A la sortie de la station de bus Béziers de Tafourah, devant l'Ecole supérieure de commerce, le long du trottoir qui longe cette route, déambule, presque au quotidien, un homme traînant un enfant âgé d'environ 6 ans. Au jardin «Liberté» fréquenté surtout par les couples, un homme âgé de 58 ans, a usé d'une belle métaphore pour expliquer sa situation : «La vie m'a craché ici.» Une vieille mendiante, à la place des Martyrs, parle sans regret de son «statut». Elle dit gagner plus de 3.500 DA quotidiennement dans les jours fastes. Trois portraits pour un seul «métier». A la sortie de la station de bus Béziers de Tafourah, devant l'Ecole supérieure de commerce, le long du trottoir qui longe cette route, déambule, presque au quotidien, un homme traînant un enfant âgé d'environ 6 ans. Au jardin «Liberté» fréquenté surtout par les couples, un homme âgé de 58 ans, a usé d'une belle métaphore pour expliquer sa situation : «La vie m'a craché ici.» Une vieille mendiante, à la place des Martyrs, parle sans regret de son «statut». Elle dit gagner plus de 3.500 DA quotidiennement dans les jours fastes. Trois portraits pour un seul «métier». La mendicité qui était l'apanage des affamés devient de plus en plus un métier. Le ministre de la Communication a avancé dernièrement que l'Algérie compte plus de 31.000 personnes SDF parmi lesquelles on y trouve les mendiants. Ils sont partout dans les grandes et même dans les petites villes du pays. Une virée dans les rues d'Alger donne un aperçu de cette nouvelle réalité. A Alger centre, à Bab El Oued, à Bab Ezzouar, un peu partout ailleurs, le constat est le même. Sans distinction de sexe et d'âge, la mendicité gagne du terrain et le nombre de mendiants croît chaque jour. «Sadaqa, sadaqa (aumône)», s'écrie d'une voix implorante une fillette âgée d'à peine 12 ans à l'adresse de tous les passants sur la route menant à la cité universitaire d'Al Allia à Bab Ezzouar. Une femme, la trentaine environ, lui glisse une pièce dans la main mais au lieu de la remercier la gamine réclame toujours l'aumône. En tentant de l'aborder, elle ne nous sort de sa bouche que le mot sadaqa. Même en tentant de la ‘‘soudoyer'', on n'a eu droit qu'à un enchaînement lassant de cette supplique. Nous laissons la fillette et nous prenons le sens inverse qui mène vers la cité RUB4. Une autre adolescente, chétive et sale mais plus active récite la même prière que la première «sadaqa, sadaqa…». En l'abordant, on n'en tire aucune information sur sa situation et les circonstances de la vie qui l'ont amenée à pratiquer ce «métier». Rien, à part ces suppliques, apprises sans doute aux contacts d'une mère ou d'un père qui l'a jetée trop jeune à la rue. A toutes nos questions, les réponses sont les mêmes. Mais loin de nous avouer vaincus, nous revenons systématiquement à la charge, avec en prime quelques dinars, en contrepartie de « précieuses » révélations. La pouponne a cédé. A la question « tu es d'où?», la fillette nous dira : «Je ne sais pas, chaque matin on me pose quelque part et chaque nuit je rentre quelque part». D'après ses dires, elle n'a jamais fait d'école, son père handicapé physique ne pouvant plus subvenir à leurs besoins, seule la charité des bienfaiteurs leur assure ainsi le pain au quotidien. Nouvelle race de mendiants A la sortie de la station de bus Béziers de Tafourah, devant l'Ecole supérieure de commerce, le long du trottoir qui longe cette route, déambule presque au quotidien un homme traînant un enfant âgé d'environ 6 ans à la recherche de la charité des gens. Au fil des minutes, cet homme devient agressif et profère des insultes contre quiconque ne voulant pas lui donner une offrande. En l'abordant, bien sûr après lui avoir glissé une pièce, nous apprenons que le vieux assume sa situation. Pour lui, la mendicité est un métier. «Il faut être professionnel pour réussir, quitte à utiliser des menaces et des insultes contre ceux qui ne donnent pas ». Très conscient, il ajoute : «Ceux qui ne font pas bon usage de leur argent seront châtiés par Dieu. Mon enfant et moi-même sommes malades, je ne sais rien faire de ma vie sauf passer mon temps à mendier. La mendicité est mon seul métier. Je ne peux plus me passer d'elle ». Pour «les techniques» qu'il utilise, il expliquera : «Tout d'abord, je choisis mes cibles. Je ne demande pas de l'argent à n'importe qui. Quand je m'approche de quelqu'un, je le supplie en lui disant que le petit est malade et que les médicaments sont chers. Des fois je profite des moments de grande circulation pour solliciter les automobilistes. «Ces derniers, continue t-il, sont avares et quand quelqu'un refuse de répondre à mes sollicitations, je lui rappelle que Dieu le punira et s'il persiste dans sa position, je l'insulte et je passe à un autre». Le cas de ce vieux n'est pas unique. D'autres personnes âgées, à l'exemple d'un mendiant qui exerce à l'intérieur même de l'université de Bouzareah, confirment une tendance à la pratique