In Liberation.fr Tensions . Alors que Tripoli reste calme, les manifestations violemment réprimées essaiment dans le pays. Bilan : au moins 22 morts. Par ARNAUD VAULERIN, MADJID ZERROUKY La «journée de la colère» a viré en émeutes meurtrières en Libye, hier. Depuis mardi, au moins 22 personnes auraient été tuées lors d'affrontements dans le nord-est du pays entre forces de sécurité et opposants au colonel Muammar al-Kadhafi, au pouvoir depuis 1969. Au troisième jour d'un mouvement de contestation qui s'étend, Benghazi, deuxième plus grande ville du pays, à 1 000 km à l'est de la capitale, Tripoli, a de nouveau été le théâtre de violences. Des témoins ont indiqué au site d'opposition Libya al-Youm avoir dénombré 6 morts. La ville a connu plusieurs manifestations, selon des informations difficiles à vérifier. Snipers. Ainsi, 5 000 personnes se seraient rassemblées, hier, dans le quartier Al-Shabi, près du tribunal. Des avocats et des juges étaient descendus dans la rue pour réclamer une Constitution, abrogée en 1977 par Kadhafi. Avenue Nasser, dans le centre-ville de Benghazi, un défilé de 2 000 à 3 000 manifestants aurait essuyé des «tirs nourris». Dans le même temps, plusieurs utilisateurs de Facebook et Twitter mentionnaient la présence d'hélicoptères, confirmée par des vidéos mises en ligne. D'autres indiquaient que des snipers avaient été vus sur les toits de la ville. «De nombreux blessés ont été dirigés vers l'hôpital Al-Jala, où les urgences étaient pleines hier en fin d'après-midi», selon Libya al-Youm. Al-Bayda a elle aussi été survolée par les forces de sécurité, où trois gros-porteurs militaires auraient atterri hier matin. Située près de la frontière égyptienne, la troisième ville du pays semble avoir connu de graves troubles qui pourraient avoir fait 14 victimes, d'après le même site. Ils auraient démarré après la prière aux deux victimes de la veille, Khaled Khanfer et Saad el-Yamani. Les affrontements entre pro-Kadhafi et proches des deux victimes auraient fait 15 blessés. La contestation a donc essaimé. Des manifestations violentes se sont déroulées à Zenten (au sud-ouest de Tripoli), où plusieurs personnes ont été arrêtées et des bâtiments officiels incendiés, selon le journal Quryna, sur son site. Des débrayages et des échauffourées auraient aussi eu lieu à Darnah et Mesratah. Sans compter les arrestations d'activistes et de militants. En revanche, tout semblait calme dans la capitale, où le pouvoir a fait défiler ses partisans. La veille, ces derniers s'étaient montrés menaçants, via des SMS : «Si vous descendez dans les rues, on vous tirera dessus.» Mais les autorités ne sont pas restées dans le seul registre de la menace. Le ministère de l'Intérieur a limogé, hier, un haut responsable des services de sécurité d'Al-Bayda, après la mort des deux manifestants. Selon Quryna, proche du pouvoir, «le Congrès général du peuple [l'Assemblée libyenne, ndlr] se réunira lundi à Tripoli pour opérer des changements dans les modes de gouvernance et des remaniements dans l'administration». Le pouvoir tente de parer au plus pressé. En berne. Si l'on en croit un document officiel diffusé hier par le site Al-Watanona, la contestation aurait gagné les forces de la sécurité. Un courrier en date de mercredi et signé du «frère directeur des opérations et des interventions d'urgence» se lamentait du moral en berne des troupes et de «certains officiers de la police […] protestant contre les ordres de recours à la force». Avant de demander des moyens supplémentaires dans l'est du pays. «Depuis les années 90, le régime tente de contrôler cette région, souvent placée en état d'urgence, qui a toujours refusé la révolution de Muammar al-Kadhafi, analyse Luis Martinez, du Ceri-Sciences-Po. Cette partie du pays a toujours montré un attachement à la monarchie que le guide libyen a abrogée en 1969. Ils ont ensuite soutenu le Groupe islamique de combat libyen, avant d'être ostracisés et privés des bénéfices de la rente pétrolière.» Les révolutions tunisienne et égyptienne ont fini de mettre le feu aux poudres. Lectures: