Commerce aux alentours des cimetières durant l'Aïd Une vie autour des tombes El Watan, 12 septembre 2010 Le phénomène n'est pas nouveau, certes, mais il prend de l'ampleur. Le commerce devant les portes et à l'intérieur des cimetières semble florissant, au point où toute une batterie d'organisation est en train de se mettre en place. Cette année, pour les fêtes de l'Aïd El Fitr, les citoyens, médusés, ont assisté à la mise en place d'une nouvelle forme de structuration de cette vie qui existe autour des cimetières, donc pas seulement un royaume pour les morts. Etonnés étaient tous ceux qui ont vu l'arrivée au niveau de la capitale, à la veille de la fête de l'Aïd, d'un certain nombre de personnes pour prendre place devant les portes du cimetière de Garidi. D'autres ont été acheminés, dans une parfaite organisation, sous l'œil vigilant de celui qui devait être le chef d'orchestre, vers le cimetière de Sidi M'hamed. C'étaient en fait des mendiants qui se devaient d'occuper des points stratégiques. Des enfants, des femmes, des couples, des vieillards, des personnes handicapées, chacun dans sa catégorie reconnaissait sa place, et tout manquement à cette organisation était sévèrement réprimandé par ceux qui veillaient à cette mise en ordre. La deuxième étape était de remettre des «ustensiles» pour la mendicité. Des vieux vêtements, des chaises roulantes vétustes, des morceaux de cartons ou paillassons. A des enfants en bas âge, on répétait les directives à suivre, alors que les vieillards se faisaient rappeler qu'il ne fallait pas parler durant l'acte de mendicité, mais tendre la main seulement. Toute cette mise en place se faisait en public, faut-il le souligner. Dans le convoi, il faut noter l'arrivée des marchands de fleurs et autres herbes qui seront proposées aux visiteurs. Là aussi, une organisation parfaite, puisque chaque groupe a pris position dans ses quartiers pour entamer son travail en plein milieu de la nuit et qui consistait à préparer les petits bouquets de fleurs. Dans cette organisation qui semblait bien huilée, une autre répartition avait lieu. Il s'agit des gardiens de parking où chaque jeune s'est vu délimiter un «territoire» avec des consignes bien précises, comme celle qui consiste à user d'un langage très convivial avec les automobilistes, sachant que les déplacements se font généralement en famille. Aucun gourdin n'est autorisé. Mais voilà que les jeunes du quartier, devant ce mouvement inhabituel, marquent leur présence tout en signifiant que le gardiennage du parking est à négocier. Des discussions en aparté s'ensuivront pour aboutir, certainement, à des compromis puisqu'aucun écart de langage n'est à signaler. Ce n'est pas fini, puisqu'au bout de la nuit ce sont les marchands de jouets – par tradition c'est aussi la fête des enfants – qui arrivent pour installer leur marchandise. Vers deux heures du matin, tout était fin prêt. Les nouveaux «locataires» des lieux peuvent s'assoupir un peu. Pas trop car juste après ce sont les services de sécurité qui arrivent pour installer des barrières de délimitation. Des reculades, des petits gestes d'énervement, un petit flottement, puis tout rendre dans l'ordre, car la patience est la vertu d'un mendiant. Le juste milieu est donc trouvé. Au petit matin, ce sont les gars du service de gestion du cimetière qui trouveront du mal à se frayer un chemin jusqu'à la porte d'entrée. Les mendiants ne sont pas autorisés à pénétrer à l'intérieur du cimetière ; pourtant, quelques minutes plus tard ils sont presque tous dedans. Le travail peut commencer. Le cimetière devient alors un grand souk où seul le langage de l'argent a cours. Les familles se voyaient presque obligées de faire de la charité à ceux qui ne sont pas forcément condamnés à mendier. Cela s'est vérifié en fin de matinée lorsque les «indus» occupants ont quitté les lieux en laissant derrière eux les aliments offerts, comme le pain, le lait où les gâteaux. Le retour s'est effectué dans une bonne organisation, sans attirer le regard des curieux. Le cimetière venait d'être libéré. On retiendra que s'il existe des personnes qui ont squatté des espaces dans les cimetières pour construire des baraques, d'autres ont font un lieu de travail pas forcément licite.