de la mendicité, non pas comme une sollicitation du sentiment de solidarité, mais comme une activité rentable qui peut générer des rentrées financières conséquentes. «C'est mon boulot», disent invariablement les vieux mendiants approchés. A la rue Didouche Mourad, plus exactement, au jardin Liberté fréquenté surtout par les couples, un homme âgé de 58 ans, affirme n'avoir personne pour s'occuper de lui. Ni famille, ni foyer. Originaire de Tizi Ouzou, il a usé d'une belle métaphore pour expliquer sa situation. «La vie m'a craché ici», lance-t-il en guise de réponse. «Je suis SDF et parfois je deviens mendiant. Je préfère tendre ma main à ces couples qui sont compréhensifs. Que voulez-vous que je fasse? La pauvreté me casse les dents», a-t-il raconté. D'un ton amer, mais empreint de poésie, il ajoute : «Ma vie est cauchemar, le dénuement me brise le cœur et la m… n'épargne pas mon existence». Doté d'une mémoire phénoménale, il peut retracer tous les détails de sa vie. Certains mendiants, comme ce vieux, passent la nuit dehors quelle que soit la saison et quand le jour se lève, ils reprennent leur activité dans une sorte de monotonie qui fait que tous les jours se ressemblent pour eux. Une vieille mendiante, à la place des Martyrs, nous parle sans regret de son « statut ». Pour elle, mendier est un geste qui ne renvoie pas forcément à la misère et à la pauvreté puisque, a-t-elle expliqué, «je connais des gens qui n'ont rien à voir avec la faim mais qui continuent de tendre la main». Cette vielle nous a dit qu'elle arrive parfois à empocher plus de 3.500 DA quotidiennement. Ce qu'en pense la société Le phénomène de la mendicité est vécu comme un malheur par la société. «Ces gens qui ternissent l'image de nos villes ne doivent pas agir en toute quiétude. C'est vrai que la pauvreté et la faim existent mais cela n'explique pas l'ampleur qu'a pris ce phénomène», a dit un médecin rencontré à Alger. Sans parvenir à expliquer ce mal qui ronge la société, un jeune homme d'une trentaine d'années pense que ces gens ne méritent aucune assistance car, dit-il, la religion ne le permet que dans des cas particuliers, ce qui, a-t-il ajouté, n'est pas le cas chez-nous. Il y a des personnes qui recourent à ce type d'«astuce» pour se faire des fortunes. Pour Farid, étudiant en droit, les mendiants ne doivent pas exister en Algérie. « L'Etat peut faire vivre 1 million de mendiants. Il doit prendre en charge ces personnes car les ignorer et les négliger est une violation de la Déclaration universelle des droits de l'homme». L'Algérie qui a ratifié des conventions en rapport avec les droits de l'homme doit les respecter, a-t-il dit en précisant que l'article 25 de ladite déclaration universelle des droits humains stipule que «toute personne a droit à un niveau de vie respectant pour assurer sa santé, son bien-être…Elle a droit à la protection en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance…». Et «ces droits, l'Etat doit les assurer à tout citoyen y compris les mendiants», a conclu notre interlocuteur. La mendicité qui était l'apanage des affamés devient de plus en plus un métier. Le ministre de la Communication a avancé dernièrement que l'Algérie compte plus de 31.000 personnes SDF parmi lesquelles on y trouve les mendiants. Ils sont partout dans les grandes et même dans les petites villes du pays. Une virée dans les rues d'Alger donne un aperçu de cette nouvelle réalité. A Alger centre, à Bab El Oued, à Bab Ezzouar, un peu partout ailleurs, le constat est le même. Sans distinction de sexe et d'âge, la mendicité gagne du terrain et le nombre de mendiants croît chaque jour. «Sadaqa, sadaqa (aumône)», s'écrie d'une voix implorante une fillette âgée d'à peine 12 ans à l'adresse de tous les passants sur la route menant à la cité universitaire d'Al Allia à Bab Ezzouar. Une femme, la trentaine environ, lui glisse une pièce dans la main mais au lieu de la remercier la gamine réclame toujours l'aumône. En tentant de l'aborder, elle ne nous sort de sa bouche que le mot sadaqa. Même en tentant de la ‘‘soudoyer'', on n'a eu droit qu'à un enchaînement lassant de cette supplique. Nous laissons la fillette et nous prenons le sens inverse qui mène vers la cité RUB4. Une autre adolescente, chétive et sale mais plus active récite la même prière que la première «sadaqa, sadaqa…». En l'abordant, on n'en tire aucune information sur sa situation et les circonstances de la vie qui l'ont amenée à pratiquer ce «métier». Rien, à part ces suppliques, apprises sans doute aux contacts d'une mère ou d'un père qui l'a jetée trop jeune à la rue. A toutes nos questions, les réponses sont les mêmes. Mais loin de nous avouer vaincus, nous revenons systématiquement à la charge, avec en prime quelques dinars, en contrepartie de « précieuses » révélations. La pouponne a cédé. A la question « tu es d'où?», la fillette nous dira : «Je ne sais pas, chaque matin on me pose quelque part et chaque nuit je