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L'Algérie: des réformes profondes ou des replâtrages superficiels?
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 09 - 06 - 2011


Kamal Guerroua universitaire algérien.
«…Être arabe à 20 ans […] Avoir 20 ans, sans qualification ni foyer, c'est errer dans des rues bondées et ne pas croire un mot des régimes autoritaires, corrompus et impotents…»
Djamel Eddine Bencheikh (1930-2005), écrivain et poète algérien
Depuis presque deux décennies, la trompette des réformes sonne sans cesse dans le milieu politique algérien; un nouveau lexique politique aurait fait florès et un ballet de restructurations en tout genre y défile. De la justice à l'éducation, de la fonction publique à l'enseignement supérieur et du secteur de la santé aux institutions étatiques, tout est à réordonner. Ce qui a donné une vague impression d'immobilisme institutionnel et de dégénérescence fonctionnelle du régime politique en place. A preuve que l'on ne réforme que ce qui est déjà déformé. Or dans le cas extrêmement pathologique de l'Algérie; tout est sujet aux réformes. Donc l'on se tromperait lourdement si l'on voulait affirmer mordicus aux plus hautes instances du sérail politique que l'Etat est en bonne santé politique, économique, sociale et morale. Ce qui ne serait du reste qu'une simple parade de rhétorique, vide de toute charge sémantique.
L'Algérie est malade comme d'ailleurs tous les autres pays arabes, cela a toujours été vrai mais pas autant que maintenant. Que l'on songe aussi bien ne fût-ce qu'un instant aux périodes très critiques voire cruciales qu'a vécues notre pays, les événements d'Octobre 88 et la décennie noire des années 90, on en tirerait à foison des leçons autant pertinentes qu'amères. Cette terrible pathologie bureaucratique qui a refait surface ces dernières années aurait agi telle une chenille processionnaire venimeuse en gangrénant toutes les institutions de l'Etat. Le régime s'est en fait subitement régénéré de ses cendres en s'octroyant le rôle peu honorifique de «fournisseur despotique» par excellence, au lieu de se fondre dans le statut d'«apprenti démocratique». En dépit de la sanglante parenthèse islamiste où les rênes du pouvoir semblent échapper aux caciques du parti unique reconvertis en démocrates de circonstance, le régime politique a réussi à pérenniser et à se réactualiser avec machiavélisme grâce à ses stratégies, atermoiements, et tergiversations divers en jouant la carte gagnante des réformes à chaque fois que son entité existentielle est cruellement remise en cause. Les années de braise semblent en réalité être les surfaces réfléchissantes du malaise algérien car les dégâts matériels, le gâchis structurel et le traumatisme psychosocial qu'ont provoqués tirent parfaitement à conséquence quoique le travail de sape du terrorisme ait été contrecarré par l'élan de solidarité nationale sans commune mesure dans l'histoire récente de l'Algérie, lequel est fomenté par les segments résistants et actifs de la société civile. L'on a assisté, dans la foulée et dans un laps de temps relativement très court à un rétrécissement épouvantable de la mainmise de l'Etat sur les espaces citoyens; celui-là, c'est-à-dire l'Etat, n'est guère conçu comme source de respect de valeurs patriotiques, de citoyenneté authentique et d'institutionnalisme fort, bien au contraire, il s'est dégringolé au rôle peu reluisant de simple régulateur instantané de la machine rentière. Tous les ingrédients pathogènes, constitutifs de la sclérose institutionnelle, de la crise de légitimité et du fixisme procédural s'y trouvent déjà là bien réunis. Pour comprendre la réalité algérienne, il s'agit au fait de voir les choses dans leur vivante indépendance pour se rendre tout de suite compte que les appareils d'Etat se font, se refont et se défont au gré des circonstances, des conjonctures et des conjectures de toutes sortes et non plus sur la base de programmes, perspectives et planifications.
