Le Soir d'Algérie, 29 avril 2010 L'Institut national de la productivité et du développement industriel (Inped) de Boumerdès fait l'objet d'une enquête menée par les services du Département du renseignement et de la sécurité (DRS). Des doutes pèsent sur un marché, libellé en euros, passé par cet institut qui dépend du ministère de l'Industrie et de la Promotion des investissements que dirige Abdelhamid Temmar, un des proches du président de la République. En effet, et selon nos informations, des officiers du DRS se sont présentés à l'Inped, sis à Boumerdès, pour demander certains documents. Ils ont aussi sollicité des informations sur un marché de prestations de service, d'un montant 47 894,75 euros, signé le 11 avril 2009, le jour même de l'exécution de l'objet de cet accord. Par ce contrat, passé de gré à gré, la Sarl Fidusam basée en Suisse s'engageait à dispenser 28 journées de formation au profit des formateurs de l'Inped. La journée est facturée, selon les termes du marché, à 1 300 euros, hors taxes. Il est spécifié dans le contrat que les taxes – 24 % du montant — sont à la charge du client. Les enquêteurs veulent savoir, selon nos informations, si la prestation a été réalisée en totalité, comme convenu contractuellement. En outre, ces enquêteurs voulaient savoir pourquoi ce marché n'a pas été agréé par une commission des marchés, comme l'exige la loi, et pourquoi l'Inped n'a pas consulté les écoles algériennes qui dispensent cette même formation, portant sur le nouveau système comptable et financier (CSF) référencé IAS/IFRS. En effet, des écoles algériennes font apparaître régulièrement des annonces publicitaires à ce sujet. Nous avons sollicité, par écrit, le directeur général de l'Inped, M. Abderrahmane Mouffek, sur ces points ainsi que d'autres volets de ce dossier. Mais aucune réponse ne nous a été donnée. L'agent du Bureau d'ordre général de l'Institut aurait même été réprimandé pour le fait d'avoir réceptionné notre lettre. Certaines questions sur cette affaire restent pour l'heure sans réponse. L'une d'elles se rapporte aux destinataires de cette formation. Dans la liste des quinze stagiaires qui l'ont suivie, figurent sept experts comptables et un commissaire aux comptes. Il s'agit donc de professions libérales. Ces personnes sont-elles liées par un contrat de formation avec l'Inped ? Ont-elles remboursé leurs parts de frais de formation ? Quel l'intérêt a l'institut à dépenser de l'argent, en devise, pour former un agent à la retraite, un second en situation de préretraite et un troisième lié par un contrat à durée déterminée (CDD). Par ailleurs, le fournisseur n'aurait pas accompli toutes les prestations prévues par le marché. Dans une lettre signée par le directeur des études et conseil (DEC) de l'Inped, au gérant de la Sarl Fidusam, qui est en même temps le formateur, il a été signifié à ce dernier qu'il ne lui sera payé que 26 000 euros (hors taxes), alors que le marché conclu prévoit un montant de 36 400 euros, en hors taxes également. Le signataire de cette lettre motive le refus de l'Institut de payer la totalité de la somme par la non-remise des supports et du rapport d'évaluation, ainsi que par le constat d'insuffisances pédagogiques de ladite formation. «En quasi-totalité, les participants sont des consultants (experts-comptables) et des opérationnels de la comptabilité (personnel comptable de l'Inped), c'est-à-dire des praticiens et non des enseignants», peut-on lire dans cette lettre. La sélection des participants a été faite par le client, c'est-à-dire l'Inped. C'est, en outre, pendant le déroulement de cette formation qui, au vu du marché, a normalement duré 28 jours, que l'on a décelé des insuffisances. Cette lettre souligne certaines suspicions sur ce marché, dont la valeur en service n'aurait pas été réalisée. C'est l'une des questions adressées au patron de cet établissement de formation, restée sans réponse. Par ailleurs, nos sources affirment que les enquêteurs du DRS ont pris connaissance d'un message électronique adressé par le gérant de la Sarl Fidusam, M. Salem Sam, à la Direction générale de l'Inped et au Département ministériel de M. Abdelhamid Temmar. Dans ce message, M. Salem Sam accuse un responsable de l'Inped de faire pression sur lui en vue d'obtenir une compensation financière. Sur cette question précise, nous n'avons pas, non plus, eu droit à des éclairages de la part du numéro un de l'institut. Sur le plan des relations commerciales contractuelles, comment l'Inped ne pourrait pas craindre des retombées judiciaires préjudiciables, au regard de cette volte-face et du reniement d'un engagement, si, bien entendu, tout a été fait dans les normes légales et dans la transparence ? Y aurait-il eu connivence entre les deux parties ? L'enquête le déterminera probablement. Il y a lieu de noter que les représentants des travailleurs ont, en temps utile, dénoncé ce contrat, le jugeant inopportun et coûteux. Mais il ont été vertement éconduits par leur DG. Ramifications ministérielles Suite à ce dossier, les enquêteurs pourraient étudier d'autres pistes, comme celle de la sélection et du recrutement de cadres dirigeants. Nous disposons une copie du placard publicitaire de recrutement d'un DG à l'Inped. Il est exigé des candidats un doctorat et une qualification complémentaire en management. Ce que l'actuel DG ne possède pas. L'on susurre que le cabinet d'études qui a réalisé cette opération de recrutement appartiendrait au fils d'un haut et puissant dirigeant du ministère de l'Industrie et de la Promotion des investissements (Mipi). Les enquêteurs seront probablement intéressés par la question des types de relations qu'entretient ce bureau d'études, des commandes du Mipi ou d'autres structures ministérielles qu'il a reçues, ainsi que des montants réglés. Pour revenir au volet recrutement, ce bureau d'études s'est contenté, selon ce que l'on a comme information, d'embaucher deux personnes, dont l'actuel DG de l'Inped, qui étaient employées par un autre bureau d'études qui a également travaillé pour ce ministère.