"Mais nous souffrons d'un mal incurable qui s'appelle l'espoir. Espoir de libération et d'indépendance. Espoir d'une vie normale où nous ne serons ni héros, ni victimes. Espoir de voir nos enfants aller sans danger à l'école. Espoir pour une femme enceinte de donner naissance à un bébé vivant, dans un hôpital, et pas à un enfant mort devant un poste de contrôle militaire. Espoir que nos poètes verront la beauté de la couleur rouge dans les roses plutôt que dans le sang. Espoir que cette terre retrouvera son nom original : terre d'amour et de paix. Merci pour porter avec nous le fardeau de cet espoir.'' "Celui qui m'a changé en exilé m'a changé en bombe... Palestine est devenue mille corps mouvants sillonnant les rues du monde, chantant le chant de la mort, car le nouveau Christ, descendu de sa croix, porta bâton et sortit de Palestine." "Sans doute avons-nous besoin aujourd'hui de la poésie, plus que jamais. Afin de recouvrer notre sensibilité et notre conscience de notre humanité menacée et de notre capacité à poursuivre l'un des plus beaux rêves de l'humanité, celui de la liberté, celui de la prise du réel à bras le corps, de l'ouverture au monde partagé et de la quête de l'essence. Extraits du poème Etat de siège : Un poème inédit de Mahmoud Darwich. Ramallah, janvier 2002 (…) Seuls, nous sommes seuls jusqu'à la lie S'il n'y avait les visites des arcs en ciel./Nos pertes : entre deux et huit martyrs chaque jour. Et dix blessés/. Et vingt maisons/Et cinquante oliviers../. S'y ajoute la faille structurelle qui Atteindra le poème, la pièce de théâtre et la toile inachevée/.Une femme a dit au nuage : comme mon bien-aimé /Car mes vêtements sont trempés de son sang/Si tu n'es pluie, mon amour /Sois arbre /Rassasié de fertilité, sois arbre/Si tu n'es arbre mon amour /Sois pierre Saturée d'humidité, sois pierre/Si tu n'es pierre mon amour/ Sois lune/Dans le songe de l'aimée, sois lune/[Ainsi parla une femme à son fils lors de son enterrement]/Ô veilleurs ! N'êtes-vous pas lassés/De guetter la lumière dans notre sel/Et de l'incandescence de la rose dans notre blessure/N'êtes-vous pas lassés Ô veilleurs ?/Un peu de cet infini absolu bleu Suffirait /A alléger le fardeau de ce temps-ci/Et à nettoyer la fange de ce lieu/A l'âme de descendre de sa monture/Et de marcher sur ses pieds de soie /A mes côtés, mais dans la main, tels deux amis/De longue date, qui se partagent le pain ancien/Et le verre de vin antique/Que nous traversions ensemble cette route /Ensuite nos jours emprunteront des directions différentes /: Moi, au-delà de la nature, quant à elle,/ Elle choisira de s'accroupir sur un rocher élevé/.Nous nous sommes assis loin de nos destinées comme des oiseaux Qui meublent leurs nids dans les creux des statues/Ou dans les cheminées, ou dans les tentes qui Furent dressées sur le chemin du prince vers la chasse./Sur mes décombres pousse verte l'ombre/Et le loup somnole sur la peau de ma chèvre/ Il rêve comme moi, comme l'ange Que la vie est ici... non là-bas/.Dans l'état de siège, le temps devient espace/Pétrifié dans son éternité/Dans l'état de siège, l'espace devient temps/Qui a manqué son hier et son lendemain./Ce martyr m'encercle chaque fois que je vis un nouveau jour/Et m'interroge : Où étais-tu ? Ramène aux dictionnaires/Toutes les paroles que tu m'as offertes /Et soulage les dormeurs du bourdonnement de l'écho. Le martyr m'éclaire : je n'ai pas cherché au-delà de l'étendue/Les vierges de l'immortalité car j'aime la vie/Sur terre, parmi les pins et les