Jusqu'à une époque récente, le bain maure représentait un lieu vers lequel les femmes affluaient dans un rituel exquis. Elles prenaient le soin d'obéir à un canevas de règles d'hygiène, de savoir-faire et d'esthétique. Dire que la chose était loin d'être expéditive pour la femme qui se préparait pour aller se requinquer, l'espace d'un temps, dans une atmosphère allègre et conviviale. Les quelques établissements qui existaient dans le vieil Alger sont devenus, de nos jours, rares sinon détruits ou reconvertis pour un négoce qui s'échine à épouser l'air du temps. Hammam Bougueddour, à la rue Kleber dans l'ancienne Médina, n'est plus qu'un lointain souvenir que la mémoire peine à conserver. Plus bas, à la rue Bruce, on retrouve Hamma El Bey à un jet de pierre du hammam ed-dey, dit hammam Sidna. Dans nombre de demeures d'El Bahdja, le hammam faisait partie de ces dépendances de base pour permettre à la gent féminine de se prélasser et se mettre sur son trente et un. Mais la «modernité» a fini par avoir raison, sommes-nous tenus de dire, de cette ambiance pleine de grâce autour du hammam et ces parfums suaves qui, autrefois, flottaient alentour. De la trentaine de hammams publics recensés dans l'antique médina juste après 1830, il n'en subsiste à peine qu'une dizaine dont ceux qui ont résisté à l'usure du temps comme Hammam Fouita, édifié par Abdy Pacha, situé à la rue Nemours, hammam Sidi-Nadji, à proximité de la prison Serkadji et Hammam Sidna, l'un des plus anciens bains maures publics qui vient d'être classé patrimoine national et qui se trouve dans le voisinage de Dar Mustapha. Le sauna traditionnel une vertu curative Khalti Safia, une sexagénaire casbadjie, égrène la douce souvenance d'un temps où le hammam, outre qu'il participait activement à mettre en valeur la femme et la jouvencelle avant les fêtes de mariage, lui permettait de recharger ses «accus». Elle prenait ses aises en se préparant au rituel du hammam qui se faisait en deux temps, plusieurs mouvements, nous raconte-t-elle. La femme se soumettait à une séance de sauna dans une chambre dont le parterre est tapissé de branchages dits hammama : des branches de plusieurs essences de bois comme l'eucalyptus, le genévrier, le bigaradier, le cyprès que recouvrent des feuilles de sauge, camphre, romarin, marjolaine, camomille, tilleul et lavande, se rappelle notre interlocutrice. La femme profite de la moiteur que génèrent les braises incandescentes en s'imprégnant des senteurs que libèrent les huiles médicinales aux propriétés curatives certaines. En vase clos, les volutes aromatiques qui s'arrachent des plantes braisées provoquent l'exsudation qui permet d'éliminer toutes les impuretés. Le lieu est encensé d'une fragrance. Au sortir de beit skhouna, nous évoque Hadja Safia non sans secouer sa mémoire en signe de zaman ya zaman, la Khouda récupère les pertes en se désaltérant avec un breuvage «phyto» dit maâ mqattâr. Cette composition qui revigore, nous dit-elle, est obtenue par décoction ou distillation à partir de fleurs de rose odorante (maâ ouard), églantine, jasmin et fleur d'oranger qu'elle mélange aux clous de girofle, noix de muscade et gingembre. «La séance de bain de vapeur traditionnel terminée, la femme revient le lendemain avec sa sappâ (corbeille ornée de passementerie et enguirlandée de feuilles aromatiques) que la nachta s'empresse de porter», enchaîne l'octogénaire khalti Roqiyâ dont le dos ploie sous la charge des ans. Un lieu où le rôle de la nachta se veut omniprésent, renchérit-elle. En effet, cette dernière est chargée, entre autres, de dénicher les candidates au mariage pour telle ou telle famille. Un rôle de coordination qu'elle assure non sans complicité. Une autre vieille dame se met de la partie et secoue sa mémoire comme pour remonter le vieux temps qui fleurait bon. Elle se remémore l'époque de la femme avec ses foutas aspergées à l'eau de rose et autres accessoires d'usage pour sa toilette, comme mahbas el hammam et el mark dans lequel elle range les huiles saponifiées (saboûn dzaïr et autres produits à base d'argile). La femme se gardait de manger avant l'entrée au hammam, contrairement à ce qui se fait à présent, nous confie une ancienne nadhra (gérante d'un hammam), Khalti Torqia, qui semble contrariée par le comportement d'une certaine frange qui blesse les convenances. De ces scènes qui flirtent avec la volupté, nous confient presque à l'unisson ces bonnes vieilles dames, il n'en subsiste que des fragments de réminiscences volées au détour de quelques qaâdate. De ces scènes qui participaient à l'art de vivre et qui ne nous rappellent pas moins la strophe chaâbie du Cardinal, «Youm el Djamaâ khardjou Laryam […]. Jusqu'à une époque récente, le bain maure représentait un lieu vers lequel les femmes affluaient dans un rituel exquis. Elles prenaient le soin d'obéir à un canevas de règles d'hygiène, de savoir-faire et d'esthétique. Dire que la chose était loin d'être expéditive pour la femme qui se préparait pour aller se requinquer, l'espace d'un temps, dans une atmosphère allègre et conviviale. Les quelques établissements qui existaient dans le vieil Alger sont devenus, de nos jours, rares sinon détruits ou reconvertis pour un négoce qui s'échine à épouser l'air du temps. Hammam Bougueddour, à la rue Kleber dans l'ancienne Médina, n'est plus qu'un lointain souvenir que la mémoire peine à conserver. Plus bas, à la rue Bruce, on retrouve Hamma El Bey à un jet de pierre du hammam ed-dey, dit hammam Sidna. Dans nombre de demeures d'El Bahdja, le hammam faisait partie de ces dépendances de base pour permettre à la gent féminine de se prélasser et se mettre sur son trente et un. Mais la «modernité» a fini par avoir raison, sommes-nous tenus de dire, de cette ambiance pleine de grâce autour du hammam et ces parfums suaves qui, autrefois, flottaient alentour. De la trentaine de hammams publics recensés dans l'antique médina juste après 1830, il n'en subsiste à peine qu'une dizaine dont ceux qui ont résisté à l'usure du temps comme Hammam Fouita, édifié par Abdy Pacha, situé à la rue Nemours, hammam Sidi-Nadji, à proximité de la prison Serkadji et Hammam Sidna, l'un des plus anciens bains maures publics qui vient d'être classé patrimoine national et qui se trouve dans le voisinage de Dar Mustapha. Le sauna traditionnel une vertu curative Khalti Safia, une sexagénaire casbadjie, égrène la douce souvenance d'un temps où le hammam, outre qu'il participait activement à mettre en valeur la femme et la jouvencelle avant les fêtes de mariage, lui permettait de recharger ses «accus». Elle prenait ses aises en se préparant au rituel du hammam qui se faisait en deux temps, plusieurs mouvements, nous raconte-t-elle. La femme se soumettait à une séance de sauna dans une chambre dont le parterre est tapissé de branchages dits hammama : des branches de plusieurs essences de bois comme l'eucalyptus, le genévrier, le bigaradier, le cyprès que recouvrent des feuilles de sauge, camphre, romarin, marjolaine, camomille, tilleul et lavande, se rappelle notre interlocutrice. La femme profite de la moiteur que génèrent les braises incandescentes en s'imprégnant des senteurs que libèrent les huiles médicinales aux propriétés curatives certaines. En vase clos, les volutes aromatiques qui s'arrachent des plantes braisées provoquent l'exsudation qui permet d'éliminer toutes les impuretés. Le lieu est encensé d'une fragrance. Au sortir de beit skhouna, nous évoque Hadja Safia non sans secouer sa mémoire en signe de zaman ya zaman, la Khouda récupère les pertes en se désaltérant avec un breuvage «phyto» dit maâ mqattâr. Cette composition qui revigore, nous dit-elle, est obtenue par décoction ou distillation à partir de fleurs de rose odorante (maâ ouard), églantine, jasmin et fleur d'oranger qu'elle mélange aux clous de girofle, noix de muscade et gingembre. «La séance de bain de vapeur traditionnel terminée, la femme revient le lendemain avec sa sappâ (corbeille ornée de passementerie et enguirlandée de feuilles aromatiques) que la nachta s'empresse de porter», enchaîne l'octogénaire khalti Roqiyâ dont le dos ploie sous la charge des ans. Un lieu où le rôle de la nachta se veut omniprésent, renchérit-elle. En effet, cette dernière est chargée, entre autres, de dénicher les candidates au mariage pour telle ou telle famille. Un rôle de coordination qu'elle assure non sans complicité. Une autre vieille dame se met de la partie et secoue sa mémoire comme pour remonter le vieux temps qui fleurait bon. Elle se remémore l'époque de la femme avec ses foutas aspergées à l'eau de rose et autres accessoires d'usage pour sa toilette, comme mahbas el hammam et el mark dans lequel elle range les huiles saponifiées (saboûn dzaïr et autres produits à base d'argile). La femme se gardait de manger avant l'entrée au hammam, contrairement à ce qui se fait à présent, nous confie une ancienne nadhra (gérante d'un hammam), Khalti Torqia, qui semble contrariée par le comportement d'une certaine frange qui blesse les convenances. De ces scènes qui flirtent avec la volupté, nous confient presque à l'unisson ces bonnes vieilles dames, il n'en subsiste que des fragments de réminiscences volées au détour de quelques qaâdate. De ces scènes qui participaient à l'art de vivre et qui ne nous rappellent pas moins la strophe chaâbie du Cardinal, «Youm el Djamaâ khardjou Laryam […].