En ce sens, la logique néo-patrimoniale dont a parlé si judicieusement le sociologue algérien Lhouari Addi, arguant que le corpus comportemental, l'arsenal de gestion et les schèmes de pensées des élites sont hérités de la vieille garde nationaliste, est une constante plus qu'éloquente dans le jeu politique algérien. Elle a négativement influé sur l'Algérie post-indépendante et plus particulièrement sur l'Algérie post 88. C'est exactement là où la bât blesse, la société politique algérienne n'a pas pu, pour ainsi dire, créer une autre voie efficace de gestion du politique et mettre au monde une méthode spécifique de politisation du social, pour s'en convaincre, il suffit de jeter un coup d'œil furtif sur tous les partis politiques algériens sans exception aucune pour se rendre aisément à l'évidence que l'alternance au pouvoir est devenue lettre morte, le culte du personnalisme une culture enracinée, et la transparence dans la gestion, une fidèle participante aux grands abonnés absents. Il en va de même de la société qui, au lieu de s épanouir pleinement et en toute autonomie cherche désespérément un parent tutélaire en compensation d'un Etat défaillant et d'une société civile léthargique. C'est pourquoi, elle a fait le tour et le détour, du dehors de la sphère sociale pour gagner le dedans de l'arène politique. Force est de constater à cet effet que presque tout le monde en Algérie rêve d'être responsable mais personne ne veut être confiné au poste subalterne, tout le monde cherche des droits mais plus personne n'essaie de se plier aux devoirs, et c'est là que l'anarchie des sens a ravi la vedette au vrai sens civique, à ce genre de pensée pensante pour reprendre les termes de Bourdieu.
Ce phénomène s'explique à merveille lorsque l'on constate de visu qu'en Algérie il n'est plus question d'individualité collective mais de collectivité individuelle. En ce sens, l'individualisme des sociétés occidentales post-industrielles s'est déteint en ses formes les plus répulsives sur la réalité socio-culturelle algérienne car ce ne sont plus les valeurs du travail, de la rentabilité, et de l'efficacité qui sont absorbées par notre tissu social mais ce sont cependant les valeurs d'égoïsme, du culte de soi et du matérialisme qui y ont pignon sur rue, c'est dire combien le revers de la médaille de la politique économique du Bazar engagée par nos politiques durant les années 80-90 a trouvé sa plus parfaite explication dans l'Algérie de 2011. Pour en revenir toutefois à l'origine des réformes politiques actuelles et nous en tenir à leurs aspects les plus voyants à savoir le volet ayant trait au régime politique, il conviendrait de dire au passage qu'il n'y a apparemment plus de volonté sérieuse de la part des autorités politiques de notre pays pour remettre sur rails la machine de l'Etat car quoique l'on en pense, ces réformes-là, rappelons le bien, ne se sont guère intervenues dans leur plasma germinal originel, c'est-à-dire qu'il n'existe plus une feuille de route bien tracée dès le départ allant d'un état initial à un autre terminal, c'est en cela même que se différencient les réformes factices de celles qui sont réelles. A vrai dire, dans le cas de l'Algérie, cela s'explique en partie par le manque plus que flagrant de la plus élémentaire et de la plus séminale des sources d'inspiration face à cette montée en puissance de la colère populaire, ce qui exige une cure thérapeutique totale du système socio-politique en son ensemble.
Le drame à en juger par l'ampleur de l'échec de chaque réforme entreprise, réside dans le fait que cette longue kyrielle de réformes a reçu différents noms de baptême alors qu'elles sont en réalité périphériques par rapport aux problèmes réels dont souffre la population. L'on assiste, en quelque sorte impuissants, à des replâtrages, des badigeonnages et des coups de pinceaux de dernière minute qui colmatent toutes les défaillances à part celles auxquelles ils sont destinés. C'est dans cet esprit qu'il faut détecter d'avance le fiasco pur et simple de la tentative de restauration politique ou sociale en cours car d'une part les réformes sont imposées de l'extérieur du régime politique donc inopérante et inefficiente à plus d'un titre. D'autre part, leurs initiateurs ont fait appel à de grosses pointures en partie responsables de la tragédie nationale. Et le comble, la télévision d'Etat est hermétiquement fermée à tout débat contradictoire. En ce sens, le pays continue de tourner en rond puisqu'il n'y a pas de force structurante de la démarche de refondation nationale. Certes lesdites réformes passent par des relais institués tels que le parlement et le sénat. Mais force est de constater que la démarche de ces