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Si Tayeb El Mir
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 16 - 08 - 2011

Tayeb est parmi les vainqueurs aux élections communales ; il n'est pas surpris de sa victoire. Il n'en est pas particulièrement heureux, non plus. Sa réputation auprès de ces concitoyens a, de tout temps, été élogieuse. L'homme est connu comme étant affable, modeste et discret. Pour un algérien, sa capacité d'écoute est hors du commun, il n'a jamais coupé la parole à quiconque et encore moins vexé une personne. Ses voisins, les hommes comme les femmes, ses amis, tous ceux qui ont travaillé avec lui, n'hésitaient pas à solliciter ses services quand ils faisaient face à des difficultés. Tayeb appartient à une catégorie de personnes rares. Leur singularité tient tant à leur étonnante faculté qu'à leur grande disponibilité. Il arrive facilement à résoudre des problèmes inextricables, ceux qui se sont accumulés dans la durée et qui ont fini par créer des situations décourageantes par leur complexité. Par ailleurs, ce qui paraissait invraisemblable, sa probité était irréprochable.
Ses amis sont tous satisfaits d'avoir accompli leur devoir pendant la campagne électorale. Chacun détaille, plusieurs fois, les audacieuses opérations qu'il a menées contre les candidats des autres partis politiques, adversaires de Tayeb. La répétition de ces récits est nécessaire. C'est à cette occasion que les versions livrées précédemment sont améliorées. Des faits nouveaux apparaissent et il faut impérativement les agencer, les coulisser dans la trame. Le but est de les actualiser. Dans tous les cas, l'ultime livraison n'a plus aucune ressemblance avec la première mouture. Qu'importe, qui va s'en souvenir ? Personne n'a prêté la moindre attention aux différentes versions. Les autres étaient tout aussi préoccupés à arranger leurs propres histoires et impatients d'étaler la gloire tirée des combats menés sur le front des élections.
Chacun est heureux de compter Tayeb parmi ses contacts privilégiés. Avec le temps, il est devenu une connaissance recherchée. Ses obligés déclinent leur amitié par niveaux de proximité. A la périphérie, au bas de la hiérarchie, l'impatient. Son violon d'Ingres est de ressasser avec un bonheur bruyant de triviales anecdotes avec Tayeb; au palier intermédiaire, le chanceux, lui, s'empresse d'exhiber son intimité avec lui en rappelant, une énième fois, le visage rouge de plaisir, le cadeau qu'il fit lors de la célébration de la circoncision de l'enfant de Tayeb à laquelle il a été convié avec sa femme. Au sommet de la hiérarchie, l'homme de confiance, lui, appartient au premier cercle, celui des intimes. Il se fait un devoir de rappeler à l'assistance, envieuse, l'émouvant déplacement de l'épouse du nouvel élu pour lui présenter ses condoléances le jour même du décès de sa mère. Sa joie de s'approprier les yeux et les oreilles de Tayeb est indicible. Chez ces gens, la perte d'un parent est l'occasion rêvée pour tester son poids et vérifier sa place dans l'échiquier politique. Dans ces milieux, l'introduction de la femme comme actrice donne au jeu une dimension exceptionnelle. La soumission, devenue familiale, donc collective, acquiert une valeur considérable parce qu'elle projette la sphère privée sur l'espace public.
Ses amis sont tout fiers quand ils apprennent qu'il est élu par ses pairs aux fonctions de président de l'assemblée populaire communale. Tout le monde pousse un ouf de soulagement, la ville est enfin sauvée !
Des semaines puis des mois passent. Les choses empirent à vue d'œil. Les ordures ménagères sont rarement enlevées. Elles s'entassent pendant des jours et des nuits, les mouches et les moustiques installent l'enfer dans toutes les cités. La nuit, la ville est noire ; l'éclairage public devient diurne. Les chaussées sont dévastées et les confections des dos d'âne se multiplient, ils servent de corniches à des nids de poules devenus d'immenses crevasses. Les agressions d'enfants devant les écoles se généralisent, des bus de transport urbain sont détournés par des bandes armées d'épées en plein jour, des voies publiques sont squattées par des marchands occasionnels sous le regard indifférent de policiers à la sauvette. De dangereuses bandes armées sèment la terreur, jour et nuit, dans les différents quartiers de ce que fut autrefois la ville. L'impunité est totale. Le nombre de charlatans grossit. Les talebs deviennent les nouvelles stars de la cité. Des files d'hommes et de femmes s'allongent devant leur domicile pour une consultation en sorcellerie. Les hôpitaux, les services d'état-civil et les tribunaux sont continuellement débordés, pris d'assaut par une population harcelée. Les lieux de débauche, longtemps contenus dans les bas fonds, s'étendent au reste de la ville. Leur rapide expansion est facilitée par la brutale croissance des nouveaux riches qui accélèrent, à leur tour, le nombre des déclassés. Traquée jusqu'à l'épuisement, la population a fini par accepter son sort ; en fait, elle n'a pas résisté à sa descente aux enfers. Docile, elle adopte rapidement les traits de la vie sauvage. Des mécanismes de défense primaires se massifient sans que quiconque ne soit choqué. La violence est générale et la peur, dense.
