La manifestation cinématographique organisée par l'association des réalisateurs indépendants «A nous les écrans», a consacré une place de choix aux réalisateurs du Moyen-Orient. Ainsi mardi, le public a pu découvrir, à travers deux documentaires, les parcours de Mustapha Akkad, réalisateur syrien d'"Errissala" et du « Le Lion du désert» (Omar El-Mokhtar) assassiné en 2005 à Amman et du grand poète palestinien disparu en 2008, Mahmoud Darwich. La soirée a été clôturée par l'œuvre magistrale du réalisateur palestinien Elia Suleiman «The Time that remains» en compétition au dernier festival de Cannes. La manifestation cinématographique organisée par l'association des réalisateurs indépendants «A nous les écrans», a consacré une place de choix aux réalisateurs du Moyen-Orient. Ainsi mardi, le public a pu découvrir, à travers deux documentaires, les parcours de Mustapha Akkad, réalisateur syrien d'"Errissala" et du « Le Lion du désert» (Omar El-Mokhtar) assassiné en 2005 à Amman et du grand poète palestinien disparu en 2008, Mahmoud Darwich. La soirée a été clôturée par l'œuvre magistrale du réalisateur palestinien Elia Suleiman «The Time that remains» en compétition au dernier festival de Cannes. Ceux qui voulaient en savoir plus sur Mustapha Akkad ont été servis. Le documentaire «De Alep à Hollywood» du réalisateur marocain Mohamed Belhadj n'a laissé dans l'ombre aucun aspect de cette vie prodigieusement laborieuse et féconde. Images d'archives, reconstitutions, interviews de proches, scènes de films, le documentaire suit la vie de son sujet pas à pas. Une promenade dans les ruelles de la vieille ville syrienne, nous imprègne de la dévotion que le cinéaste ressentait pour sa ville natale et de la musique traditionnelle dont il s'abreuvait. Le public découvre un Mustapha Akkad défendant avec enthousiasme ses choix pour la réalisation de ses deux œuvres majeures qui retracent la vie du Prophète (Qsssl), et celle du leader de la résistance lybienne au colonialisme italien. La relation filiale d'une rare intensité qui le liait à sa fille Rima, semble avoir rendu leur mort simultanée inévitable lors de l'attentat suicide qui a ciblé l'hôtel Hayat de Amman. Darwich, force et vulnérabilité Le deuxième documentaire «Et la terre comme la langue», réalisé par Elias Sanbar , traducteur de l'œuvre de Darwich en français, et Simone Bitton a également offert au public une biographie selon une démarche différente. Le film commence sur des gros plans de verdure, puis l'oncle paternel de Mahmoud parcourt un terrain hérissé de broussailles et de ruines : c'est le village natal du poète. Rasé par l'armée israélienne en 1948. « Khadaoûna, Khanouna : nous avons été trahis » s'écrie le vieil homme désespéré. Il montre ensuite ce qui reste du puits où le petit Mahmoud accompagnait son père quotidiennement. Plus tard, un poème racontera ce puits qui offrait 2 lunes à l'enfant. Une dans le ciel et l'autre nageant dans l'eau. Les nombreux récitals de Darwich se succèdent dans le monde entier. On le voit pleurer à chaudes larmes lorsqu'il dit adieu à la Tunisie, devant un public tunisois déchaîné. Dans son appartement parisien, bourré de livres, le poète prépare un café jezoua et explique pourquoi il a choisi de ne pas se marier. «Saqata el-kinaou âla el qinaai: les masques sont tombés ! » déclame-t-il devant l'état-major de la résistance palestinienne au grand complet, avant de se jeter dans les bras de Yasser Arafat. «La plus belle des mères» Durant 52 minutes, le poète raconte, se souvient, s'explique, décrit. Pour le plus grand bonheur du public qui fait également connaissance avec la mère du poète. Drapé de blanc, ce double féminin de Mahmoud ne sourit pas une seule fois. Ses traits semblent figés par un deuil éternel. Le film qui s'achève au bord de la mer morte, exprime d'un bout à l'autre Darwich. «The time that remains », fiction signée Elia Souleiman , aurait pu s'intituler «Quand la peur change de camp.» Cette œuvre autobiographique, où le réalisateur joue son propre rôle, montre à quel point, en quelques générations, les choses ont changé dans l'esprit des Palestiniens qui ont réussi à rester à l'intérieur de leur patrie. Les survivants d'une minorité pratiquement décimée et constamment persécutée par le pouvoir sioniste ont appris à vivre en ignorant l'occupant. Comme les générations algériennes vaincues, décrites par Kateb Yacine, les survivants à l'invasion israélienne se réfugient dans le mépris, les loisirs (ici pêche à la ligne) ou les délires verbaux. Les nouvelles générations organisent la résistance avec une aisance et une décontraction branchée de rappeurs. Face à des jeunes aux mains nues, ce sont les soldats israéliens qui meurent de peur. La peur change de camp Le film commence à Nazareth, la ville natale du cinéaste, en 1948, avec son père, un combattant d'un grand courage mais vaincu, et se termine à notre époque par la visite qu'Elia Suleiman rend à sa mère veuve et diabétique. Cette chronique familiale retrace les étapes traversées par le peuple palestinien devenu errant. Sur la base des notes du père et des lettres de la mère, différents tableaux se succèdent, laissant la part belle à un humour ravageur. Ainsi, le père de Elia doit régulièrement intervenir lorsque son voisin, qui travaille dans une pompe à essence, s'asperge régulièrement pour s'immoler à chaque défaite arabe. Le même voisin, toujours en pyjama, lui sert des analyses politiques très personnelles, assaisonnées d'un langage populaire des plus crus. Guerre de 1948, mort de Nasser, déclenchement de