La police déloge violemment des habitants qui refusent la construction d'un parking Emeutes et affrontements à Hydra Par : Nabila Afroun, Liberté, 11 juillet 2011 Des violentes émeutes se sont déclenchées hier dans le quartier Bois-des-pins, à Hydra, sur les hauteurs d'Alger, entre la police et des citoyens qui réclamaient la préservation d'un espace vert mitoyen à leurs habitations, après l'abattage d'une cinquantaine d'arbres cinquantenaires. Après un week-end plutôt agité, les habitants du quartier Bois-des-pins d'Hydra, sur les hauteurs d'Alger, ont été réveillés hier, tôt le matin, par le bruit de scies électriques coupant les arbres d'un espace vert. Pas moins de 50 arbres cinquantenaires (pins et eucalyptus) ont été abattus dès 7h du matin pour la construction d'un parking haut de 14 étages, mitoyen à l'immeuble G de ce quartier. Le litige entre les habitants et les autorités locales, autour de cet espace vert, ne date pas du week-end. Selon des citoyens, les affrontements d'hier ne sont que la goutte qui a fait déborder le vase. Un vase qui a été longtemps rempli, selon les habitants, par des passe-droits et intimidations policières. “C'était carrément un assaut de la brigade d'intervention contre des citoyens pacifiques. Intervention à 7h du matin. Ils ont coupé l'électricité de la cage 1 de l'immeuble G avant de défoncer les portes de l'immeuble ainsi que celles des terrasses”, témoignent plusieurs citoyens. Pire encore, selon eux, la brigade d'intervention a fait irruption dans plusieurs appartements et a embarqué plusieurs jeunes et agressé les parents. “Je n'ai rien compris, je suis sorti le matin comme d'habitude pour aller travailler, soudain j'étais surpris par des policiers sur mon palier. Ils m'ont demandé de faire demi-tour et lorsque j'ai demandé des explications, ils m'ont poussé à l'intérieur de mon appartement et ils m'ont roué de coups. Même ma mère n'a pas été épargnée”, témoigne Mohamed Z., dont le dos porte encore les stigmates de la bastonnade. Son voisin, agent de sécurité à Sonatrach, a eu droit au même traitement. “Je rentrais de mon service de nuit et ils m'ont chopé à l'intérieur de notre cage d'immeuble et j'ai eu droit aux insultes, crachats et matraquage des jambes”, nous dira-t-il. Ses voisins viennent le rejoindre, les uns après les autres, pour nous faire part de ce qu'ils ont vécu en début de matinée. Les témoignages se succèdent et se ressemblent : injures, obscénités, bastonnades, arrestations et destruction de bien privé. “Comment voulez-vous qu'on ne réagisse pas ? ils rentrent chez nous, ils arrêtent nos frères et frappent nos mères. Cette télévision a été cassée avec un coup de matraque”, nous dira un autre citoyen. Selon les habitants de cet immeuble, 7 personnes ont été interpellées chez elles. Vers 8h, les jeunes du quartier ont riposté à cet “assaut” en barricadant les différentes issues du quartier et en jetant des pierres et autre projectiles sur le service de l'ordre qui était en surnombre. En quelques heures, la cité bois-des-pins, connue pour sa tranquillité – pas loin du siège de Sonatrach, Hydra –, s'est transformée en un véritable champ de bataille : jets de pierres, pneus brûlés, et une voiture calcinée. La riposte était plutôt “disproportionnée”. La brigade d'intervention a fait usage de chasse-neige, de balles en caoutchouc, de pistolets électriques et de bombes lacrymogènes dont le gaz s'est même introduit à l'intérieur des appartements. Certains policiers se sont même autorisés à lancer le fameux “bayte-bayte, dar, dar et zinga zinga”, de Khadafi, ou encore : “Fatiha porte ton foulard, on arrive.” Bilan : une vingtaine d'arrestations et plusieurs blessés du côté des citoyens et une dizaine du côté du service de l'ordre. Plusieurs citoyens blessés ont décidé de porter plainte contre certains policiers, notamment un commissaire, pour agression, infraction et destruction des biens privés. Ce n'est que vers 13h30 que les affrontements se sont calmés. “Tous cela pour un projet de parking qui ne profite qu'aux gros bonnets de sidi-yahia qui ont l'intention de construire un centre commercial sur un terrain Habous du côté du cimetière. Nous refusons de lâcher notre espace vert ; c'est notre seule évasion de nos F2 en cette période de grandes chaleurs. En plus, ce parking va complètement nous priver de nos balcons et de la lumière du jour, car il ne prévoit que 5 mètres de distance”, nous dira Smaïl R. membre du conseil des sages du quartier. Il précisera que plusieurs démarches ont été faites pour préserver ce bois dont une pétition de 4 500 signataires. des rencontres concernant ce litige ont eu lieu avec de hauts responsables politiques dont M. Belkhadem et M. Ziari. “Cela fait plus de 52 ans que ce bois existe, ces pins ont été plantés à l'époque coloniale et ces eucalyptus nous les avons boisés à l'époque des grands volontariats des années 1970. Nous nous sommes battus pour cette espace vert”, nous dira un sexagénaire natif du quartier. Il insiste sur le fait que ce bois a fait l'objet, en 1984, d'une circulaire interministérielle pour sa préservation. Une délégation du comité des sages du quartier a été, hier après-midi, invitée par le wali d'Alger pour des pourparlers.