Près de trois années plus tard, le pourrissement est énorme et la déception considérable. Amers, les hommes du réseau du maire ne supportent plus les sarcasmes des gens qui leur reprochent la gestion désastreuse de la vie publique que mène leur ami, le président de l'apc, ils sentent la perte définitive de leur crédibilité. Rapidement, Ils deviennent une cible de choix des reproches de nombreuses personnes qui s'estiment leurrées par cette élection. Les mensonges et les alibis sont épuisés. Dans les cafés, les commentaires ont évolué et sont devenus extrêmement durs. Au début, plus par peur que par pudeur, les railleries étaient chuchotées, discrètes. Dès qu'ils s'aperçurent qu'il n y avait aucun risque et que le silence n'est plus convertible en gain possible, les jugements et les évaluations devinrent violents. Fuyant les quolibets, les amis de Tayeb ont déserté, à contre cœur, les cafés et les lieux de palabres habituels. La frustration de ne plus pouvoir s'y exhiber n'est pas négligeable.
Le sentiment des acteurs du réseau est paradoxal. C'est la relation privilégiée qu'ils entretiennent avec Tayeb qui rend les affaires qu'ils traitent comme intermédiaires dans l'immobilier et courtiers dans l'octroi des marchés publics très lucratives. Cette condition rend toute pression sur le maire risquée pour la stabilité du bizness. Autant leurs gains en actifs dans toutes sortes de prédation sont gigantesques, autant l'espace public est dans un trou noir. On ne peut faire une chose et son contraire. Quelle conduite rationnelle adopter pour se débarrasser de cette gêne ?
Ne supportant plus cette vie de fugitifs, ils décident de convaincre Boualem, l'homme qui a accroché à son actif les condoléances de madame le maire, de conduire, à titre amical, une délégation auprès de Tayeb pour lui rappeler ses obligations vis-à-vis de ses électeurs et comprendre les raisons d'un tel désastre dans la gestion de la municipalité. Tout heureux d'être désigné pour une telle mission, Boualem voit dans ce choix une confirmation de son rang de premier maillon, il accepte sans hésitation.
Le jour de l'entrevue, Boualem expose au maire le problème des ordures ménagères. Il lui paraissait le plus préoccupant d'entre tous. Elles grossissent, dit il, démesurément devant chaque cité et atteignent la taille de monticule, leur décomposition rend l'air infect. Dans les quartiers de la périphérie, le soir venu, les employés communaux, pensant limiter les dégâts, mettent le feu pour détruire ces montagnes d'immondices. Les dommages sont amplifiés, explique Boualem, puisque la fumée dégagée par le sinistre provoque des suffocations et les malades sont victimes d'asphyxie. Ses compagnons hochent la tête pour appuyer les propos du délégué de circonstance. Encouragé par le silence du maire et l'attention qu'il lui semble accorder, Boualem a cru comprendre que le thème a autant d'intérêt que le rôle qu'il s'improvise. Ses hésitations tombent. Emporté par un sentiment que seule l'ivresse procure, il aligne, l'un après l'autre, les nombreux méfaits qui défigurent la cité où la vie est devenue épouvantable. Boualem insiste longuement sur la responsabilité morale vis-à-vis des électeurs. Il n'avait pas remarqué que les hochements de ses acolytes avaient cessé.
Calmement, le maire commence par conforter le sentiment général de ses visiteurs puis leur apprend qu'il est parfaitement conscient des tares rapportées et de bien d'autres encore qu'il n'a pas jugé utile de détailler. Pédagogue, il explique à l'assistance le manque cruel de moyens. Le dérisoire budget de la commune, consommé presqu'entièrement dans les salaires des employés, ne permet ni la réfection des voies publiques, ni l'acquisition des camions pour la collecte des ordures pas même le règlement des factures d'électricité. L'assistance, l'air surpris devant la gravité de la situation, reprend ses hochements de tête. Cette fois ci, le geste doit servir à exprimer au maire les regrets d'avoir douté de sa volonté politique et de sa compétence dans la gestion de la commune. Mieux encore, le hochement doit être accompagné par l'expression d'un fort sentiment de compassion pour les difficultés que le maire rencontre, comme un hommage pour ses sacrifices.
Le maire prend un air sérieux, il fixe longuement ses visiteurs l'un après l'autre comme s'il voulait obtenir d'eux toute l'attention nécessaire.
- Vous me semblez bien naïfs puisque vous pensez que c'est la population qui m'a choisie à la tête de l'apc. Je vous prenais pour des gens futés, capable de comprendre le sens caché des choses. Quant à votre rôle, vous me paraissez prétentieux si vous pensez que vous êtes pour quelque chose dans mon élection. Vous n'y êtes pour rien mes amis. Vous n'êtes que des leurres grassement payés et rien d'autre. J'ignorais à quel point vous étiez des nigauds, réveillez-vous, il est encore temps !
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