El Watan Après avoir décrit le pouvoir algérien et ses servants comme les décrit Poutakhine, vous ne devriez tout de même pas être surpris par ce qui vous arrive… Rencontré récemment à Paris où il séjourne depuis la saisie musclée de son livre, l'auteur de Poutakhine, Mehdi El Djazaïri, ne cache pas sa colère et son dépit. Oui, bien sûr, j'ai été très surpris et je suis encore choqué par les réactions et les dérives régime dévoyé et de ses servants zélés à mon encontre et contre ma famille. Regardez maintenant comment l'actualité me donne raison, regardez comment elle rattrape et démasque ce régime. Toute honte bue, ils disent ne pas être au courant. Que raconte mon livre de plus que ce qu'écrivent et rapportent tous les jours les journaux algériens et étrangers ? Mon livre ne raconte rien de plus que ce qu'écrivent et décrivent tous les jours les journaux algériens. C'est donc tous les jours que des journalistes propres et courageux écrivent et réécrivent, mieux et plus que moi, Poutakhine. Moi, j'ai toujours écrit ainsi ; avec mes tripes, avec mon cœur, avec ma sueur. La chronique « La République couscoussière » que j'animais chez vous, à El-Watan (1997/2001) était écrite dans la même veine et dans le même style ; avec plus de cinq cents papiers, je n'ai jamais eu le moindre procès à ce jour. Poutakhine n'invente rien ; il restitue seulement les souffrances et les colères quotidiennes et vraies du peuple. Je demande seulement, j'implore même mes accusateurs de l'ombre de me faire juger. Mais ils ne le feront pas, jamais. Parce qu'ils savent que mon procès sera le leur. Jugeant Poutakhine, ils jugeront d'abord les colères de tout un peuple criant famine et justice et que mon humble récit restitue fidèlement, sans rien y ajouter. Poutakhine c'est seulement cela : rien de plus. Mais là, à ce jour, officiellement, rien ne m'est reproché. Tout se passe en dehors de tout cadre judiciaire, de tout cadre légal, en dehors de toute morale. Parce qu'ils n'en ont pas, eux, de morale. Je subis toujours les représailles et le harcèlement permanents. Le pire, alors que je me trouvais hospitalisé en urgence à l'étranger pour un grave problème de santé (AVC) une ISTN (Interdiction de sortie du territoire national) est lancée contre moi. Pour mieux me condamner à une mort certaine. Pour m'empêcher de me faire soigner à l'étranger avec les seuls moyens de ma famille et de mes amis. Regardez à quelle extrémité pousse la haine, eux qui, au moindre bobo, se font soigner en France, en Suisse, en Irlande aux frais du contribuable algérien. Pourtant, votre livre a été édité, imprimé et distribué dans un cadre légal et réglementaire… Oui, bien sûr, tout était en règle. A la conférence de presse de présentation du livre, tout le monde était là, y compris la DGSN, la gendarmerie, le DRS, des cadres supérieurs, la presse, des représentants du pouvoir, des syndicalistes, des intellectuels, universitaires, enfin le Tout-Alger. Le livre s'est vendu le plus normalement du monde pendant dix jours et puis, brutalement, c'est la cata ; le pouvoir lâche ses meutes contre moi et ma famille… Mais que s'était-il donc passé puisque le pouvoir a pris tout son temps pour lire et, au besoin, refuser votre manuscrit ? Il ne s'est rien passé, sauf qu'à la veille du Salon du livre, un quotidien arabo-baâthiste, qui a toujours sévi dans la presse arabophone, a ouvert sa une avec ce titre incendiaire : « Khalida Toumi autorise la vente d'un livre qui insulte Bouteflika ». Vous connaissez la suite. Descentes de la police, aux bureaux, à mon domicile, chez les libraires, à l'imprimerie, saisie de tous les exemplaires du livre et, plus grave encore, saisie de tous les outils de travail de mes enfants, des archives, des supports et tous les progiciels en mémoire ; un vrai hold-up professionnel. Depuis, l'entreprise est fermée, sans aucune activité et mes trois enfants réduits au chômage. Même des travaux en cours