figuiers/, Mais je ne peux y accéder, aussi y ai-je visé/Avec l'ultime chose qui m'appartienne : le sang dans le corps de l'azur./Le martyr m'avertit : Ne crois pas leurs youyous/ Crois-moi père quand il observe ma photo en pleurant /Comment as-tu échangé nos rôles, mon fils et m'as-tu précédé/. Moi d'abord, moi le premier !Le martyr m'encercle : je n'ai changé que ma place et mes meubles frustes./J'ai posé une gazelle sur mon lit/, Et un croissant lunaire sur mon doigt,/ Pour apaiser ma peine/.Le siège durera afin de nous convaincre de choisir un asservissement qui ne nuit/pas, en toute liberté !!/Résister signifie : s'assurer de la santé/ Du coeur et des testicules, et de ton mal tenace:/Le mal de l'espoir.Et dans ce qui reste de l'aube, je marche vers mon extérieur/Et dans ce qui reste de la nuit, j'entends le bruit des pas en mon intention./Salut à qui partage avec moi l'attention à/L'ivresse de la lumière, la lumière du papillon, dans /La noirceur de ce tunnelSalut à qui partage avec moi mon verre/Dans l'épaisseur d'une nuit débordant les deux places : Salut à mon spectre.Pour moi mes amis apprêtent toujours une fête/D'adieu, une sépulture apaisante à l'ombre de chênes/ Une épitaphe en marbre du temps /Et toujours je les devance lors des funérailles : /Qui est mort...qui ?L'écriture, un chiot qui mord le néant/ L'écriture blesse sans trace de sang/Nos tasses de café./Les oiseaux les arbres verts/ A l'ombre bleue, le soleil gambade d'un mur /A l'autre telle une gazelle/L'eau dans les nuages à la forme illimitée dans ce qu'il nous reste/Du ciel. Et d'autres choses aux souvenirs suspendus Révèlent que ce matin est puissant splendide/Et que nous sommes les invités de l'éternité. Traduit de l'arabe par Saloua Ben Abda et Hassan Chami. "Mais nous souffrons d'un mal incurable qui s'appelle l'espoir. Espoir de libération et d'indépendance. Espoir d'une vie normale où nous ne serons ni héros, ni victimes. Espoir de voir nos enfants aller sans danger à l'école. Espoir pour une femme enceinte de donner naissance à un bébé vivant, dans un hôpital, et pas à un enfant mort devant un poste de contrôle militaire. Espoir que nos poètes verront la beauté de la couleur rouge dans les roses plutôt que dans le sang. Espoir que cette terre retrouvera son nom original : terre d'amour et de paix. Merci pour porter avec nous le fardeau de cet espoir.'' "Celui qui m'a changé en exilé m'a changé en bombe... Palestine est devenue mille corps mouvants sillonnant les rues du monde, chantant le chant de la mort, car le nouveau Christ, descendu de sa croix, porta bâton et sortit de Palestine." "Sans doute avons-nous besoin aujourd'hui de la poésie, plus que jamais. Afin de recouvrer notre sensibilité et notre conscience de notre humanité menacée et de notre capacité à poursuivre l'un des plus beaux rêves de l'humanité, celui de la liberté, celui de la prise du réel à bras le corps, de l'ouverture au monde partagé et de la quête de l'essence. Extraits du poème Etat de siège : Un poème inédit de Mahmoud Darwich. Ramallah, janvier 2002 (…) Seuls, nous sommes seuls jusqu'à la lie S'il n'y avait les visites des arcs en ciel./Nos pertes : entre deux et huit martyrs chaque jour. Et dix blessés/. Et vingt maisons/Et cinquante oliviers../. S'y ajoute la faille structurelle qui Atteindra le poème, la pièce de théâtre et la toile inachevée/.Une femme a dit au nuage : comme mon bien-aimé /Car mes vêtements sont trempés de son sang/Si tu n'es pluie, mon amour /Sois arbre /Rassasié de fertilité, sois arbre/Si tu n'es arbre mon amour /Sois pierre Saturée d'humidité, sois pierre/Si tu n'es pierre mon amour/ Sois lune/Dans le songe de l'aimée, sois lune/[Ainsi parla une femme à son fils lors de son enterrement]/Ô veilleurs ! N'êtes-vous pas lassés/De guetter la lumière dans notre sel/Et de l'incandescence de la rose dans notre blessure/N'êtes-vous pas lassés Ô veilleurs ?