l'Intifada, construction du mur de séparation, découpent le film selon les épisodes de la tragédie. La vie quotidienne en territoire occupé, l'école israélienne et les incessantes tracasseries du pouvoir sioniste font découvrir au public une vie palestinienne qui résiste à tout, identique à celle des Algériens du temps de la France coloniale. C'est cette résistance par une dynamique vitale qui sécrète l'humour, la subtilité et l'esprit d'à-propos, qui donne au film un contenu des plus toniques, loin des violons mortifères. Réalisé avec génie, le film bouleverse sans jamais tomber dans le désespoir. K.T. Ceux qui voulaient en savoir plus sur Mustapha Akkad ont été servis. Le documentaire «De Alep à Hollywood» du réalisateur marocain Mohamed Belhadj n'a laissé dans l'ombre aucun aspect de cette vie prodigieusement laborieuse et féconde. Images d'archives, reconstitutions, interviews de proches, scènes de films, le documentaire suit la vie de son sujet pas à pas. Une promenade dans les ruelles de la vieille ville syrienne, nous imprègne de la dévotion que le cinéaste ressentait pour sa ville natale et de la musique traditionnelle dont il s'abreuvait. Le public découvre un Mustapha Akkad défendant avec enthousiasme ses choix pour la réalisation de ses deux œuvres majeures qui retracent la vie du Prophète (Qsssl), et celle du leader de la résistance lybienne au colonialisme italien. La relation filiale d'une rare intensité qui le liait à sa fille Rima, semble avoir rendu leur mort simultanée inévitable lors de l'attentat suicide qui a ciblé l'hôtel Hayat de Amman. Darwich, force et vulnérabilité Le deuxième documentaire «Et la terre comme la langue», réalisé par Elias Sanbar , traducteur de l'œuvre de Darwich en français, et Simone Bitton a également offert au public une biographie selon une démarche différente. Le film commence sur des gros plans de verdure, puis l'oncle paternel de Mahmoud parcourt un terrain hérissé de broussailles et de ruines : c'est le village natal du poète. Rasé par l'armée israélienne en 1948. « Khadaoûna, Khanouna : nous avons été trahis » s'écrie le vieil homme désespéré. Il montre ensuite ce qui reste du puits où le petit Mahmoud accompagnait son père quotidiennement. Plus tard, un poème racontera ce puits qui offrait 2 lunes à l'enfant. Une dans le ciel et l'autre nageant dans l'eau. Les nombreux récitals de Darwich se succèdent dans le monde entier. On le voit pleurer à chaudes larmes lorsqu'il dit adieu à la Tunisie, devant un public tunisois déchaîné. Dans son appartement parisien, bourré de livres, le poète prépare un café jezoua et explique pourquoi il a choisi de ne pas se marier. «Saqata el-kinaou âla el qinaai: les masques sont tombés ! » déclame-t-il devant l'état-major de la résistance palestinienne au grand complet, avant de se jeter dans les bras de Yasser Arafat. «La plus belle des mères» Durant 52 minutes, le poète raconte, se souvient, s'explique, décrit. Pour le plus grand bonheur du public qui fait également connaissance avec la mère du poète. Drapé de blanc, ce double féminin de Mahmoud ne sourit pas une seule fois. Ses traits semblent figés par un deuil éternel. Le film qui s'achève au bord de la mer morte, exprime d'un bout à l'autre Darwich. «The time that remains », fiction signée Elia Souleiman , aurait pu s'intituler «Quand la peur change de camp.» Cette œuvre autobiographique, où le réalisateur joue son propre rôle, montre à quel point, en quelques générations, les choses ont changé dans l'esprit des Palestiniens qui ont réussi à rester à l'intérieur de leur patrie. Les survivants d'une minorité pratiquement décimée et constamment persécutée par le pouvoir sioniste ont appris à vivre en ignorant l'occupant. Comme les générations algériennes vaincues, décrites par Kateb Yacine, les survivants à l'invasion israélienne se réfugient dans le mépris, les loisirs (ici pêche à la ligne) ou les délires verbaux. Les nouvelles générations organisent la résistance avec une aisance et une décontraction branchée de rappeurs. Face à des jeunes aux mains nues, ce sont les soldats israéliens qui meurent de peur. La peur change de camp Le film commence à Nazareth, la ville natale du cinéaste, en 1948, avec son père, un combattant d'un grand courage mais vaincu, et se termine à notre époque par la visite qu'Elia Suleiman rend à sa mère veuve et diabétique. Cette chronique familiale retrace les étapes traversées par le peuple palestinien devenu errant. Sur la base des notes du père et des lettres de la mère, différents tableaux se succèdent, laissant la part belle à un humour ravageur. Ainsi, le père de Elia doit régulièrement intervenir lorsque son voisin, qui travaille dans une pompe à essence, s'asperge régulièrement pour s'immoler à chaque défaite arabe. Le même voisin, toujours en pyjama, lui sert des analyses politiques très personnelles, assaisonnées d'un langage populaire des plus crus. Guerre de 1948, mort de Nasser, déclenchement de l'Intifada, construction du mur de séparation, découpent le film selon les épisodes de la tragédie. La vie quotidienne en territoire occupé, l'école israélienne et les incessantes tracasseries du pouvoir sioniste font découvrir au public une vie palestinienne qui résiste à tout, identique à celle des Algériens du temps de la France coloniale. C'est cette résistance par une dynamique vitale qui sécrète l'humour, la subtilité et l'esprit d'à-propos, qui donne au film un contenu des plus toniques, loin des violons mortifères. Réalisé avec génie, le film bouleverse sans jamais tomber dans le désespoir. K.T.