Le Quotidien d'Oran, 26 juin 2010 Deux enseignements peuvent être tires de la grève générale «illimitée» au complexe sidérurgique, qui s'est terminée jeudi par un échec et la démission de Smaïn Kouadria, secrétaire général du syndicat de l'entreprise. Le premier concerne le syndicat UGTA lui-même. Tout dans cette affaire a semble bien étrange. Des milliers de travailleurs réunis en assemblée générale qui donnent leur aval pour la grève et la même assemblée qui vote sans coup férir la reprise du travail. Il ne sert a rien de se demander laquelle des assemblées générales, la «gréviste» ou «celle qui reprend le travail», est la plus sincere. Par contre, il faut constater ce n'est pas nouveau que dans le fonctionnement de l'UGTA, la voix des travailleurs pèse peu et celle des appareils pèse tout. En démissionnant de son poste, Smaïn Kouadria a quand même livre des bribes sur les conditions du lancement d'une grève dont le bien-fondé n'était pas évident pour tout le monde. Kouadria explique que le secrétaire général de l'UGTA, Sidi Saïd, l'a encouragé à défendre l'application de l'avenant sur la revalorisation des salaires décidé par la dernière tripartite. Ce qu'il a fait – en lançant la grève, avant d'être lâché sans autre forme de procès par l'UGTA. L'union locale s'est permis de rendre public un communique qui a change totalement la nature de la discussion engagée entre Kouadria et la direction d'ArcelorMittal. Smaïn Kouadria a peut-être interprété de manière «trop syndicale» le souhait de Sidi Saïd de le voir entrer en négociation pour l'application de l'avenant, mais le traitement que lui a fait la centrale est, lui, tres «peu syndical». Le fait de s'adresser directement aux travailleurs, sans passer par le syndicat d'entreprise, est un désaveu que la décision de justice décrétant l'illégalité de la grève n'explique pas. Il est fort probable que l'UGTA est intervenue contre la grève sur injonction politique. Dans un pays ou les IDE n'affluent pas – c'est un euphémisme -, la grève a ArcelorMittal pour des motivations peu claires. La direction du complexe faisait valoir que les travailleurs étaient mieux lotis qu'avec l'application de l'avenant – pouvait être suspecte de motivations politiciennes. Kouadria lui-même, en enfourchant la «tendance», suggérait même que l'on pourrait aller jusqu'a la renationalisation du complexe. La justice algérienne ayant tranché contre la grève, son maintien donnait ainsi corps a l'explication politique. A l'évidence, le gouvernement algérien, a qui l'on reproche de mener une politique qui dissuade l'arrivée des IDE, a estime que le conflit d'El-Hadjar débordait. Ce qui explique pourquoi Smaïn Kouadria a été débarqué sans ménagement par la centrale syndicale. Le second enseignement est que le complexe d'El-Hadjar n'est qu'une toute petite partie d'un groupe mondial – le moins important, selon Messaoud Chettih, ancien Pdg de Sider – ou la rationalisation peut entrainer l'abandon de segments entiers de l'activité au complexe. C'est au fond le véritable problème qui était caché par cette grève perdue de l'avenant. Et s'il est reste «caché», c'est qu'il n'existe pas de réponse fondée à la volonté d'une entreprise mondialisée de chercher la rationalité économique. Sauf, bien sur, a appeler a la «nationalisation», comme le font certains plus par habitude que par reflexion.