles vous embrassent et vous interrogent à nouveau pour voir si le diagnostic est le bon. A mon avis, il faut revoir ce genre d'information car il faut la faire d'une façon plus apaisée et moins angoissante pour que les femmes adhèrent et qu'une culture de depistage se mette en place. Avez-vous un message à transmettre aux femmes ? Oui, les femmes doivent prendre soin de leur santé car en plus d'être des femmes, ce sont aussi des épouses, des mères de famille, des femmes actives.Le cancer du sein reste une maladie grave, donc elles doivent être attentives à cette problématique et au moindre doute qu'elles n'hésitent pas à consulter leur généraliste ou gynécologue qui les orientera. Pour celles qui veulent tout simplement être rassurées, je tiens à leur dire que dans 95% des cas où l'on fait une mammographie, il n'y a rien à signaler, donc ce n'est pas la peine de s'angoisser inutilement.