«Ce sont les nationalistes qui créent la nation et pas le contraire» a rappelé, lors de sa conférence, Mohamed Harbi, historien et acteur historique, devant une assistance tellement nombreuse qu'aux portes du CCF on a renvoyé du monde. «Ce sont les nationalistes qui créent la nation et pas le contraire» a rappelé, lors de sa conférence, Mohamed Harbi, historien et acteur historique, devant une assistance tellement nombreuse qu'aux portes du CCF on a renvoyé du monde. Toujours aussi dynamique, élégant et percutant, Mohamed Harbi a captivé l'assistance, jeudi après-midi lors de sa conférence intitulée «Ecriture de l'histoire et mémoire» organisée par le Centre culturel français, dans ses locaux d'Alger. Son exposé nuancé et clair a explicité la notion de «roman national» défini comme une lecture de l'histoire s'articulant sur la création de mythes, mis en avant par l'historiographie nationaliste. Il a défini son ancrage comme la nécessité de résister, dans un contexte d'humiliation et de détresse, à l'amère réalité coloniale. Pourtant, cette historiographie non pluraliste a induit des effets pervers divers. L'histoire a été mise au service de la légitimité au prix d'une grave amputation de la mémoire et d'une rétention d'informations. Ceci a entraîné entre autres un certain anti-intellectualisme et la pensée critique a été galvaudée. Revenant à la genèse de cette situation M. Harbi, a déclaré qu'en Algérie comme dans beaucoup d'autres pays, ce sont les clercs qui sont aux origines premières des grands mythes nationalistes. «Les auteurs Tewfik el-Madani et Moubarak El-Mili ont mis l'accent sur l'islam comme ciment unificateur des Arabes et des Algériens (….) , toute l' élaboration s'est faite à partir de thèmes qui ont été puisés d'une certaine manière dans l'oralité, dans la mémoire populaire. D'ailleurs selon l'auteur Joseph Desparmet*, les discours de El-Mili et El-Madani ne sont que la traduction littéraire de thèmes oraux populaires dont le folklore livrerait facilement les germes, mais également répondait aux traits généraux de fierté qui sont dans le caractère des Maghrébins.» A partir de cette tradition et de l'écriture d'une contre-histoire, des auteurs sont arrivés à produire une idéologie qui allait être à la base du sentiment national algérien. « C'est-à-dire », a souligné l'historien que « la mémoire fournit à l'histoire en marche, l'histoire en marche étant la ligne politique bien sûr, ses ingrédients. » La définition identitaire de l'algérianité donnée par Ben Badis en réaffirmant la transcendance islamique s'est inscrite dans une démarche propre aux clercs de toutes les religions. M. Harbi a ensuite abordé le concept d'«inanité» et celui de « mise en péril». Le premier selon lequel, les structures profondes de la société résistent à toute entreprise de changement, aurait imprégné durablement les élites francophones du pays. Le second qui considère que « ce que l'on perd a plus de valeur que ce que l'on peut gagner » a eu comme conséquence la naissance d'un type de personnage connu comme «L'homme du ressentiment» né dans un contexte de détresse et d'humiliation. M. Harbi a mis en exergue le fait que le récit historique de Tewfik El Madani se situe déjà dans le national avec une notion de territorialité « . L'auteur dessine une carte de géographie avec l'Algérie comme centre du monde, une guerre contre les Espagnols de trois siècles (de 1492/1792, durant l'Algérie ottomane), et une galerie de héros nationaux de Jugurtha à Abdelkader. Les années 1930 ont donc été, selon Mohamed Harbi, un moment décisif d'élaboration d'une histoire algérienne. Le racisme et le colonialisme ont joué à fond contre un renouvellement de l'historiographie algérienne. Des tentatives de réaménagement ont eu lieu plus tard , notamment de la part de Lacheraf. Mais jamais on ne s'est attaqué au noyau dur du roman national ! » a encore dit le conférencier qui a développé et approfondi son propos, à la grande joie des présents. K. T. Toujours aussi dynamique, élégant et percutant, Mohamed Harbi a captivé l'assistance, jeudi après-midi lors de sa conférence intitulée «Ecriture de l'histoire et mémoire» organisée par le Centre culturel français, dans ses locaux d'Alger. Son exposé nuancé et clair a explicité la notion de «roman national» défini comme une lecture de l'histoire s'articulant sur la création de mythes, mis en avant par l'historiographie nationaliste. Il a défini son ancrage comme la nécessité de résister, dans un contexte d'humiliation et de détresse, à l'amère réalité coloniale. Pourtant, cette historiographie non pluraliste a induit des effets pervers divers. L'histoire a été mise au service de la légitimité au prix d'une grave amputation de la mémoire et d'une rétention d'informations. Ceci a entraîné entre autres un certain anti-intellectualisme et la pensée critique a été galvaudée. Revenant à la genèse de cette situation M. Harbi, a déclaré qu'en Algérie comme dans beaucoup d'autres pays, ce sont les clercs qui sont aux origines premières des grands mythes nationalistes. «Les auteurs Tewfik el-Madani et Moubarak El-Mili ont mis l'accent sur l'islam comme ciment unificateur des Arabes et des Algériens (….) , toute l' élaboration s'est faite à partir de thèmes qui ont été puisés d'une certaine manière dans l'oralité, dans la mémoire populaire. D'ailleurs selon l'auteur Joseph Desparmet*, les discours de El-Mili et El-Madani ne sont que la traduction littéraire de thèmes oraux populaires dont le folklore livrerait facilement les germes, mais également répondait aux traits généraux de fierté qui sont dans le caractère des Maghrébins.» A partir de cette tradition et de l'écriture d'une contre-histoire, des auteurs sont arrivés à produire une idéologie qui allait être à la base du sentiment national algérien. « C'est-à-dire », a souligné l'historien que « la mémoire fournit à l'histoire en marche, l'histoire en marche étant la ligne politique bien sûr, ses ingrédients. » La définition identitaire de l'algérianité donnée par Ben Badis en réaffirmant la transcendance islamique s'est inscrite dans une démarche propre aux clercs de toutes les religions. M. Harbi a ensuite abordé le concept d'«inanité» et celui de « mise en péril». Le premier selon lequel, les structures profondes de la société résistent à toute entreprise de changement, aurait imprégné durablement les élites francophones du pays. Le second qui considère que « ce que l'on perd a plus de valeur que ce que l'on peut gagner » a eu comme conséquence la naissance d'un type de personnage connu comme «L'homme du ressentiment» né dans un contexte de détresse et d'humiliation. M. Harbi a mis en exergue le fait que le récit historique de Tewfik El Madani se situe déjà dans le national avec une notion de territorialité « . L'auteur dessine une carte de géographie avec l'Algérie comme centre du monde, une guerre contre les Espagnols de trois siècles (de 1492/1792, durant l'Algérie ottomane), et une galerie de héros nationaux de Jugurtha à Abdelkader. Les années 1930 ont donc été, selon Mohamed Harbi, un moment décisif d'élaboration d'une histoire algérienne. Le racisme et le colonialisme ont joué à fond contre un renouvellement de l'historiographie algérienne. Des tentatives de réaménagement ont eu lieu plus tard , notamment de la part de Lacheraf. Mais jamais on ne s'est attaqué au noyau dur du roman national ! » a encore dit le conférencier qui a développé et approfondi son propos, à la grande joie des présents. K. T.