Comme un forcené qui pousse à l'extrême les limites de sa folie meurtrière, Tizi Ouzou s'enfonce. Dans la boue d'abord, désormais consacrée comme sa marque de fabrique. Difficile à comprendre la provenance de cette mélasse qui a littéralement envahi les trottoirs. Comme un forcené qui pousse à l'extrême les limites de sa folie meurtrière, Tizi Ouzou s'enfonce. Dans la boue d'abord, désormais consacrée comme sa marque de fabrique. Difficile à comprendre la provenance de cette mélasse qui a littéralement envahi les trottoirs. Dans la laideur ensuite. S'il n'y a pas grand monde à s'encombrer aujourd'hui de préoccupations d'esthétique urbaine, il subsiste quand même quelques âmes chagrinées qui s'excusent presque de paraître au dessus de la mêlée. «Tizi est une forfaiture urbaine». Trop expéditive peut-être la sentence de l'ami architecte, mais ce n'est sûrement pas la beauté de la formule qui a tout déterminé dans sa colère d'initié, mais surtout de citoyen soucieux de mettre un brin de beauté dans son espace vital. Autre formule que le dernier des passants vous sortira à la cantonade : «A la fin des années 70, Tizi était la ville la plus propre d'Algérie. Aujourd'hui, elle est la plus sale du monde». Un peu à la manière de ces confortables certitudes qui se passent d'explications, Tizi a quelques «convictions» dont il est toujours malvenu de discuter la légèreté qui suggérerait le doute. Mais en dehors de quelques certitudes, le doute est partout. Il est dans la commissure des lèvres du sourire entendu de gens à qui on ne l'a fait pas. Alors, qu'ils s'expriment en roublards qui en ont vu d'autres ou en sages qui ne manquent pas de perspicacité, tout le monde doute de la possibilité que les choses s'améliorent un jour. De la mélasse aux «Champs Elysées» Quand vous leur parlez des mille milliards de centimes octroyés par l'Etat pour la réhabilitation du centre-ville, certains restent dubitatifs devant tant de candeur pendant que d'autres, moins obligés à la retenue vous rient carrément au nez. Une rue principale qui va de Boukhalfa à Oued Aïssi et qui coûtera dix milliards de dinars ? «C'est les Champs Elysés, alors» ironisera quelqu'un pour qui l'investissement est une folie luxueuse qu'on ne peut pas se permettre quand on manque à ce point de l'essentiel. Le projet ne déplait pas bien sûr, mais il ne soulève pas pour autant des vagues d'enthousiasme. D'abord, parce qu'habitués aux désenchantements des chantiers abandonnés et des réalisations-bides, ils attendent pour voir, dans le meilleur des cas. Dans le pire, ils n'y croient même pas. Comment diable, a-t-on pu faire pour détruire le centre d'une ville ? Deux trous immondes creusés dans ses artères ont suffi à faire basculer la cité dans le chaos. Deux trémies sans réel dessein ont complété le décor de la laideur autour de la ville et précipité sa décomposition organique. Enième certitude indéboulonnable, la construction des deux trémies aurait été motivée par des considérations politique. En «cassant» l'avenue principale, les autorités auraient ainsi privé les Aarchs au temps de leur splendeur d'un espace de manifestation particulièrement prisé. Ce sont pourtant les commerçants qui s'en plaignent le plus. Ecartelée, boueuse, terrain conquis de petits vendeurs en tous genres, la rue Abane-Ramdane fait fuir les «passants utiles» et désespère les gérants de magasins déjà orphelins de leur clientèle de transit en raison de l'impossible stationnement. Ce n'est pas la seule raison de la colère des commerçants qui râlent contre le fait de «payer plus cher pour des retombées moindres». Ici, les loyers sont exorbitants et leurs magasins, il ne reste que le prestige terni du centre-ville et des factures de moins en moins supportables. «Reste-t-il encore quelque chose à vendre dans une ville où tout le monde est commerçant ?» se désole ce marchand de vêtements qui nous défie de lui trouver une seule raison de continuer son activité. «Tout ce que je propose dans mon magasin est disponible sur les trottoirs en moins cher par ceux qui ne paient ni impôts, ni loyer, ni personnel et en exerçant en toute quiètude». Il est vrai qu'on peut tout vendre à Tizi. «Même des hommes», dira quelqu'un sans même donner l'impression d'exagérer un peu. Le génie local La Rue Lamali, plus connue sous le nom de «route de l'hôpital», est toute dédiée à la «lutte contre le ... chomage». Abritant la Cité des Genêts, fief réel ou supposé de la contestation des Aarchs, cette artère a vu pousser en un temps record une multitude d'échopes destinées à juguler la colère des jeunes tout en les arrachant au commerce illicite. Baptisés par le génie populaire local «plate-forme d'El Kseur, ces petits magasins ont ouvert, amochant un peu plus le décor. Et le commerce parallèle n'a pas cessé. Il a encore prospéré sur cette rue entièrement livrée au petit business. Pour le gros, il faut descendre plus bas, dans la nouvelle ville déjà chargée de légendes, à l'instar des «douze saloppards» qui auraient fait main basse sur tout le foncier et l'immobilier des environs. Où alors vers le nouveau centre d'intérêt que constitue la zone promise au nouveau stade et la gare ferroviaire. En attendant la ressuscitation d'une ville, on reparlera encore de son «centre», apparemment mort et enterré dans la boue providentielle de ses trottoirs, avec ses commerces de prestige et les amères désillusions de ceux qui y vivent. Dans la laideur ensuite. S'il n'y a pas grand monde à s'encombrer aujourd'hui de préoccupations d'esthétique urbaine, il subsiste quand même quelques âmes chagrinées qui s'excusent presque de paraître au dessus de la mêlée. «Tizi est une forfaiture urbaine». Trop expéditive peut-être la sentence de l'ami architecte, mais ce n'est sûrement pas la beauté de la formule qui a tout déterminé dans sa colère d'initié, mais surtout de citoyen soucieux de mettre un brin de beauté dans son espace vital. Autre formule que le dernier des passants vous sortira à la cantonade : «A la fin des années 70, Tizi était la ville la plus propre d'Algérie. Aujourd'hui, elle est la plus sale du monde». Un peu à la manière de ces confortables certitudes qui se passent d'explications, Tizi a quelques «convictions» dont il est toujours malvenu de discuter la légèreté qui suggérerait le doute. Mais en dehors de quelques certitudes, le doute est partout. Il est dans la commissure des lèvres du sourire entendu de gens à qui on ne l'a fait pas. Alors, qu'ils s'expriment en roublards qui en ont vu d'autres ou en sages qui ne manquent pas de perspicacité, tout le monde doute de la possibilité que les choses s'améliorent un jour. De la mélasse aux «Champs Elysées» Quand vous leur parlez des mille milliards de centimes octroyés par l'Etat pour la réhabilitation du centre-ville, certains restent dubitatifs devant tant de candeur pendant que d'autres, moins obligés à la retenue vous rient carrément au nez. Une rue principale qui va de Boukhalfa à Oued Aïssi et qui coûtera dix milliards de dinars ? «C'est les Champs Elysés, alors» ironisera quelqu'un pour qui l'investissement est une folie luxueuse qu'on ne peut pas se permettre quand on manque à ce point de l'essentiel. Le projet ne déplait pas bien sûr, mais il ne soulève pas pour autant des vagues d'enthousiasme. D'abord, parce qu'habitués aux désenchantements des chantiers abandonnés et des réalisations-bides, ils attendent pour voir, dans le meilleur des cas. Dans le pire, ils n'y croient même pas. Comment diable, a-t-on pu faire pour détruire le centre d'une ville ? Deux trous immondes creusés dans ses artères ont suffi à faire basculer la cité dans le chaos. Deux trémies sans réel dessein ont complété le décor de la laideur autour de la ville et précipité sa décomposition organique. Enième certitude indéboulonnable, la construction des deux trémies aurait été motivée par des considérations politique. En «cassant» l'avenue principale, les autorités auraient ainsi privé les Aarchs au temps de leur splendeur d'un espace de manifestation particulièrement prisé. Ce sont pourtant les commerçants qui s'en plaignent le plus. Ecartelée, boueuse, terrain conquis de petits vendeurs en tous genres, la rue Abane-Ramdane fait fuir les «passants utiles» et désespère les gérants de magasins déjà orphelins de leur clientèle de transit en raison de l'impossible stationnement. Ce n'est pas la seule raison de la colère des commerçants qui râlent contre le fait de «payer plus cher pour des retombées moindres». Ici, les loyers sont exorbitants et leurs magasins, il ne reste que le prestige terni du centre-ville et des factures de moins en moins supportables. «Reste-t-il encore quelque chose à vendre dans une ville où tout le monde est commerçant ?» se désole ce marchand de vêtements qui nous défie de lui trouver une seule raison de continuer son activité. «Tout ce que je propose dans mon magasin est disponible sur les trottoirs en moins cher par ceux qui ne paient ni impôts, ni loyer, ni personnel et en exerçant en toute quiètude». Il est vrai qu'on peut tout vendre à Tizi. «Même des hommes», dira quelqu'un sans même donner l'impression d'exagérer un peu. Le génie local La Rue Lamali, plus connue sous le nom de «route de l'hôpital», est toute dédiée à la «lutte contre le ... chomage». Abritant la Cité des Genêts, fief réel ou supposé de la contestation des Aarchs, cette artère a vu pousser en un temps record une multitude d'échopes destinées à juguler la colère des jeunes tout en les arrachant au commerce illicite. Baptisés par le génie populaire local «plate-forme d'El Kseur, ces petits magasins ont ouvert, amochant un peu plus le décor. Et le commerce parallèle n'a pas cessé. Il a encore prospéré sur cette rue entièrement livrée au petit business. Pour le gros, il faut descendre plus bas, dans la nouvelle ville déjà chargée de légendes, à l'instar des «douze saloppards» qui auraient fait main basse sur tout le foncier et l'immobilier des environs. Où alors vers le nouveau centre d'intérêt que constitue la zone promise au nouveau stade et la gare ferroviaire. En attendant la ressuscitation d'une ville, on reparlera encore de son «centre», apparemment mort et enterré dans la boue providentielle de ses trottoirs, avec ses commerces de prestige et les amères désillusions de ceux qui y vivent.