ont été saisis. Et tout cela sans aucune décision de justice. Seulement le fait du prince régnant. Ils appellent ça un Etat de droit. M. Zerhouni dit qu'il n'y est pour rien, car il ne gère pas la Culture. Mme Toumi, tout en m'insultant copieusement comme elle l'a fait pour M. Benchicou, déclare n'être en rien concernée parce qu'elle ne gère pas la police. Ah bon ! Le ministre de la Justice, comme toujours, fait le mort. La police judiciaire déclare agir sur les ordres du parquet, lequel ignore à ce jour les plaintes et requêtes qui lui ont été adressées. Est-cela un Etat de droit ? Mais en quoi vos enfants sont-ils responsables de l'écriture de votre livre ? En rien. En fait, la police et ceux de l'ombre qui les télécommandent, en démantelant mon entreprise, Institut Abassacom, croyaient m'atteindre directement et personnellement. Ils ignoraient que depuis ma première grande alerte médicale et ma première hospitalisation, mes enfants ont repris les choses en main en créant leur propre entreprise dont ils sont les seuls actionnaires. A ce jour, je ne suis qu'un simple salarié chez mes enfants quand l'état de ma santé le permet. Tout ce que j'ai pu gagner en argent, je l'ai investi dans la tête de mes enfants pour en faire de vrais experts en sondage et en techniques de mesure des opinions. Ils ont tous étudié en France, en Espagne et aux USA avec le seul argent de ma sueur et pas un seul centime du contribuable algérien. Parce que j'ai travaillé dans la majeure partie des pays du bassin méditerranéen… Mes enfants n'ont jamais été boursiers à l'étranger comme le sont les enfants du pouvoir dont les plus gâtés sont boursiers et salariés de Sonatrach…entre autres. Quelle honte ! Mais il se dit et s'écrit que tous vos marchés proviennent essentiellement du secteur public… C'est faux. Dans nos meilleures réussites avec le secteur public algérien, on n'a jamais atteint plus de 10% de notre chiffre d'affaires. Nos bilans sont publics et accessibles en permanence au BOAL. Ceci dit, on ne peut rien contre les ragots et la médisance. La seule faute de mes enfants c'est de m'avoir libéré de mon travail comme on libère un esclave. Pendant qu'ils réalisaient de bons et grands sondages qui dérangeaient le pouvoir, moi j'écrivais Poutakhine… C'est cela leur complicité. Et là, ils sont punis à ma place et bien plus… C'est là aussi que se nichent la lâcheté et la faiblesse d'un pouvoir trop faible, qui frappe trop fortement, démesurément mes enfants en voulant m'atteindre, même s'il est vrai que c'est toujours par là qu'un père reste vulnérable. Que va faire la police algérienne avec le progiciel Destin saisi, que mon fils Mehdi a passé six mois à peaufiner et à perfectionner à l'Université de Chicago et au pôle d'excellence Léonard de Vinci de Paris ? Peut-on mettre la science en prison ou sous séquestre ? Jamais. Mon fils se remet déjà au travail pour créer d'autres progiciels, d'autres programmes, d'autres logarithmes, d'autres matrices. Leur entreprise redémarrera en Algérie ou ailleurs. Mais qu'aura gagné la police dans cette destruction punitive et gratuite ? Qu'auront gagné les ministres de l'Intérieur, de la Justice, de la Culture et bientôt le ministre des Finances contre des enfants peu préparés à se défendre contre cet ordre ? Je les ai préparés à tout sauf à cela… Ils apprendront à se battre. Vous parlez de représailles et de harcèlements contre vos enfants, pouvez-vous être plus précis ? Bien sûr que je serai concret. Ma maison, mon bureau sont à ce jour sous surveillance policière H24 pour recenser mes visiteurs. Le ministre préposé à la communication a déclaré publiquement qu'il ne paiera pas ceux qui insultent le Président. Pourtant, ni moi ni mes enfants n'avons jamais, au grand jamais, insulté le Président. Notre éducation nous l'interdit. Critiquer et contester oui ; ce qui est très différent. La Constitution l'autorise et le garantit… Alors, tenez-vous bien, ce