derniers est entachée a priori d'irrégularité car leur légitimité est battue en brèche par des records d'abstention nullement vécus en Algérie indépendante. Ainsi leur légitimité s'avère-elle plus que déficitaire. Il en découle également que ces réformes négligent les masses populaires source de souveraineté réelle. C'est pourquoi, il n'est plus exagéré de dire que ce mépris-là à l'emporte- pièce vis-à-vis des classes moyennes et de la plèbe de la part des élites gouvernantes est de mauvais aloi éthique; il est donc vain d'espérer prévoir une quelconque amélioration de la situation générale du pays tant que le simple citoyen n'est pas tenu au fait de ce qui se passe aux plus hautes sphères de l'Etat et il est à craindre que pareille prétention à la réforme ne débouche sur l'imprévisible en tombant sous le couperet des «remake» des expériences passées puisqu'à défaut de recevoir un relief nouveau, elles trébucheraient inéluctablement sur les mêmes obstacles que les précédentes. Encore faut-il mettre le point ici sur l'incongruité manifeste de la démarche des autorités politiques qui, en imposant un «black-out» sur le fonctionnement du régime repoussent au loin toute velléité de faire participer le citoyen au processus de prise de décision. Dans ce cadre précis, l'on voit bien que la transparence dans la gestion est reléguée au second plan. Fort peu voient l'efficacité de telles «réformettes» par un sénat et un parlement fantoches alors que la constitution est violée, toute honte bue, sous leurs auspices dans l'intention manifeste de lever les contraintes sur la limitation des mandats présidentiels et tuer dans l'œuf le pouvoir législatif de l'assemblée populaire.
Drôle de situation et retournement de circonstances hallucinant où ceux-là même qui ont procédé au raccommodage institutionnel, illégitime de jure, prétendent aujourd'hui réformer les appareils d'Etat de façon à permettre la compatibilité de l'orientation des programmes avec la volonté des masses!! Il appert à première vue que ces réformes-là qu'elles soient en amont ou en aval manquent à la fois de crédibilité et de consistance car la stérilité menacerait automatiquement tout travail qui ignorerait les segments principaux et les forces vives de la patrie. La concertation citoyenne est, le cas échéant, la valeur rédemptrice pouvant actuellement défaire le faisceau d'inquiétudes émergentes en Algérie. Ce qui permettrait aussi à long terme de réduire le décalage élites-masses en déphasage de parallélisme entre idéologie politique et souveraineté populaire. Dans cette perspective, les compétences nationales, les hommes de bonne volonté, les cadres créateurs et constructifs devraient être associés, eux aussi, à ce train de réformes durant lesquelles ils auront l'occasion de réagir aux remous de la société en réanimant le débat national et en donnant des alternatives citoyennes car, que l'on comprenne bien une chose, le problème de l'Algérie n'est pas strictement politique, il est surtout d'ordre culturel, social et plus particulièrement moral. Passer sous silence ces autres dimensions équivaudrait nécessairement à une occultation sournoise de la réalité, à titre d'exemple, si la politique de «tout-sécuritaire» a gagné en substance et en consistance dans les arcanes du système et plus particulièrement dans l'esprit des masses, c'est en majeure partie à cause de l'enracinement de la lèpre de la peur et sa rapide diffusion dans les cerveaux des citoyens, donc la peur est une donnée culturelle avant qu'elle soit une question éminemment politique, raison pour laquelle, l'on ressent de plus en plus la peur du changement; de l'avenir incertain, du terrorisme «résiduel», et bien d'autres choses aux plus intimes recoins des bas-fonds de la société. En ce sens, il y a des angles vivants qui apparaissent à première vue morts dans la crise algérienne mais qui, dès que l'on essaie de nous projeter à l'intérieur du système, reviennent nous envahir telle une litanie de facteurs anxiogènes et d'embûches handicapantes. Ces indices-là ne trompent plus. Les crispations et les refoulements divers de la rue en disent long sur son malaise social lancinant, sur les spasmes identitaires sclérosants et sur les préoccupantes ambiguïtés provenant principalement de la boite noire du régime politique. Aussi serait-il pertinent de dire à cet égard que ces paradoxes régressifs ont malheureusement mis à rude épreuve les restes de l'espoir qui gisent dans la sève nourricière de la société. En ce sens, l'Algérie est en état de révolution latente, une révolution, pourrait-on dire, en instance et ces réformes intempestives ne sont au bout du compte qu'une greffe insignifiante sur le malheur social rampant.
Le plus décevant et le plus déconcertant est que ce syndrome de «despotisme oriental» dont aurait parlé si justement l'écrivain Montesquieu (1689-1755) dans son roman «lettres persanes», est pernicieusement létal pour la survie aussi bien de ces régimes qui en font une recette magique que pour les sociétés qui en souffrent le martyre car il les étouffe et les tue en attisant leurs frustrations et en galvanisant leurs colères ; une telle conjonction d'asphyxies meurtrières entraîne assurément une implosion inéluctable de la société et une explosion spontanée de la grogne populaire. Un régime quelconque, aussi puissant qu'il puisse paraître, s'il venait à adopter de tels schémas d'attitudes, s'enkysterait facilement d'archaïsme et tournerait nécessairement autour du socle du despotisme et rôderait à la lisière du gouffre de la révolte car la dictature n'est en fait qu'une diction violente de conduites à tenir et de comportements à adopter, elle est en termes plus anodins comme du formol que l'on appliquerait sur des organes agonisants espérant les revivifier et les redynamiser alors qu'ils sont déjà morts, les pouvoirs dictatoriaux sont alors des corps cancéreux mais chloroformés. Dans cet esprit, l'on pourrait dire que la bêtise totalitaire dans le monde arabe et plus spécialement en Algérie eut essayé tant bien que mal de pulvériser les acquis des sociétés opprimées en se renforçant sur des processus pseudo-démocratiques qui les engourdissent dans une latence réflexive et une vacance idéelle terribles, à preuve que l'Algérie aurait endurci au fin fond de son esprit et subi sur sa chair une charge immodérée du totalitarisme qui l'ait rendu perméable au conformisme social et à la floraison de tabous de tout acabit; le jeune algérien d'aujourd'hui est brisé, il ne rêve qu'à partir par tous les moyens possibles rejoindre l'Eden européen, la soupape du dialogue social est sclérosée voire rouillée et la réappropriation du destin collectif semble être un simple aveu de naïveté, d'échec et d'idéalisme les plus plats devant une jeunesse frémissante mais malheureusement désabusée.
Si la révolution du Jasmin était une expérience-pilote dans le monde arabo-musulman; c'est parce qu'en grande partie, l'intelligence sociale a été sciemment mise à contribution par l'intelligentsia et l'élite en faveur de la solidarité nationale agissante contre un régime policier rétrograde ayant mis tout un pays, des décennies durant, en coupe réglée. Il ressort que dans toute démarche sociale, et cela semble couler de source, la volonté populaire est l'antichambre par excellence du changement politique car seule une telle volonté serait de nature à entretenir une amorce réelle de métamorphose graduelle de la société. Le choc de la réalité est, paraît-il, un levier essentiel et une courroie principale pour générer une intelligence collective, édificatrice et positive où le crédo individualiste n'aurait ni de sens ni encore moins de place et où tous les dévergondages spéculatifs vont se rétrécissant et s'amenuisant comme peau de chagrin. En clair, l'on serait volontiers amené par conséquent à dire que les réformes politiques sont en première instance éducatives dans la mesure où elles concernent directement la formation de l'humain et du citoyen en permettant à chacun de s'acquitter bien mieux et plus aisément du devoir patriotique, cristallisant de la sorte l'esprit d'une collectivité thésaurisante et constructive de la conscience. Il semble bien décidément en dernier ressort que l'adversaire principal des réformes qu'elles soient sociales, politiques, ou du changement tout court, ce sont les idées inertes et immobiles qui se mettent souvent en travers du parcours de cette espèce de conscience instinctive, viscérale et fondamentale en la nécessite de la mue sociale. « Tout monde réduit à l'immédiateté est une prison» écrit Régis Debray, s'ensuit que c'est à l'éducation qu'apparient la mission dilatatrice de la conscience citoyenne car elle s'inscrit dans la durée, ce qui permettrait à coup sûr à l'amour de la patrie de refleurir, au jugement critique du simple citoyen de rebondir et le plus bénéfique, c'est qu'elle faciliterait l'exercice plénier et effectif de la souveraineté populaire, ces qualités-là se fixeraient d'entrée de jeu sur le travail associatif car la société civile, si l'on ose dire, est la colonne vertébrale et l'épicentre des équilibres de forces intermédiaires entre le système politique et le citoyen. Encore faut-il mettre le doigt sur le fait qu'il ne pourrait y avoir de sociétés passoires s'il existait réellement des sociétés civiles performantes. La myopie dans la gestion et l'ineptie politique ne sauraient transiter dans les failles du système politique que s'il y avait des lacunes dans les bases de la société civile, celle-ci est le vrai contre-pouvoir citoyen. En termes plus compréhensibles, la société civile est la goulée d'oxygène salvatrice du système social qui croule sous la chape de plomb du secret, des tabous, et des garde-fous. C'est pourquoi, cet instantané de révolution qui passe telle une flèche par la Tunisie et l'Egypte devrait être perçu comme un électrochoc ayant pris de court les tyrans à une vitesse de météore tout en balayant du revers de la main leurs séniles slogans car en réalité le puits de misères dans lequel s'est engouffré les sociétés arabes en général et la société algérienne en particulier a tissé une constellation hétéroclite de rancœurs et une angoisse grandissante dans les milieux populaires.