rentre quelque part». D'après ses dires, elle n'a jamais fait d'école, son père handicapé physique ne pouvant plus subvenir à leurs besoins, seule la charité des bienfaiteurs leur assure ainsi le pain au quotidien. Nouvelle race de mendiants A la sortie de la station de bus Béziers de Tafourah, devant l'Ecole supérieure de commerce, le long du trottoir qui longe cette route, déambule presque au quotidien un homme traînant un enfant âgé d'environ 6 ans à la recherche de la charité des gens. Au fil des minutes, cet homme devient agressif et profère des insultes contre quiconque ne voulant pas lui donner une offrande. En l'abordant, bien sûr après lui avoir glissé une pièce, nous apprenons que le vieux assume sa situation. Pour lui, la mendicité est un métier. «Il faut être professionnel pour réussir, quitte à utiliser des menaces et des insultes contre ceux qui ne donnent pas ». Très conscient, il ajoute : «Ceux qui ne font pas bon usage de leur argent seront châtiés par Dieu. Mon enfant et moi-même sommes malades, je ne sais rien faire de ma vie sauf passer mon temps à mendier. La mendicité est mon seul métier. Je ne peux plus me passer d'elle ». Pour «les techniques» qu'il utilise, il expliquera : «Tout d'abord, je choisis mes cibles. Je ne demande pas de l'argent à n'importe qui. Quand je m'approche de quelqu'un, je le supplie en lui disant que le petit est malade et que les médicaments sont chers. Des fois je profite des moments de grande circulation pour solliciter les automobilistes. «Ces derniers, continue t-il, sont avares et quand quelqu'un refuse de répondre à mes sollicitations, je lui rappelle que Dieu le punira et s'il persiste dans sa position, je l'insulte et je passe à un autre». Le cas de ce vieux n'est pas unique. D'autres personnes âgées, à l'exemple d'un mendiant qui exerce à l'intérieur même de l'université de Bouzareah, confirment une tendance à la pratique de la mendicité, non pas comme une sollicitation du sentiment de solidarité, mais comme une activité rentable qui peut générer des rentrées financières conséquentes. «C'est mon boulot», disent invariablement les vieux mendiants approchés. A la rue Didouche Mourad, plus exactement, au jardin Liberté fréquenté surtout par les couples, un homme âgé de 58 ans, affirme n'avoir personne pour s'occuper de lui. Ni famille, ni foyer. Originaire de Tizi Ouzou, il a usé d'une belle métaphore pour expliquer sa situation. «La vie m'a craché ici», lance-t-il en guise de réponse. «Je suis SDF et parfois je deviens mendiant. Je préfère tendre ma main à ces couples qui sont compréhensifs. Que voulez-vous que je fasse? La pauvreté me casse les dents», a-t-il raconté. D'un ton amer, mais empreint de poésie, il ajoute : «Ma vie est cauchemar, le dénuement me brise le cœur et la m… n'épargne pas mon existence». Doté d'une mémoire phénoménale, il peut retracer tous les détails de sa vie. Certains mendiants, comme ce vieux, passent la nuit dehors quelle que soit la saison et quand le jour se lève, ils reprennent leur activité dans une sorte de monotonie qui fait que tous les jours se ressemblent pour eux. Une vieille mendiante, à la place des Martyrs, nous parle sans regret de son « statut ». Pour elle, mendier est un geste qui ne renvoie pas forcément à la misère et à la pauvreté puisque, a-t-elle expliqué, «je connais des gens qui n'ont rien à voir avec la faim mais qui continuent de tendre la main». Cette vielle nous a dit qu'elle arrive parfois à empocher plus de 3.500 DA quotidiennement. Ce qu'en pense la société Le phénomène de la mendicité est vécu comme un malheur par la société. «Ces gens qui ternissent l'image de nos villes ne doivent pas agir en toute quiétude. C'est vrai que la pauvreté et la faim existent mais cela n'explique pas l'ampleur qu'a pris ce phénomène», a dit un médecin rencontré à Alger. Sans parvenir à expliquer ce mal qui ronge la société, un jeune homme d'une trentaine d'années pense que ces gens ne méritent aucune assistance car, dit-il, la religion ne le permet que dans des cas particuliers, ce qui, a-t-il ajouté, n'est pas le cas chez-nous. Il y a des personnes qui recourent à ce type d'«astuce» pour se faire des fortunes. Pour Farid, étudiant en droit, les mendiants ne doivent pas exister en Algérie. « L'Etat peut faire vivre 1 million de mendiants. Il doit prendre en charge ces personnes car les ignorer et les négliger est une violation de la Déclaration universelle des droits de l'homme». L'Algérie qui a ratifié des conventions en rapport avec les droits de l'homme doit les respecter, a-t-il dit en précisant que l'article 25 de ladite déclaration universelle des droits humains stipule que «toute personne a droit à un niveau de vie respectant pour assurer sa santé, son bien-être…Elle a droit à la protection en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance…». Et «ces droits, l'Etat doit les assurer à tout citoyen y compris les mendiants», a conclu notre interlocuteur.