haut responsable de l'Etat algérien refuse de payer une prestation qui lui a été fournie par mes enfants sur la base d'une convention, d'un devis, d'un bon de réception de travaux et d'un certificat de service fait. M. Mihoubi refuse à ce jour de payer le travail fait par l'Institut Abassacom sous la direction de Nesrine Abassa, sémioticienne émérite primée à Locarno et Sacramento. Des travaux précis ont été fournis à ce ministre (04 avant-projets de lois lui ont été fournis – publicité, sondage, radios locales et audiovisuel). Son refus de payer est étayé par l'insulte et le déni de droit. Il refuse de payer, juste après la parution de Poutakhine, un travail que son département ministériel ne sait pas faire. Même quand il est acculé par ses propres collaborateurs sur l'inanité de ses propres arguments, il trouve, à la manière de l'épicier, que c'est trop cher payé ; 820 000 DA pour 03 experts durant trois mois de travail ; moins de 50 000 DA/mois par expert. MM Khelil et Temmar payent aux étrangers des travaux similaires en millions de dollars. L'Institut Abassa ne paye pas la « chippa » ni ne fournit des études bidon bricolées. Mais ce n'est pas du harcèlement, au pire c'est un cas ou deux isolés… Mais non, pas du tout. Il s'agit bien d'un harcèlement organisé, coordonné même. L'ENTV à son tour, juste après la sortie du livre, dénonçait de fait une convention qui la liait de jure à l'Institut Abassacom. Pire, elle interdit toute couverture ou évocation de Poutakhine et censure toute information sur le livre. Une émission de présentation de Poutakhine dans Canal Algérie a été stoppée in extremis et interdite à ce jour. Idem pour A3 et l'Unique. Plus aucune commande à ce jour sur instruction des chefs du dedans et du dehors. Pour leurs études, ils font appel aux copains et aux charlatans. L'ENRS, à son tour, au nom des solidarités tribales et wilayales bien connues, après la sortie du livre, interdit à toutes ses chaînes uniques toute information sur Poutakhine. Elle a coupé, pour la mesure de ses audiences, tout contact professionnel avec l'Institut Abassacom. Toujours en termes de harcèlements prémédités et organisés, j'évoquerai ici le comportement de ce ministre de la Justice qui s'autorise de violer personnellement la morale et les lois de la République pour interdire à ce jour la sortie de mon journal. Voilà 27 mois que ce ministre m'empêche de sortir mon journal en violation flagrante de la loi… Au même moment, il autorisait la sortie de 13 publications privées qui partagent la particularité remarquée de faire la brosse au régime en place. Je ne vous raconterai pas l'épisode de cette entreprise publique d'impression qui n'est pas l'ENAG qui a déprogrammé Poutakhine à la dernière minute ; sur ordre venu de très haut, disent-ils. Y a-t-il plus haut que Dieu ? En Algérie si, semblent croire certains. Pas moi, non. Des satisfactions tout de même ? Et si c'était à refaire ? Des satisfactions, oui beaucoup. Malgré tous les préjudices matériels, moraux et psychologiques, malgré tous les problèmes de santé que j'ai pu surmonter grâce au soutien et à l'accompagnement constants de la famille et des amis, je m'en sors encore plus renforcé, plus déterminé que jamais, aguerri et conforté dans mes convictions intimes. Je n'oublierai jamais ces milliers de marques de soutien et de sympathie. Je n'oublierai pas ce geste magnifique de ce citoyen de Béjaïa qui s'est spontanément proposé de remplacer tout le matériel informatique de mon fils saisi par la police. Je n'oublierai pas les marques de soutien du Café Littéraire de Béjaïa… Mille fois merci. C'est pourquoi, si c'était à refaire, je réécrirai cent fois Poutakhine. Le mot de la fin… Pour moi, il n'y a ni début ni fin. Il y a le présent duquel nous sommes toujours comptables. Pourtant, je suis croyant et de nature optimiste. Mon cas n'est qu'un tout petit cas comparé aux millions d'autres qu'ont subis mes compatriotes.