Beaucoup d'émotion, un peu de nostalgie aussi, jeudi lors de la présentation du livre de Michel Naït Challal «Les dribbleurs de l'indépendance» au Centre culturel algérien, à Paris. Des noms mythiques du football replongent l'audience dans un passé que trop de jeunes ignorent malheureusement. Avril 1958, Bentifour, Brahimi, Kermali, Bouchouk, Rouaï, Arribi, Boubekeur, Zitouni, Bekhloufi et Mekhloufi comptent parmi les meilleurs joueurs français. A un mois de la Coupe du monde prévue en Suède en juin, ces «diamants noirs», dont plusieurs internationaux, disparaissent dans le plus grand secret de l'Hexagone. Ils rejoindront la Tunisie, la base du FLN. Leur mission : constituer la première équipe algérienne, l'équipe du FLN qui, durant quatre ans, sera l'ambassadrice de la cause algérienne. Rachid Mekhloufi, qui a préfacé l'ouvrage a retracé pour l'assistance l'épopée extraordinaire de ces hommes dont il a fait partie, qui ont sacrifié confort et gloire pour répondre à l'appel de la Révolution algérienne. L'ancien champion du monde militaire et champion de France avec son club Saint-Etienne, entré dans la légende en inscrivant le premier but de l'histoire de son club en Coupe d'Europe aura cependant une note d'amertume en évoquant la situation actuelle du football algérien. Il nous confiera plus tard ceci : «On a laissé tomber l'équipe de 1982 et les talents de ses éléments ont été dilapidés.» Mais c'est là une autre histoire. Le livre de Naït Challal, un journaliste sportif de l'Equipe Magazine est passionnant, car au-delà de cette galerie de joueurs exceptionnels, c'est tout un pan de l'histoire du mouvement national que l'on retrouve. Des parcours individuels qui se sont mêlés à la destinée d'un peuple avec comme seules armes leur patriotisme et leur don pour le foot. L'auteur nous dira à ce propos : «J'ai été fasciné par le destin de ces hommes, leur aventure humaine. Ils étaient adulés en France, vivant dans le confort, et un jour ils abandonnent tout cela, prennent le risque de la prison car leur fuite est assimilée à une désertion pour une cause, un idéal. Ce choix m'a époustouflé. Dans un monde matérialiste comme le nôtre, c'est d'un courage exceptionnel. J'ai écrit ce livre pour leur rendre hommage car je trouvais injuste de les oublier.» Naït Challal a consacré plus d'une année de recherche, recueillant des témoignages, épluchant les archives, vérifiant le travail de mémoire de certains acteurs de ces événements aujourd'hui âgés. Comme Makhloufi, il rappellera, lui aussi, que «ces joueurs ont été les faiseurs de l'âge d'or du football algérien, avec la belle équipe de 1982, ils en sont les pères. On aurait dû les laisser travailler plus longtemps. Bentifour, aujourd'hui décédé, en avait assez de voir le cheminement du football national». Maître Vergès du Collectif de défense du FLN retiendra pour sa part que l'événement «en pleine Bataille d'Alger était historique. Imaginez l'impact des stars des clubs français qui quittent le stade à la veille de la Coupe du monde pour prouver que l'Algérie existe, que ce qui s'y passait était un véritable mouvement de libération nationale. Leur décision avait réconforté les prisonniers dont les condamnés à mort. Les avocats leur avaient transmis cette information». Meziane Cherif, consul général d'Algérie en France et président de l'Association des condamnés à mort se souvient lui aussi : «Quand l'appel du FLN est tombé, Boumezrag, Bentifour, Zitouni, qui était à mon avis le meilleur central du monde à ce moment-là, n'ont pas hésité. Pourtant j'aurais voulu qu'ils fassent la Coupe du monde avant de partir pour donner à l'événement encore plus d'impact». Certains des joueurs ont eu, selon le récit de Naït Challal, un pincement au cœur quant ils ont décidé de ne pas aller en Coupe du monde. Sans «ces diamants noirs» la France n'avait néanmoins aucune chance de remporter le trophée, ce qui fera dire à Meziane Cherif, toujours avec autant de satisfaction cinquante ans après : «Nous avons condamné la France à perdre la Coupe du monde de 1958». A leur manière, les joueurs algériens avaient infligé à la puissance coloniale une immense défaite politique et psychologique. Pour le FLN, qui avait mené l'opération à travers la Fédération de France, le gain politique a été au-delà des espérances. La «disparition des footballeurs algériens» fait la Une des journaux et les supporters découvrent la réalité de la Guerre d'Algérie autrement que par la propagande officielle. «Les dribbleurs de l'indépendance» n'est pas un livre sur le foot. C'est un livre sur l'histoire, une leçon d'humilité pour ceux qui oublient le prix de la liberté, c'est également un formidable hommage à des hommes exceptionnels, footballeurs et responsables politiques de l'Algérie révolutionnaire. A lire absolument. Beaucoup