L'image parle d'elle-même. Un enfant inanimé, face contre terre, gisant au bord de l'eau, sous les yeux d'un policier. L'image parle d'elle-même. Un enfant inanimé, face contre terre, gisant au bord de l'eau, sous les yeux d'un policier. Le cliché, pris sur une plage de Bodrum, une station balnéaire turque, s'est propagé comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, avant d'enflammer les Unes des titres de la presse européenne jeudi matin. Symbole de l'afflux sans précédent de migrants depuis la Seconde Guerre mondiale et de l'échec de la politique migratoire européenne, ce cliché n'est pas sans rappeler d'autres photos, qui elles aussi en leur temps ont bouleversé l'opinion publique. "Cet enfant pourrait être le mien" L'ancêtre du cliché du petit Aylan Kurdi est celui de Kim Phuc en 1972, la petite Vietnamienne de 9 ans brûlée au Napalm, courant entièrement nue après l'attaque de son village. En 1972, durant la guerre du Vietnam, Nick Ut photographie des enfants fuyant leur village bombardé au Napalm. Au centre, Kim Phuc, 9 ans, hurle de douleur, entièrement nue, après avoir retiré ses vêtements en flammes. 21 ans plus tard, en 1993, c'est la photo d'un enfant rachitique guetté par un vautour qui a ému le monde entier, qui a vu en une image l'horreur de la guerre civile et de la famine au Soudan. "Ces photos sont des figures de style médiatiques. Si on illustre une problématique à travers le visage d'un enfant, on l'universalise. L'enfant devient alors le symbole du conflit qu'il subit et déclenche par ailleurs un phénomène d'identification : chacun se dit "cet enfant pourrait être le mien" ", analyse André Gunthert, enseignantchercheur en culture visuelle à l'EHESS. Une photo pour un symbole Ces images, d'une rare force, ont la particularité d'être très lisibles par le grand public. Au moment où on les voit, on sait immédiatement ce qu'elles signifient. "Ces icônes sont construites, elles ont cette caractéristique de simplifier et de synthétiser un problème qui secoue l'opinion. Notamment parce qu'elles sont souventrecadrées, précise André Gunthert. Ici, la photo a été retaillée pour ne garder que l'enfant et le policier, pour accentuer l'effet de symbolisation : l'enfant représente tous les migrants qui tentent de rallier l'Europe au péril de leur vie et le policier incarne l'Union européenne et l'échec de sa politique migratoire". C'est un mécanisme "proche de la propagande, qui reprend les codes de la photo humanitaire", indique-til. Mais une telle photo ne marque les esprits que lorsque l'opinion publique a déjà évolué. "Ce n'est pas le cliché qui déclenche la prise de conscience, c'est le fait qu'il y ait une prise de conscience qui fait que l'on est plus réceptif à ce que raconte l'image", insiste le chercheur. L'image enfonce le clou, permet de manifester quelque chose de l'ordre de la morale, qui ne peut être raconté autrement. "En 1972, l'opinion américaine à l'encontre de la guerre du Vietnam avait déjà commencé à changer, après des années d'échec de ce conflit. Et c'est précisément parce que ce changement était déjà amorcé que le New York Times a publié ce cliché", explique André Gunthert. Aujourd'hui véhiculée en masse sur les réseaux sociaux, l'image iconique est le signal d'une évolution du débat public. Mais des images d'une telle force, il n'y en a pas beaucoup, et si on se souvient de ces images de nombreuses années plus tard, ce n'est pas seulement parce qu'elles marquent les esprits, "c'est aussi parce qu'elles font régulièrement l'objet d'une remobilisation, estime le chercheur. On s'en souvient parce qu'elles sont entretenues dans la mémoire". Le cliché, pris sur une plage de Bodrum, une station balnéaire turque, s'est propagé comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, avant d'enflammer les Unes des titres de la presse européenne jeudi matin. Symbole de l'afflux sans précédent de migrants depuis la Seconde Guerre mondiale et de l'échec de la politique migratoire européenne, ce cliché n'est pas sans rappeler d'autres photos, qui elles aussi en leur temps ont bouleversé l'opinion publique. "Cet enfant pourrait être le mien" L'ancêtre du cliché du petit Aylan Kurdi est celui de Kim Phuc en 1972, la petite Vietnamienne de 9 ans brûlée au Napalm, courant entièrement nue après l'attaque de son village. En 1972, durant la guerre du Vietnam, Nick Ut photographie des enfants fuyant leur village bombardé au Napalm. Au centre, Kim Phuc, 9 ans, hurle de douleur, entièrement nue, après avoir retiré ses vêtements en flammes. 21 ans plus tard, en 1993, c'est la photo d'un enfant rachitique guetté par un vautour qui a ému le monde entier, qui a vu en une image l'horreur de la guerre civile et de la famine au Soudan. "Ces photos sont des figures de style médiatiques. Si on illustre une problématique à travers le visage d'un enfant, on l'universalise. L'enfant devient alors le symbole du conflit qu'il subit et déclenche par ailleurs un phénomène d'identification : chacun se dit "cet enfant pourrait être le mien" ", analyse André Gunthert, enseignantchercheur en culture visuelle à l'EHESS. Une photo pour un symbole Ces images, d'une rare force, ont la particularité d'être très lisibles par le grand public. Au moment où on les voit, on sait immédiatement ce qu'elles signifient. "Ces icônes sont construites, elles ont cette caractéristique de simplifier et de synthétiser un problème qui secoue l'opinion. Notamment parce qu'elles sont souventrecadrées, précise André Gunthert. Ici, la photo a été retaillée pour ne garder que l'enfant et le policier, pour accentuer l'effet de symbolisation : l'enfant représente tous les migrants qui tentent de rallier l'Europe au péril de leur vie et le policier incarne l'Union européenne et l'échec de sa politique migratoire". C'est un mécanisme "proche de la propagande, qui reprend les codes de la photo humanitaire", indique-til. Mais une telle photo ne marque les esprits que lorsque l'opinion publique a déjà évolué. "Ce n'est pas le cliché qui déclenche la prise de conscience, c'est le fait qu'il y ait une prise de conscience qui fait que l'on est plus réceptif à ce que raconte l'image", insiste le chercheur. L'image enfonce le clou, permet de manifester quelque chose de l'ordre de la morale, qui ne peut être raconté autrement. "En 1972, l'opinion américaine à l'encontre de la guerre du Vietnam avait déjà commencé à changer, après des années d'échec de ce conflit. Et c'est précisément parce que ce changement était déjà amorcé que le New York Times a publié ce cliché", explique André Gunthert. Aujourd'hui véhiculée en masse sur les réseaux sociaux, l'image iconique est le signal d'une évolution du débat public. Mais des images d'une telle force, il n'y en a pas beaucoup, et si on se souvient de ces images de nombreuses années plus tard, ce n'est pas seulement parce qu'elles marquent les esprits, "c'est aussi parce qu'elles font régulièrement l'objet d'une remobilisation, estime le chercheur. On s'en souvient parce qu'elles sont entretenues dans la mémoire".