Bien avant la fin des taraouih, un monde fou descend dans les rues de la Casbah et de Bab El Oued en quête de bonnes occasions surtout dans les marchés informels qui pullulent dans les rues de ces deux communes du centre-ville. A 23h, des familles continuent de longer les rues en dépit de la faiblesse de l'éclairage public sur certains axes. C'est une ambiance quotidienne. Chaque soir, deux heures environ après le ftour, les gens descendent par milliers dans les rues. Hommes, femmes et enfants se bousculent sur les trottoirs ou au milieu de la chaussée, entre les voitures qui progressent pare-choc contre pare-choc. Cela se passe surtout dans l'axe la Basse Casbah-Bab El Oued, deux communes du centre-ville de la capitale réputées pour leurs marchés informels de l'habillement. A la place du square port Saïd, les cafés sont pris d'assaut quelques minutes seulement après le ftour. Les jeûneurs y viennent en groupes prendre un café, un thé ou un rafraîchissant avant de s'installer dans le jardin mitoyen. En parallèle, les autres boulevards, comme Che Guevara et Zighoud Youcef, baignent dans le silence en attendant le rush vers 22h. La Basse Casbah est toutefois plus animée que le square dans les premiers moments de la soirée ramadhanesque. Dans la placette elle-même, des centaines de personnes vont dans tous les sens. Les points de chute sont nombreux : les cafés, les arrêts de bus, les mosquées, les kiosques et les trabendistes. Au pied de la mosquée Ketchaoua, le commerce informel a toujours existé et il prend de l'importance au fil des jours surtout à l'approche de l'aïd et de la rentrée scolaire. La nuit, c'est la réplique du jour. Les trottoirs et la chaussée accueillent des vendeurs, y compris des enfants, des fruits et des effets vestimentaires pour femmes. Entretemps, la rue qui relie la Casbah à Bab El Oued commence à être bouchée par l'installation de nombreux étals et les milliers de personnes qui y sont de passage. Ici, les piétons circulent presque dans le noir. L'éclairage public est défectueux et les magasins ouverts renvoient une faible lumière à l'extérieur. Les trabendistes préfèrent s'agglutiner devant le marché de proximité Zoudj Ayoun. Pour se faire une place dans ce marché informel, les vendeurs n'hésitent pas à utiliser entre eux des sabres et des couteaux. Le commerce y est fortement rentable et il n'est pas question pour quiconque de céder sa part du gâteau. Les bagarres sont très fréquentes. Elles prennent des proportions dangereuses proportionnellement à la ruée de la clientèle vers Ketchaoua. En fait, quand on circule sur cette rue, la plupart des piétons viennent de quitter Bab El Oued pour se rendre à la Basse-Casbah. Au jardin Taleb Abderrahmane, à hauteur de la plage El Kettani de Bab El Oued, la présence humaine se fait timide, mais gagne en ampleur après la prière des taraouih. Dans le jardin, c'est la «fontaine de l'Espérance», inaugurée le 7 juin, qui est la nouvelle destination des familles du quartier. Le jet d'eau fonctionne toutefois par intermittence : il s'active partiellement pendant dix secondes et se met en berne pendant cinq minutes. Un rythme des plus agaçants. A quelques pas de là, des fidèles font la prière en public. Par manque de place dans la mosquée, ils se mettent dehors, sur les trottoirs et sur la chaussée. En face du cinéma Atlas, ce sont les trottoirs qui sont utilisés du fait de l'impossibilité de fermer cette rue à la circulation automobile : elle est un passage obligé pour tous les automobilistes qui viennent du côté de Bologhine, à travers le boulevard du colonel Abderrahmane Mira en direction d'Alger-Centre. Par contre, de l'autre côté de la mosquée, une rue secondaire débouchant directement sur le siège de la DGSN, a été complètement occupée par les prieurs. Ils sont là, au milieu des voitures en stationnement. Dans les coins, les bacs de Net-com regorgent déjà d'ordures, ce qui contraste nettement avec l'ambiance de piété qui règne dans les environs. Pour ne pas déranger, les passants évitent de s'y trop approcher, mais s'autorisent tout de même des commentaires sur la présence des déchets ménagers à moins de deux mètres des premiers prieurs. Au même moment, sur la route qui mène aux Trois Horloges, on a l'impression que tout Bab El Oued, surtout les femmes, est dehors. On y va en famille faire le tour des boutiques. Les plus sollicitées sont les confiseries, celles des vendeurs de téléphones portables et des cartes de recharge ainsi que les commerces des effets vestimentaires. Les trottoirs ne suffisent plus à contenir tout le monde à cause des files qui se forment devant les magasins. La circulation automobile est bloquée. Les équipes de Net-com qui y interviennent après 22h trouvent tout le mal du monde à se faire un passage et à collecter les déchets. Les balayeurs qui chassent les ordures jetées sur la chaussée font l'objet d'attention particulière des passants : «Saha ftourkoum !», «Que Dieu vous aide !», leur lance-t-on à tout moment. A 22h30, le marché informel des Trois Horloges ne fait que s'installer. C'est sûr : la nuit sera longue.