d'émotion, un peu de nostalgie aussi, jeudi lors de la présentation du livre de Michel Naït Challal «Les dribbleurs de l'indépendance» au Centre culturel algérien, à Paris. Des noms mythiques du football replongent l'audience dans un passé que trop de jeunes ignorent malheureusement. Avril 1958, Bentifour, Brahimi, Kermali, Bouchouk, Rouaï, Arribi, Boubekeur, Zitouni, Bekhloufi et Mekhloufi comptent parmi les meilleurs joueurs français. A un mois de la Coupe du monde prévue en Suède en juin, ces «diamants noirs», dont plusieurs internationaux, disparaissent dans le plus grand secret de l'Hexagone. Ils rejoindront la Tunisie, la base du FLN. Leur mission : constituer la première équipe algérienne, l'équipe du FLN qui, durant quatre ans, sera l'ambassadrice de la cause algérienne. Rachid Mekhloufi, qui a préfacé l'ouvrage a retracé pour l'assistance l'épopée extraordinaire de ces hommes dont il a fait partie, qui ont sacrifié confort et gloire pour répondre à l'appel de la Révolution algérienne. L'ancien champion du monde militaire et champion de France avec son club Saint-Etienne, entré dans la légende en inscrivant le premier but de l'histoire de son club en Coupe d'Europe aura cependant une note d'amertume en évoquant la situation actuelle du football algérien. Il nous confiera plus tard ceci : «On a laissé tomber l'équipe de 1982 et les talents de ses éléments ont été dilapidés.» Mais c'est là une autre histoire. Le livre de Naït Challal, un journaliste sportif de l'Equipe Magazine est passionnant, car au-delà de cette galerie de joueurs exceptionnels, c'est tout un pan de l'histoire du mouvement national que l'on retrouve. Des parcours individuels qui se sont mêlés à la destinée d'un peuple avec comme seules armes leur patriotisme et leur don pour le foot. L'auteur nous dira à ce propos : «J'ai été fasciné par le destin de ces hommes, leur aventure humaine. Ils étaient adulés en France, vivant dans le confort, et un jour ils abandonnent tout cela, prennent le risque de la prison car leur fuite est assimilée à une désertion pour une cause, un idéal. Ce choix m'a époustouflé. Dans un monde matérialiste comme le nôtre, c'est d'un courage exceptionnel. J'ai écrit ce livre pour leur rendre hommage car je trouvais injuste de les oublier.» Naït Challal a consacré plus d'une année de recherche, recueillant des témoignages, épluchant les archives, vérifiant le travail de mémoire de certains acteurs de ces événements aujourd'hui âgés. Comme Makhloufi, il rappellera, lui aussi, que «ces joueurs ont été les faiseurs de l'âge d'or du football algérien, avec la belle équipe de 1982, ils en sont les pères. On aurait dû les laisser travailler plus longtemps. Bentifour, aujourd'hui décédé, en avait assez de voir le cheminement du football national». Maître Vergès du Collectif de défense du FLN retiendra pour sa part que l'événement «en pleine Bataille d'Alger était historique. Imaginez l'impact des stars des clubs français qui quittent le stade à la veille de la Coupe du monde pour prouver que l'Algérie existe, que ce qui s'y passait était un véritable mouvement de libération nationale. Leur décision avait réconforté les prisonniers dont les condamnés à mort. Les avocats leur avaient transmis cette information». Meziane Cherif, consul général d'Algérie en France et président de l'Association des condamnés à mort se souvient lui aussi : «Quand l'appel du FLN est tombé, Boumezrag, Bentifour, Zitouni, qui était à mon avis le meilleur central du monde à ce moment-là, n'ont pas hésité. Pourtant j'aurais voulu qu'ils fassent la Coupe du monde avant de partir pour donner à l'événement encore plus d'impact». Certains des joueurs ont eu, selon le récit de Naït Challal, un pincement au cœur quant ils ont décidé de ne pas aller en Coupe du monde. Sans «ces diamants noirs» la France n'avait néanmoins aucune chance de remporter le trophée, ce qui fera dire à Meziane Cherif, toujours avec autant de satisfaction cinquante ans après : «Nous avons condamné la France à perdre la Coupe du monde de 1958». A leur manière, les joueurs algériens avaient infligé à la puissance coloniale une immense défaite politique et psychologique. Pour le FLN, qui avait mené l'opération à travers la Fédération de France, le gain politique a été au-delà des espérances. La «disparition des footballeurs algériens» fait la Une des journaux et les supporters découvrent la réalité de la Guerre d'Algérie autrement que par la propagande officielle. «Les dribbleurs de l'indépendance» n'est pas un livre sur le foot. C'est un livre sur l'histoire, une leçon d'humilité pour ceux qui oublient le prix de la liberté, c'est également un formidable hommage à des hommes exceptionnels, footballeurs et responsables politiques de l'Algérie révolutionnaire. A lire absolument.