/Un peu de cet infini absolu bleu Suffirait /A alléger le fardeau de ce temps-ci/Et à nettoyer la fange de ce lieu/A l'âme de descendre de sa monture/Et de marcher sur ses pieds de soie /A mes côtés, mais dans la main, tels deux amis/De longue date, qui se partagent le pain ancien/Et le verre de vin antique/Que nous traversions ensemble cette route /Ensuite nos jours emprunteront des directions différentes /: Moi, au-delà de la nature, quant à elle,/ Elle choisira de s'accroupir sur un rocher élevé/.Nous nous sommes assis loin de nos destinées comme des oiseaux Qui meublent leurs nids dans les creux des statues/Ou dans les cheminées, ou dans les tentes qui Furent dressées sur le chemin du prince vers la chasse./Sur mes décombres pousse verte l'ombre/Et le loup somnole sur la peau de ma chèvre/ Il rêve comme moi, comme l'ange Que la vie est ici... non là-bas/.Dans l'état de siège, le temps devient espace/Pétrifié dans son éternité/Dans l'état de siège, l'espace devient temps/Qui a manqué son hier et son lendemain./Ce martyr m'encercle chaque fois que je vis un nouveau jour/Et m'interroge : Où étais-tu ? Ramène aux dictionnaires/Toutes les paroles que tu m'as offertes /Et soulage les dormeurs du bourdonnement de l'écho. Le martyr m'éclaire : je n'ai pas cherché au-delà de l'étendue/Les vierges de l'immortalité car j'aime la vie/Sur terre, parmi les pins et les figuiers/, Mais je ne peux y accéder, aussi y ai-je visé/Avec l'ultime chose qui m'appartienne : le sang dans le corps de l'azur./Le martyr m'avertit : Ne crois pas leurs youyous/ Crois-moi père quand il observe ma photo en pleurant /Comment as-tu échangé nos rôles, mon fils et m'as-tu précédé/. Moi d'abord, moi le premier !Le martyr m'encercle : je n'ai changé que ma place et mes meubles frustes./J'ai posé une gazelle sur mon lit/, Et un croissant lunaire sur mon doigt,/ Pour apaiser ma peine/.Le siège durera afin de nous convaincre de choisir un asservissement qui ne nuit/pas, en toute liberté !!/Résister signifie : s'assurer de la santé/ Du coeur et des testicules, et de ton mal tenace:/Le mal de l'espoir.Et dans ce qui reste de l'aube, je marche vers mon extérieur/Et dans ce qui reste de la nuit, j'entends le bruit des pas en mon intention./Salut à qui partage avec moi l'attention à/L'ivresse de la lumière, la lumière du papillon, dans /La noirceur de ce tunnelSalut à qui partage avec moi mon verre/Dans l'épaisseur d'une nuit débordant les deux places : Salut à mon spectre.Pour moi mes amis apprêtent toujours une fête/D'adieu, une sépulture apaisante à l'ombre de chênes/ Une épitaphe en marbre du temps /Et toujours je les devance lors des funérailles : /Qui est mort...qui ?L'écriture, un chiot qui mord le néant/ L'écriture blesse sans trace de sang/Nos tasses de café./Les oiseaux les arbres verts/ A l'ombre bleue, le soleil gambade d'un mur /A l'autre telle une gazelle/L'eau dans les nuages à la forme illimitée dans ce qu'il nous reste/Du ciel. Et d'autres choses aux souvenirs suspendus Révèlent que ce matin est puissant splendide/Et que nous sommes les invités de l'éternité. Traduit de l'arabe par Saloua Ben Abda et Hassan Chami.