Hicham admet bien volontiers que les embarras routiers qui désespèrent les Bagdadis sont, pour lui, une aubaine: avec les ponts sur le Tigre endommagés, interdits au trafic ou bloqués par les embouteillages, les affaires prospèrent pour le passeur du fleuve. "J'ai de plus en plus de clients", explique-t-il alors qu'il se prépare à démarrer le moteur de son embarcation qui transporte à chaque rotation une vingtaine de passagers sur les eaux lentes et boueuses du cours d'eau divisant la capitale irakienne. Pendant des décennies, les millions d'habitants de Baghdad ont pu emprunter les 13 ponts qui traversent le Tigre, mais depuis l'invasion américaine de mars 2003, ces voies de passage ont connu des destins divers. En avril, un camion piégé a explosé au beau milieu du pont Sarafiya, l'un des plus utilisés, tuant huit personnes et détruisant une partie du tablier. D'autres sont fermés au trafic, comme le pont al-Mualaq, qui surplombe un camp américain, ou celui du 14-Juillet qui traverse la "zone verte", enclave quasi inaccessible abritant les responsables américains et les institutions irakiennes. Pour les ponts encore en service, leurs accès sont gardés par des barrages de la police qui filtrent les voitures et provoquent d'inextricables embouteillages. La violence quotidienne dans la capitale pousse aussi les Bagdadis à choisir la voie fluviale, explique Mohamed en s'installant dans la barque d'Hicham. "Je préfère éviter les quartiers risqués", raconte cet employé de 33 ans qui fait la navette entre deux des secteurs les plus dangereux de la ville: l'enclave sunnite d'Adhamiyah, et le bastion chiite de Kadhimiyah. Les affrontements entre miliciens des deux bords ont conduit à la fermeture du pont al-Aama qui relie ces deux zones. Et c'est à l'ombre de cet ouvrage d'art, devenu inutile, qu'Hicham, la vingtaine à peine dépassée, petit et solide, offre ses services aux candidats à une courte traversée. "J'ai fait construire mon bateau ici à Baghdad, cela m'a coûté quatre millions de dinars (2.300 euros), et le moteur vaut le même prix", explique-t-il. Le métier de passeur est une tradition familiale : depuis les années 90, lui, ses frères et ses cousins sont à la tête d'une petite flottille de barques, et se partagent ce marché de plus en plus lucratif. Le service est économique, 250 dinars (14 centimes d'euro). Mais le rythme des passages est tel qu'Hicham ne craint pas d'avoir investi à perte dans sa barque et son moteur. «On a beaucoup de clients les jours de fête et de pèlerinage, poursuit-il. A vrai dire je n'ai aucune idée de ce que je gagne : je suis le plus jeune, et c'est mon grand frère qui tient les comptes". Mais la traversée n'est pas sans risque, dans une ville où tout semble être devenu périlleux. Alors que la rive approche, le moteur d'Hicham s'arrête. Le jeune homme, plus gêné que paniqué, essaie de le faire redémarrer, mais en vain. Et le courant pousse sa barque, et ses vingt passagers, vers une position de l'armée irakienne. Finalement, l'engin toussote et se remet en route. "S'il n'était pas reparti, mon frère et moi nous nous serions jetés à l'eau pour pousser le bateau", assène, rassurant, le jeune passeur. Hicham admet bien volontiers que les embarras routiers qui désespèrent les Bagdadis sont, pour lui, une aubaine: avec les ponts sur le Tigre endommagés, interdits au trafic ou bloqués par les embouteillages, les affaires prospèrent pour le passeur du fleuve. "J'ai de plus en plus de clients", explique-t-il alors qu'il se prépare à démarrer le moteur de son embarcation qui transporte à chaque rotation une vingtaine de passagers sur les eaux lentes et boueuses du cours d'eau divisant la capitale irakienne. Pendant des décennies, les millions d'habitants de Baghdad ont pu emprunter les 13 ponts qui traversent le Tigre, mais depuis l'invasion américaine de mars 2003, ces voies de passage ont connu des destins divers. En avril, un camion piégé a explosé au beau milieu du pont Sarafiya, l'un des plus utilisés, tuant huit personnes et détruisant une partie du tablier. D'autres sont fermés au trafic, comme le pont al-Mualaq, qui surplombe un camp américain, ou celui du 14-Juillet qui traverse la "zone verte", enclave quasi inaccessible abritant les responsables américains et les institutions irakiennes. Pour les ponts encore en service, leurs accès sont gardés par des barrages de la police qui filtrent les voitures et provoquent d'inextricables embouteillages. La violence quotidienne dans la capitale pousse aussi les Bagdadis à choisir la voie fluviale, explique Mohamed en s'installant dans la barque d'Hicham. "Je préfère éviter les quartiers risqués", raconte cet employé de 33 ans qui fait la navette entre deux des secteurs les plus dangereux de la ville: l'enclave sunnite d'Adhamiyah, et le bastion chiite de Kadhimiyah. Les affrontements entre miliciens des deux bords ont conduit à la fermeture du pont al-Aama qui relie ces deux zones. Et c'est à l'ombre de cet ouvrage d'art, devenu inutile, qu'Hicham, la vingtaine à peine dépassée, petit et solide, offre ses services aux candidats à une courte traversée. "J'ai fait construire mon bateau ici à Baghdad, cela m'a coûté quatre millions de dinars (2.300 euros), et le moteur vaut le même prix", explique-t-il. Le métier de passeur est une tradition familiale : depuis les années 90, lui, ses frères et ses cousins sont à la tête d'une petite flottille de barques, et se partagent ce marché de plus en plus lucratif. Le service est économique, 250 dinars (14 centimes d'euro). Mais le rythme des passages est tel qu'Hicham ne craint pas d'avoir investi à perte dans sa barque et son moteur. «On a beaucoup de clients les jours de fête et de pèlerinage, poursuit-il. A vrai dire je n'ai aucune idée de ce que je gagne : je suis le plus jeune, et c'est mon grand frère qui tient les comptes". Mais la traversée n'est pas sans risque, dans une ville où tout semble être devenu périlleux. Alors que la rive approche, le moteur d'Hicham s'arrête. Le jeune homme, plus gêné que paniqué, essaie de le faire redémarrer, mais en vain. Et le courant pousse sa barque, et ses vingt passagers, vers une position de l'armée irakienne. Finalement, l'engin toussote et se remet en route. "S'il n'était pas reparti, mon frère et moi nous nous serions jetés à l'eau pour pousser le bateau", assène, rassurant, le jeune passeur.