Les Algérois, depuis plusieurs années ont appris à vivre et à subir passivement, durant les jours de fête, la démission totale des commerçants de proximité. Inutile de chercher à vous procurer la moindre baguette de pain, la grande majorité des boulangers préferant laisser leurs rideaux baissés au mépris de toutes les lois du commerce. Même les pharmacies se mettent aux abonnés absents, il ne faut surtout pas tomber malade un jour de fête. En fait avant-hier, premier jour de l'Aïd, juste après avoir procédé aux sacrifices rituels, Alger était pratiquement ville morte. Les femmes affairées aux cuisines pour le nettoyage fastidieux des abats tandis que les hommes retenaient leurs souffles, les sens exacerbés par les arômes alléchants, promesses du futur festin, le signal de départ pour mettre en branle fourchettes et couteaux. Les enfants après avoir versé quelques larmes sur le mouton, compagnon de leurs jeux pendant quelques jours se joindront eux aussi à la «zerda» gargantuesque. Il reste les autres : ceux qui n'ont pu acheter l'ovin de toutes les convitises, dont le plus famélique a été cédé à deux fois et demi le SNMG. Ceux-là se sont rabattus sur les boucheries, faisant le sacrifice d'une bonne partie de leurs salaires pour offrir des grillades ou un couscous à la viande rouge à leurs familles. Les bouchers ont bien sûr profité de cette aubaine pour gonfler de façon indécente des prix déjà prohibitifs. Mais les parents, quitte à s'endetter, n'ont pas eu trop le choix afin de ne pas frustrer leurs enfants humant les arômes émanant de chez le voisin. À 10h du matin, la veille de l'Aïd les étals des boucheries étaient complètement vidées. À El-Biar une seule boucherie, proposait encore abats, viandes ovine et bovine. Une dame, son petit couffin vide à la main, regarde longuement le présentoir d'un regard vide avant de se décider à demander d'une toute petite voix le prix du foie de mouton, entre haut et bas l'un des vendeurs lui répond : «1.800 D !». La dame observe encore un long moment d'hésitation, faisant peut-être un rapide calcul mental, puis se décide enfin à demander au serveur de lui peser trois petites tranches. Le commerçant, la toisant de toute sa hauteur, lui explique d'un ton tranchant que si "elle veut du foie il faut qu'elle prenne également la même quantité de cœur". La dame estomaquée tentera de négocier, mais le vendeur appellera à la rescousse ses collègues qui se chargeront d'expliquer à la dame qu'elle n'avait qu'à s'exécuter, accepter ce diktat ou laisser sa place aux autres acheteurs qui eux ne rechignent pas à acheter le kit-abats complet : comprendre par là poumons, rate, foie et cœur. Résignée la dame quitera les lieux sans pouvoir ainsi avoir droit à sa petite tranche de foie annuelle. Pas de pain, pas de viande, pas d'abats, bonne fête quand même. Les Algérois, depuis plusieurs années ont appris à vivre et à subir passivement, durant les jours de fête, la démission totale des commerçants de proximité. Inutile de chercher à vous procurer la moindre baguette de pain, la grande majorité des boulangers préferant laisser leurs rideaux baissés au mépris de toutes les lois du commerce. Même les pharmacies se mettent aux abonnés absents, il ne faut surtout pas tomber malade un jour de fête. En fait avant-hier, premier jour de l'Aïd, juste après avoir procédé aux sacrifices rituels, Alger était pratiquement ville morte. Les femmes affairées aux cuisines pour le nettoyage fastidieux des abats tandis que les hommes retenaient leurs souffles, les sens exacerbés par les arômes alléchants, promesses du futur festin, le signal de départ pour mettre en branle fourchettes et couteaux. Les enfants après avoir versé quelques larmes sur le mouton, compagnon de leurs jeux pendant quelques jours se joindront eux aussi à la «zerda» gargantuesque. Il reste les autres : ceux qui n'ont pu acheter l'ovin de toutes les convitises, dont le plus famélique a été cédé à deux fois et demi le SNMG. Ceux-là se sont rabattus sur les boucheries, faisant le sacrifice d'une bonne partie de leurs salaires pour offrir des grillades ou un couscous à la viande rouge à leurs familles. Les bouchers ont bien sûr profité de cette aubaine pour gonfler de façon indécente des prix déjà prohibitifs. Mais les parents, quitte à s'endetter, n'ont pas eu trop le choix afin de ne pas frustrer leurs enfants humant les arômes émanant de chez le voisin. À 10h du matin, la veille de l'Aïd les étals des boucheries étaient complètement vidées. À El-Biar une seule boucherie, proposait encore abats, viandes ovine et bovine. Une dame, son petit couffin vide à la main, regarde longuement le présentoir d'un regard vide avant de se décider à demander d'une toute petite voix le prix du foie de mouton, entre haut et bas l'un des vendeurs lui répond : «1.800 D !». La dame observe encore un long moment d'hésitation, faisant peut-être un rapide calcul mental, puis se décide enfin à demander au serveur de lui peser trois petites tranches. Le commerçant, la toisant de toute sa hauteur, lui explique d'un ton tranchant que si "elle veut du foie il faut qu'elle prenne également la même quantité de cœur". La dame estomaquée tentera de négocier, mais le vendeur appellera à la rescousse ses collègues qui se chargeront d'expliquer à la dame qu'elle n'avait qu'à s'exécuter, accepter ce diktat ou laisser sa place aux autres acheteurs qui eux ne rechignent pas à acheter le kit-abats complet : comprendre par là poumons, rate, foie et cœur. Résignée la dame quitera les lieux sans pouvoir ainsi avoir droit à sa petite tranche de foie annuelle. Pas de pain, pas de viande, pas d'abats, bonne fête quand même.