Ces réformes-là ne sont conçues, semble-t-il, qu'en tant que faire-valoir démocratique par un régime aux abois face aux yeux des puissances occidentales; il est même légitime de supposer que, dans un certain sens, les autorités politiques de notre pays auraient probablement tout intérêt à ce que lesdits rafistolages se concoctent sous les auspices de certains responsables militaires, maintes personnalités nationales censées être indépendantes, des anciens du sérail et des organisations parasitaires et ganglionnaires sui generis afin de donner du lustre et du relief à leur démarche et mettre en même temps le grappin sur l'axe général de leur d'orientation. Autrement dit, tenir les ficelles obscures de la sphère décisionnaire en simulant a giorno le jeu démocratique. Sur la toile de fond des ambiguïtés et confusions envahissantes aux plus hautes sphères dirigeantes de l'Etat, la population fait flèche de tout bois afin d'en comprendre quelque chose. Il est est bien vrai par ailleurs que cette prise de conscience tardive par les masses des enjeux du pays, si forte soit-elle, est intrinsèquement liée aux effets fructifères du printemps arabe. Ce que le régime algérien tait, ce qui est d'ailleurs politiquement compréhensible à plus d'un égard, c'est cette fracture abyssale qui l'éloigne chaque jour davantage de la société, pour s'en convaincre, il suffit de regarder en face cette absence terrifiante d'une vie politique évoluée et institutionnalisée en raison de la culture des coulisses, de propagande et de fausses rumeurs. Tout est au point mort et la vacuité du régime saute effroyablement aux yeux même si des hauts responsables continuent de témoigner contre vents et marées de sa parfaite harmonie en soutenant que tout allait dans les normes!! Ce qui fait coïncider, sans l'ombre d'un doute, l'onde réactionnaire du régime et l'onde disant révoltée ou à plus moindre raison «révolutionnaire» de la société est ce stand-by et cette peur réciproque ayant surgi entre les deux blocs respectifs. Chacun d'eux prend ses distances vis-à-vis de l'autre tout en s'efforçant toutefois à cohabiter par nécessité. Les régimes despotiques sont aussi désuets qu'archaïques; ils ne sortent réellement leurs griffes que lorsque leurs intérêts stratégique, clanique, prébendier et rentier sont en péril. Or, en Algérie, le partage de la rente pétrolière fut depuis fort longtemps la seule préoccupation du pouvoir actuel et qu'en substance les flottements et les fluctuations des élites ne s'opèrent véritablement que dans l'orbite du système politique et sur la base de cette féconde mais combien maudite «manne céleste». Il est non moins certain en définitive que dans cette perspective, l'on saurait fuir ce postulat qui va de soi: ces réformes ne sont qu'une énième diversion, pire elles ne présagent rien de bon qu'un asémentème, c'est-à-dire, philosophiquement parlant, un signifiant politique sans signifié conceptuel social réel, et si l'on pousse un peu loin l'argumentation, l'on pourrait dire qu'elles ne sont que pure élucubrations, sans cohérence ni consistance et pire encore, saurait-on dire, des réformes esthétiques complètement coupées de la réalité.


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